Zone libre

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Un ami

Et si aujourd’hui on ne parlait pas de politique ? Ni de troisième Reich ou bien d’économie ? Si on laissait de côté les colères le temps d’un instant ?

Je dois vous avouer que c’est plus ou moins mon nouveau credo, du moins dans ma vie de tous les jours, rassurez-vous (si tant est que l’un d’entre vous puisse être inquiet) je ne me suis pas mis à accepter béatement les règles du jeu en me demandant comment on pourrait relancer cette satanée croissance ! C’est fini la croissance les mecs, le jour où ça aura enfin été accepté peut-être qu’on écoutera les propositions alternatives et qu’on réinventera le monde ? J’ai bien peur qu’il faille qu’on suive leur absurde logique jusqu’au bout…..MAIS je ne suis pas là pour ça, non aujourd’hui je vais parler amitié. Une fois n’est pas coutume.

Quand on est encore gamin nos seules angoisses portent sur nos visages grêlés d’acné voire le moment où on aura la fierté d’annoncer que, nous aussi, enfin, on a roulé une pelle à une congénère femelle, souvent affublée d’un terrifiant grillage dentaire, ce qui devrait avoir pour effet de repousser toute velléité d’aller vérifier avec la langue la précision de la machinerie en question, mais l’âme humaine comme les hormones pré-pubères font partie de ces grands mystères qui resteront vraisemblablement irrésolus.
Jusqu’à ce moment-là on les regarde bizarrement les filles quand même. D’une part elles ne rigolent pas à nos vannes et puis il faut bien dire ce qui est : elles sont nulles en foot. T’as vraiment les boules quand il faut prendre une fille dans ton équipe pour faire le nombre. D’ailleurs elles finissent souvent dans le but à faire gardien…..personne ne veut jamais jouer le gardien de but, tout le monde veut être avant-centre. Bravo l’équilibre….on est quand même sacrément con à cet âge.
L’acné n’est pas encore devenu source d’angoisse, sauf pour quelques malheureux que dame-nature, cette facétieuse coquine, dota de réserves de sébum qui semblent ne jamais devoir s’épuiser….je ne vais pas les plaindre hein ! Moi j’étais rouquin et je ne sais pas si vous savez ce qu’être rouquin à l’âge de 7, 8, 9 ou même 10 ans, signifie….ben c’est pas folichon.
« rouquemoute », « poil de carotte »….sont les sobriquets les plus courants dont vos chers camarades vous affublent, mais le plus vexant sont les légendes urbaines qui circulent sur notre compte, à nous les rouquins….Tout d’abord le fait que le rouquin pue, au-delà même du fait qu’un rouquin ne peut avoir d’âme, ce que je ne peux contester officiellement…n’en sachant rien moi-même!

Ben oui, ne me demandez pas pourquoi, mais il parait que le rouquin exhale une odeur forte et acre qui semble être assez désagréable. Le pire étant le rouquin mouillé qui, à l’instar du chien, devient carrément nauséabond.
Quand il pleuvait et qu’on rentrait de la récré les vannes fusaient, et il pouvait parfois être difficile de trouver un camarade suffisamment résistant aux mauvaises odeurs pour accepter que je m’assieds à ses côtés.
En même temps c’est une connerie cette histoire d’odeur…je vous assure. Je sens très bon. Enfin je peux dauber si je fais la grève de la douche, qu’il fait chaud et que j’ai décidé de faire un quelconque effort physique (ouais je sais ça semble peu évident à priori, surtout pour l’effort physique…). Toutefois je fus longtemps suspicieux et très attentif à cela que je contrais par une hygiène corporelle irréprochable !!

Les gamins sont cruels, ça on le sait et on a tous vécu ce genre de situation. Moi j’étais le rouquin dont la famille sonnait un peu faux. Il faut dire que tous, et heureusement, n’étaient pas au courant de mon histoire familiale et pensaient que ma mère était celle qui me donna vie alors que pas du tout….le hic est que les écarts d’âge respectifs entre ma mère ma sœur et moi sont de 16 et 19 ans.
Pourquoi le « hic » ? Ben parce que des connasses qui n’avaient que ça à faire ont bien bavé sur la situation qui devait certainement les ravir vu qu’elles pouvaient gloser sur une situation immorale et ainsi oublier leurs gros bides et leurs alcoolos de maris. Je suis méchant….si si je suis méchant, elles n’étaient pas toutes mariées.

Les gamins sont cruels et ça je l’ai compris tout de suite. Je pense que j’ai compris très vite que la vie elle-même était cruelle, alors les gosses…J’avais deux options au regard de ma situation, soit je subissais en me taisant laissant à la providence le soin de me guider vers quelque âme charitable. Soit je cognais dès que j’entendais le mot « rouquemoute » ou bien « de toute façon ta mère elle est morte »….ben ouais p’tit con, je suis au courant, mais tu vas quand même prendre mon pied dans ta tronche de nabot !!

J’étais un petit garçon nerveux, il faut bien l’admettre. Je n’étais pas agressif, non, je n’ai jamais fait que me défendre.
Certes parfois de façon un peu trop virulente ce qui provoqua quelques convocations chez le dirlo…..et je n’aimais pas ça parce que le dit dirlo n’était pas commode. Bon j’étais un copain de sa fille (elle était un vrai garçon manqué, mais on va revenir sur les filles dans quelques lignes, promis) et il faisait les gros yeux me donnait une punition et puis basta !

Mais comment faire ? Comment se faire accepter dès lors qu’on est un tant soit peu différent ? Le pire est que tous les gosses du monde se sentent différents et donc se sentent à un moment de leur vie rejetés….faut en passer par-là.
Eh bien moi je faisais le con au fond de la classe, je faisais rire les glandeurs et enrager les fayots et j’étais toujours prêt à organiser une baston au milieu de la cour histoire de régler son compte à quelque arrogant du camp d’en face.
Il y’a toujours des camps dans les cours de récré, et même si j’ai toujours tenu à faire partie du camp le plus fort, il y’avait quand même des champions chez les autres…et j’ai pris quelques branlées mémorables.
Mais c’était le jeu.

A cette époque, qui court de la maternelle au CM1 environ, CM2 peut-être, on est donc entre congénères du même sexe parce que les filles ça craint de toute façon.
Est-ce que les filles pensent la même chose de nous ?  Bah peut-être mais on ne le saura jamais parce que t’es pas fou toi j’vais pas aller parler à une fille non plus et puis quoi encore ? Tu veux qu’on joue à la marelle ???

A partir de la maternelle, en tout cas en ce qui me concerne, les filles ne valaient pas grand-chose et n’offraient absolument aucun intérêt. C’était comme des gars mais avec les inconvénients des filles en plus….

Ne pas croire que je laisse libre cours à une quelconque misogynie, en aucun cas, je relate simplement quelques faits qui se passent dans les cours de récré.

Alors on est entre potes. On a des copains et on a des amis. Ceux-là on passe tout notre temps disponible avec eux. On fait nos premières conneries, on tanne nos parents respectifs pour inviter l’autre à dormir, et on se dit que rien, absolument rien, ne pourra venir entacher cette si solide amitié !

Normalement entre le CP et le CM2 on garde plus ou moins les mêmes potes, enfin moi ce fut le cas car j’ai fait tout mon primaire au même endroit…c’est ensuite que ça s’est gâté.
Alors année après année on a la sensation que les liens d’amitiés ainsi forgés seront indestructibles. On a 8 ans et on voit le monde bizarrement en fait….quoiqu’on ne s’en rende pas compte, et heureusement d’ailleurs.

Et puis il se passe un truc bizarre chez les filles. Tout à coup certaines se mettent à marcher en se voutant légèrement, à garder leurs blousons fermés jusqu’en haut alors que d’autres forcent leurs cambrures de rein jusqu’à la caricature. Mais quel est ce phénomène étrange ? Et bien il s’appelle LES SEINS ! Oui vous avez bien lu, les seins des filles se mettent à pousser.

Dès lors il doit se passer un truc comme une réaction chimique ou bien de la magie, mais subitement les filles présentent quelque intérêt. Alors les « voutées » on ne leur parle pas plus, mais les « cambrées » deviennent l’objet de toutes nos attentions de jeunes mâles en rut.
Un des effets notable étant que désormais il est possible de distinguer précisément le physique d’une fille, et donc de reconnaitre une belle d’une moche….parce qu’avant ça elles ne sont ni moches ni belles, elles sont juste…des filles.

Dans une cour de récréation il y’a toujours une reine, celle qui est plus jolie que les autres, ou du moins celle que ses parents ont conditionnés pour qu’elle se pense la plus jolie, et souvent ça marche.
Comme mes congénères mâles j’ai, moi aussi, été amoureux d’une reine de cour de récré. Enfin amoureux est un bien grand mot….mais j’étais obsédé par ses seins et m’étais juré d’être le premier à l’embrasser ! Parce que ça y’est...on y est…l’objectif est désormais la galoche ! Et pourquoi pas avec un nichon dans le creux de la main (ouais à cette époque on parle quand même de poitrine naissante, pas de Nabila…) tant qu’à faire.

Le problème pour moi c’est toujours le même, la couleur de cheveux….les premières reines de récré que j’ai connu étaient tellement connes qu’elles croyaient dur comme fer que les rouquins étaient des démons et que s’ils étaient brûlés au moyen-âge c’est bien qu’il y’a une raison non ?
Je crois que c’est à cette époque que j’ai pris conscience de l’existence des dindes ! Et j’en croiserai un paquet le long de mon existence, croyez-moi…

Et la franche amitié virile dans tout ça ? Et bien elle en prend un coup, mais rien de grave non plus. Comme on rêve tous d’aller titiller les amygdales de la dinde susmentionnée avec nos langues baveuses, forcément ça crée quelques tensions.

Y’a toujours un genre de beau gosse qui y arrive d’ailleurs, ce qu’il paie souvent par une mise à l’écart prononcée du groupe si jamais il fait partie du notre, ou alors l’objet ciblé de représailles au cours des fréquents affrontements entre bandes rivales.

Les cours de récréation ne sont que stupre et violence en fait….bigre et dire qu’Alexis va vivre ça et qu’en plus il va s’éclater !!! 

Et puis….et puis le collège, et puis le lycée, et les filles deviennent tout simplement LE centre d’intérêt principal des petits mâles qui ne comprennent pas vraiment ce qui arrive à leur corps.
Toutefois durant cette période on se forge de nouvelles amitiés. Les anciennes, celles qui avaient cours lors de nos années d’école primaire ne valent alors que si nos camarades se retrouvent dans le même établissement.
On ne fait aucun effort pour conserver une amitié à cet âge, c’est logique vu qu’on est persuadé qu’elle est indestructible !!

Elles sont d’airain ces amitiés là….du moins le pense-t-on le plus sincèrement du monde.

De mes amis de collège il reste qui ? Ben personne….plus personne.
Marc aurait assurément toujours été à mes côtés aujourd’hui, aurait connu mon fils, aurait ri avec Constance, aurait été mon témoin de mariage…s’il n’avait pas décidé de se foutre en l’air un putain de soir de Juillet 1999 en sautant du toit du lycée Buffon !

Depuis 14 ans je n’ai emprunté la rue Raymond Losserand (lieu du premier acte de ce drame atroce) qu’une seule fois, et c’était par mégarde…le reste du temps je fais bien attention à l’éviter cette saloperie de rue.
Par contre il y’a quelque chose d’ironique à  constater que je passe devant le lycée Buffon chaque matin pour prendre le métro, et qu’invariablement je me mets à regarder son toit sans même m’en rendre compte.
Marc aurait été là c’est certain…..mais il n’est plus là pour personne.
Rideau.

Les autres ? Ben nos chemins se séparent au fur et à mesure, on déclare qu’on va s’écrire, qu’on va rester en contact mais on ne le fait pas.
Oh, bien sûr, on culpabilise un peu au début et puis lorsqu’on se rend compte que l’autre n’en n’a plus grand-chose à foutre non plus et que lui aussi a culpabilisé à un moment, et bien là on se sent léger comme une plume et on lâche l’air grave et plein de sagesse : « Bah…c’est la vie ça ! On se croise, on se quitte. » (Ce n’est pas de la pensée hautement philosophique ça peut-être ?)

Pour ma part je n’ai plus qu’un seul ami du lycée, et on ne se voit jamais vu qu’il vit à New-York depuis près de 20 ans, mais il est mon ami, et le restera à jamais…ce qui est à priori étonnant si l’on se réfère à l’adage « loin des yeux, loin du cœur ».

Les autres de mes amis, qui le sont devenus après le lycée, je pense qu’ils le resteront également pour toujours. Je les ai malmenés mes amis, je les ai soulés de mes excès, de mes détresses. Je les ai usés de ma souffrance et pourtant…pourtant ils sont là. Encore et toujours.
On peut bien s’engueuler et se cloitrer chez soi durant 3 mois, lorsqu’on se retrouve c’est comme si on s’était quitté la veille !

Parmi cette petite dizaine de personnes il y’en a un qui retient mon attention aujourd’hui. Ceux qui me connaissent un peu doivent le connaitre, les autres c’est tant pis, ce type c’est Laurent.

Avec Laurent on a fait les cons, et pas qu’un peu ! On a souffert, ou cru souffrir, ou aimé souffrir…ou les 3 à la fois, en même temps.
On se consumait à coup de drogues plus ou moins fortes (souvent fortes quand même), d’alcool et de cris de douleurs.
On s’aimait à coups de guitare, on marchait sur les toits la nuit pour voir si on aurait le courage d’en finir avec cette chienne de vie…avant de réaliser qu’il était quand même plus marrant de pleurer avec une bouteille d’eau de vie que de crever.

On s’est éloignés l’un de l’autre, c’est certain et inéluctable, et pourtant chaque retrouvaille n’en était pas une. On ne changeait pas, on s’est, je crois, toujours aimé. Et, je crois aussi, qu’on s’aimera toujours…

Laurent et Raphaëlle ont accueilli Niels voilà quelques jours, bienvenue dans le monde merveilleux des grasses matinées disparues !
On ne s’est pas beaucoup vu durant la grossesse de Raphaëlle, mais on arrivait  toujours à se glisser un texto, un message à la con, un signe histoire de dire à l’autre qu’on était là.

Voilà quelques jours sur les coups de 4 heures du matin mon téléphone se met à hurler….Laurent m’appelle.
Niels est né depuis 2 jours, quelle ne fut pas mon angoisse au moment de décrocher !!
Elle s’est vite estompée….

Nous avons discuté un long moment, moi dans mon lit, lui sur son nuage entre la maternité et son matelas. Il avait des angoisses liées à son enfant, il savait que j’avais eu les mêmes mais quand bien même il m’aurait appelé.

A un moment il m’a simplement dit qu’il était heureux qu’on soit amis, qu’on sache se respecter et s’aimer si fort qu’on ne pouvait se fâcher. Que sa déception était que je n’ai pas été là pour voir son fils (pas encore….mais pas pu aller à Lyon encore…j’t’expliquerai !), mais que ça lui faisait du bien qu’on soit amis….s’il savait comme ça m’en fait à moi aussi !

Un ami, un vrai, c’est celui qui vous appelle à 4 heures du matin pour parler simplement et à qui on ne raccroche pas, pour qui on va même jusqu’à se rhabiller et fumer une clope sous les étoiles tout en écoutant ce bonheur d’être un papa tout neuf !

Un ami n’est pas celui qui va se sentir obligé de donner des preuves de cette amitié, non, un ami sait qu’il l’est.
Quelque part un ami peut tout se permettre….le jour où on ne le supporte plus c’est, je crois, que l’amitié n’est plus si forte. 
Il n’y a rien de dramatique en soi, mais je reste persuadé que mes amis je les garderai jusqu’à la tombe….je pensais également ça à 10 ans c’est vrai et pourtant quelque chose me dit que j’ai beaucoup plus de crédibilité aujourd’hui qu’il y’a 30 ans.

Laissez-moi le croire, ça n’emmerde personne et me fait du bien !

Bienvenue à Niels dans ce monde de cons…..lui aussi aura des amis, des vrais amis qu’il appellera à 4 heures du matin pour parler.

Simplement…





13/08/2013
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