Un bilan
D’ici douze mois l’occasion sera offerte au peuple français de changer de président et par la même occasion de majorité parlementaire. Il sera alors plus que temps de dresser le bilan de cinq années de Sarkozysme pur et dur. En effet, si cet homme est aux affaires de l’état depuis 2002 sous une forme ou sous une autre, ça n’est que depuis 2007 qu’il en est le chef. S’il est bien impossible aujourd’hui de tirer toutes les conclusions de cinq années d’exercice du pouvoir, il est néanmoins tout à fait permis de dresser un bilan à ce jour, attendu que 80 % de la durée de son mandat sont d’ores et déjà effectuées.
Quatre concepts majeurs semblent ressortir de ces funestes années. Le premier est l’incompétence. En effet jamais dans la Vème république d’aussi mauvais ministres furent en activité. Jamais nous n’aurions pu penser qu’un Frédéric Lefèvre, une Nadine Morano ou un Christian Estrosi (pour ne prendre que les meilleurs d’entre eux) puisse être en mesure d’occuper de tels postes. Est-ce la fameuse « égalité des chances » poussée à son paroxysme qui a permis à ces abrutis notoires d’embrasser si indécemment le pouvoir ? Il se trouve que lorsque le chef lui-même se vante de mépriser la culture et la littérature, il semble malhonnête d’en blâmer ses affidés. Sarkozy a beau tenter, sous les conseils d’un obscur communicant, de changer son image de beauf à gourmette en délicat érudit le mal est fait et il restera à jamais comme le président illettré méprisant Madame de La Fayette et faisant son jogging devant les caméras en Ray-ban et tee-shirt floqué d’un pathétique « NYPD ». Nous passerons sous silence son incapacité à s’exprimer correctement car un tel niveau de médiocrité ne peut s’expliquer que médicalement ! Cet homme souffre vraisemblablement d’une pathologie le rendant hermétique à la syntaxe et à la grammaire, et on ne moque ni ne critique une personne malade. La vulgarité érigée en mode d’expression émanant du chef, il semble difficile d’en tenir rigueur à ses adorateurs…et pourtant nous avons atteint au cours de ces quatre dernières années des abîmes de nullité et de stupidité. Que Frédéric Lefèvre cite « Zadig et Voltaire » comme l’œuvre majeure qui a marqué son érudition est bien évidemment pathétique, toutefois le pire est que suite à cette réponse il laissa le silence se faire durant quelques secondes avant d’ajouter « c’est une leçon de vie ». Le vide intégral est alors atteint. Il nous ferait presque de la peine s’il n’avait pas si mauvais fond….
Le second chapitre de l’aventure Sarkozyste est le mensonge et la veulerie. Il existe un réflexe populiste nauséabond qui consiste à considérer que le mensonge est une composante indissociable des hommes et des discours politiques. Dans chaque démocratie, au moment où les candidats font campagne, quelle que soit l’élection, et à fortiori l’élection présidentielle au suffrage universel direct, les promesses se multiplient et on assiste bien souvent à une surenchère de mauvais aloi. Néanmoins c’est la règle du jeu, si tant est que ça soit un jeu, et il faut replacer les dites promesses dans leurs contextes et réussir à discerner ce qui relève de la démagogie et ce qui peut s’apparenter à une philosophie, un souffle, une idée autour de laquelle s’articulera la politique à venir. Il est toutefois important de mettre en place des symboles forts. Sur les 100 propositions de Mitterrand en 1981, toutes ne furent pas réalisées, loin de là. Néanmoins de ce programme ressortait plusieurs concepts forts qui indiquaient la volonté de faire évoluer la société dans le bon sens. Du premier septennat de Mitterrand on retient quelques idées formidables comme l’abrogation de la peine de mort ou bien la libéralisation de la bande FM. A priori ces deux points semblent très éloignés l’un de l’autre, néanmoins ils relèvent tous deux d’une volonté d’éclairer la société, de la sortir du formol et de donner au peuple le pouvoir de penser différemment. La véritable gageure se trouve ici, donner les moyens de penser, offrir à chacun un canevas qui permettra d’aborder les problématiques sous un meilleur angle.
Il y a quelque chose de dérangeant à assister à cette mise en scène ridicule et insultante au cours de laquelle, selon les jours, le candidat Sarkozy se fait pourfendeur du grand capital, héritier de Jaurès ou bien encore défenseur des droits de l’homme en « croisade » contre la realpolitik chère à ses prédécesseurs. On sait tous qu’il existe un gap entre ce qu’un candidat promet et la réalité de l’exercice du pouvoir, certes. Néanmoins avec Sarkozy plus ça semblait improbable et plus il y allait à fond. Qui peut croire que cet homme puisse avoir une quelconque conscience de ce qu’est réellement le monde ouvrier ? Sarkozy a ça de particulier qu’il n’a absolument aucune connaissance de ce qu’est vraiment la gauche. Il ne comprend pas cette culture. Tous ces prédécesseurs de droite connaissaient leurs adversaires politiques, c’est-à-dire qu’au-delà même de les respecter (ce qui peut être indéfiniment discutable) ils connaissaient les codes en vigueur et auraient trouvé fort incongru d’aller chasser sur des terres qui leurs étaient inconnues. En décomplexant la droite, Sarkozy s’est certainement senti pousser des ailes et s’est arrogé le droit de manier, de façon fort malhabile d’ailleurs, les concepts propres à la gauche. Et pas seulement la gauche sociale-démocrate, non, non, la gauche prolétarienne et communiste. Carrément ! Il y a là un jeu que l’on peut aisément qualifier de pervers et de profondément insultant. Tout ne vaut pas n’importe quoi si on peut dire, et sous prétexte de calculs électoraux il n’est moralement pas permis de tout dire ou de tout faire. Mais malheureusement la décence est une notion interdite en Sarkozye, ou du moins il est fortement recommandé de la mettre dans sa poche avec son mouchoir par-dessus comme dit si bien ma grand-mère ! Le mensonge ne fut pas uniquement la règle lors de la campagne, loin s’en faut. Les exemples sont nombreux de ces ministres venus mentir de façon éhontée au journal télévisé ou dans la presse pour tenter de se sortir de quelque mauvais pas. Que ça soit les cigares de Blanc, les malversations de Woerth, les turpitudes d’Alliot-Marie, les tentatives d’explications d’Hortefeux (le coup des Auvergnats restera quand même dans l’histoire !)…si ça n’était pas si grave on pourrait presque en rire. Il est de fait légitime de se demander si tout ce petit monde est si brillant qu’on veut bien nous le faire croire (un gouvernement de « professionnels », une république « exemplaire »…ça vous dit quelque chose ?). Jamais au cours de la vie politique sous la Vème république le mensonge, la malhonnêteté et la médiocrité ne furent pratiquées avec autant de conviction par nos dirigeants. Les effets, que l’on ne mesure certainement pas encore totalement, seront dévastateurs dans l’inconscient populaire. S’ils avaient voulu encourager les populismes de tout poil qu’ils ne s’y prendraient pas autrement !
Le troisième point marquant de cette sombre période que nous traversons est l’incroyable amateurisme dont fait preuve ce gouvernement. On a l’impression que chaque décision prise l’est à l’emporte-pièce, sans concertation, et qu’inévitablement les annonces se font dans une cacophonie assourdissante ce qui laisse pantois. La précipitation et le manque patent de réflexion semblent être les règles selon lesquelles la politique est menée dans ce pays ! De ce tourbillon d’incompétence, de manipulation de données grossières (le sketch de Guéant au soir du premier tour des cantonales est un modèle du genre…), d’amateurisme, de cynisme (relire les interventions de Luc Chatel justifiant le saccage de l’éducation nationale….c’est à pleurer), de violence à peine contenue pour les contradicteurs il ressort le sentiment amer que l’on est gouverné non seulement par des cons, mais par des cons méchants, incompétents et stupides. Un con stupide n’est pas un pléonasme, je le précise afin de me prémunir de critique sur ce point. Il suffit de voir comment est géré le dossier Lybien, ou bien encore cette histoire de prime de 1000 euros pour conclure à l’imprécision généralisé qui prévaut à la tête de l’état. On dit souvent que Sarkozy n’est jamais meilleur qu’en campagne électorale. Rien n’est plus vrai, de toute façon il ne peut pas être plus mauvais gouvernant !
Le quatrième sujet qui me préoccupe fort et dont on ne peut
encore mesurer toutes les conséquences est le glissement inéluctable de la
droite vers l’extrême-droite. Que le gouvernement et l’Elysée soient gérés par
des ultra-libéraux abrutis, incompétents, cyniques, ayant mauvais fond,
méprisants et très souvent pas très malins, à la limite ça passe. Enfin non, ça
ne passe pas, mais sur certains points on pourra rectifier le tir en temps et en
heure (bien qu’il sera compliqué de restaurer le service public vu l’état dans
lequel la gauche risque de le retrouver en 2012, mais c’est un débat en soi que
de parler de ce point précis). On peut en vouloir à ces gens de se comporter et
d’agir ainsi, on doit d’ailleurs leur en vouloir si on est un tant soit peu
rationnel et qu’une fibre humaniste, même ténue, s’agite encore au fond de nos
ventres. Par contre il est totalement insupportable et effroyable d’assister à
ce qui se passe actuellement entre l’UMP et le FN. Ce dernier est en passe de
devenir presque plus républicain que l’UMP. Là je vous avoue que je perds tout
sens de l’humour et de l’ironie…je me retrouve même paralysé de terreur !
L’Europe entière est en train de voir ses droites radicales, extrêmes et
nationalistes s’approcher du pouvoir jusqu’à, dans certains cas, l’exercer
pleinement (cf Hongrie, Finlande, Belgique etc.). Il est de bon ton de pousser
des cris d’orfraie dès lors qu’un journaliste ose la comparaison avec les
années 30. Si cette dite comparaison pouvait parfois sembler incongrue et
outrancière elle l’est de moins en moins. Le régime de Vichy est une horreur absolue,
malheureusement les livres d’histoire appuient surtout le fait qu’étant les
vaincus tout était de la faute des allemands. C’est faux. Or pour qu’un régime
comme Vichy puisse être il a fallu que la population adhère suffisamment aux
thèses de l’Action Française, au fascisme le plus immonde. Lorsqu’aujourd’hui
monsieur Eric Zemmour déclare que Pétain, finalement, était un résistant, qu’il
a sauvé les meubles en 40 dans l’attente de la libération de la France par les
Américains et que ce même monsieur Zemmour se retrouve applaudit par les
députés de la majorité alors qu’il crache sa bile sur les lois de la république
réclamant que le délit de racisme soit supprimé, cela est plus qu’anormal,
c’est effroyablement dangereux. Lorsqu’un type comme Robert Ménard vient
beugler sa haine dans les média il est entendu. Qu’on ait le droit de tout dire
peut se discuter, en même temps pourquoi pas ? Soyons libertaires jusqu’au
bout et défendons la liberté d’expression la plus totale ! Toutefois s’il
existe des lois interdisant de proférer tel ou tel propos raciste ou antisémite
c’est bien qu’il y a une raison. Le racisme ordinaire est de la bêtise pure et
simple, le concept même de races est absolument aberrant scientifiquement et
sociologiquement. Expression d’un mal-être évident, il n’en est pas moins condamnable.
Je comprends que par dépit les cons se disent que leurs problèmes ne viennent
pas d’eux mais de leur voisin, à fortiori s’il est basané. Enfin je comprends….disons
que je peux concevoir le fait qu’il soit tellement plus facile de haïr que de réfléchir.
En voulant décomplexer la droite Sarkozy a carrément ouvert les vannes de l’intolérance
et de la bêtise la plus basse. Outre les lois infâmes qui furent désirées, et
fort heureusement retoquées par le conseil constitutionnel comme la loi sur la
déchéance de nationalité, c’est à un véritable glissement idéologique que s’est
attelé le parti présidentiel. On peut abroger facilement une loi, la changer,
la vider de sa substance. On peut difficilement changer les esprits dès lors qu’il
est acquis que le problème vient de l’immigration. Mais d’ailleurs quel
problème et quelle immigration ?
Les amalgames nauséabonds fleurissent depuis 4 ans et ont atteint des sommets
que jamais je n’aurais crus possible. Sarkozy n’a pas connu Vichy. Aucun des
dirigeants actuels n’ont connu cette période noire. Est-ce une excuse pour faire remonter à la surface des projets de
lois définissant des classes de citoyens ? La stigmatisation perpétuelle
des musulmans, la volonté d’appliquer la loi différemment selon qu’on est un
bon français de souche ou un français dont les parents sont immigrés ne sont
pas sans rappeler la période trouble des années 30. Etablir des catégories de
citoyens, et donc ne pas les traiter à égalité, outre que ça aille totalement à
l’encontre de l’idée qu’on se fait d’une république démocratique, n’est pas
sans rappeler ce qui a été fait en Allemagne puis dans les pays occupés, et
notamment la France, concernant le statut des juifs. Lorsqu’on dit ça on se
trouve sous le feu nourri des critiques, outrées que l’on puisse établir de
tels parallèles. Et pourtant qu’on m’apporte la preuve que ce que j’avance est
erroné ! La France de Sarkozy n’est évidemment pas la France de Pétain, et
heureusement, mais un parfum rance d’intolérance et de racisme flotte de plus
en plus dans ce pays. On retiendra de ce quinquennat que des barrières sont
tombées et que la frontière entre la droite et l’extrême-droite non content d’être
de plus en plus ténue est devenue totalement poreuse. Il n’en faut pas beaucoup
à un peuple pour qu’il bascule dans le populisme et adhère à des thèses aussi
stupides. Il est facile de parler d’invasion, des musulmans qui ne s’adaptent
pas et viennent manger les allocations sur le dos des Français, il est aisé de
montrer un bouc émissaire du doigt et de mettre en place un appareil
sécuritaire tout autour de ça. Oui c’est vraiment facile, mais c’est
certainement une des plus grandes escroqueries intellectuelles qu’il nous ait
été donné d’observer. Toutefois le mal est fait et il va falloir du temps et
beaucoup d’énergie pour que l’on considère à nouveau en France que le brassage
des cultures est une richesse insoupçonnée, que vivre ensemble n’est pas qu’une
belle idée mais un ensemble de faits qui forment le socle d’une démocratie
honnête.
Il va de soi que ces quelques points qui devront être abordés lorsque le nain de l’Elysée parlera de son bilan, ne forment pas une liste exhaustive des impérities Sarkozystes. Malheureusement elle est encore bien fournie cette liste….Mais la campagne électorale pour la présidentielle a débutée et le président actuel a fait, et continue de faire, un mal fou à ce pays. Le mensonge, l’amateurisme, la vulgarité ne sont pas, à mon avis, aussi graves que ce virement ultra-droitier opéré par l’exécutif et duquel nous ne pouvons pas encore évaluer toutes les conséquences. Toutefois il y a fort à parier qu’elles seront nombreuses et à l’instar de la crotte de chien qui s’incruste sous la semelle rainurée de mes baskets il va falloir sacrément frotter pour redonner un peu de lustre à cette France rassie et apeurée.
Allez, encore 12 mois à supporter tout ça….d’ici là on ne
lâche rien !
HASTA SIEMPRE
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 2 autres membres