Zone libre

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Le temps paradoxal

On en apprend tous les jours ! Je viens de réaliser que depuis des années je pensais que « prémices » était du genre masculin…alors que pas du tout ! Il est féminin, et personne ne m’a jamais rien dit. Sympa….je n’ose croire que je crée d’autres aberrations de langage mais vu que personne ne me reprends quand je parle, ou j’écris mal, que ça m’a mis un coup.

Peut-être est-ce par crainte de me vexer ? Ou de me froisser ? Suis-je si terrifiant que cela ? Peu importe.

Je ne puis résister à l’envie de vous narrer brièvement ce qui agita mes derniers jours. Depuis que Constance et moi sommes allés visiter la petite Alice, fille de François et Charlotte, sœur de Mathilde, une dizaine de jours au compteur, je fus submergé d’émotion et pétri d’angoisse. François, mon poteau, le papa protecteur de tout ce petit monde, m’avait bien dit « Venez voir Alice, tu vas voir comment c’est en vrai, tu pourras t’entraîner ». En entrant dans l’appartement la première chose qui nous marqua fut la tronche de déterré de mon pote….manque de sommeil évident. Et puis il faut dire que Mathilde, 2 ans et demi, bien qu’absolument adorable avec sa sœur n’en est pas moins, et ce de manière totalement naturelle, jalouse de l’attention portée au nouveau-né, forcément à ses dépens.

 Charlotte avait l’air plus en forme mais elle m’avoua par la suite que le fond de teint offrait un camouflage tout à fait honorable et pouvait ainsi faire bonne figure…c’est le cas de le dire !

Alors là c’est bisous, félicitations, je donne la bouteille de Champagne pour qu’on trinque à la santé de la nouvelle venue, Constance offre le cadeau qu’elle est allée chercher et nous nous dirigeons gaiement vers la couche (le lit pas le gracieux sous-vêtement qui leur fait des culs improbables) de la petite merveille afin de l’admirer. En vrai, en chair et en os….

Entre parenthèse Constance m’avait appelé dans la journée pour me dire qu’elle avait acheté un « doudou » à cet enfant. Un doudou ? Qu’est-ce que c’est que ça dis-moi ? Et bien croyez-le ou non j’ai appris qu’un doudou était une sorte de mascotte, un bout de tissu ou un animal en peluche duquel l’enfant se sépare que très difficilement et qui surtout lui est indispensable pour s’endormir. Ahhh je sens que je vais aller de surprises en surprises moi ! Alors va pour le « doudou ».

Donc nous voici en face de l’enfant dormant du sommeil du juste dans une sorte de transat ergonomique qui semble fort confortable. Là, premier choc : c’est quand même tout petit un nouveau-né. Je voyais ça plus balèze quand même. En même temps Constance me confirme que c’est la bonne taille, et que d’ailleurs plus gros ça rendrait la chose bien plus douloureuse à sortir. J’oublie toujours par où il doit sortir le bébé….mais vu sous cet angle il semble en effet que les dimensions de l’enfant étaient parfaites.  J’avais sous les yeux un ange. Que c’est beau un bébé qui dort ! Ses traits d’une finesse incroyable, sa petite bouche en cœur, son nez miniature, ses grands yeux en amande…j’étais sous le charme mais pourtant une bouffée d’angoisse m’envahit immédiatement. J’ai connu quelques bébés dans ma vie, mes frères, mes neveux, les enfants de mes amis etc. Mais je crois que j’avais oublié comme un nouveau-né pouvait être petit, pouvait sembler fragile. Fragile, c’est bel et bien l’adjectif qui caractérisa la représentation que je me faisais de cet enfant que j’avais sous les yeux. Les bébés sont fragiles c’est aux parents d’en être les protecteurs. J’ai assimilé le concept depuis un moment,  mais un concept n’est pas la réalité.

La finesse de sa peau me marqua également, il est vrai que dans l’utérus l’épiderme n’a pas l’occasion de se tanner au contact des éléments, alors lorsqu’il sort il semble enveloppé d’une couche si fine, si douce et si…fragile, que j’ai immédiatement compris ce que Constance me raconte depuis un moment sur le fait de lui acheter des vêtements hypoallergéniques, dont acte. S’il faut lui acheter un pyjama bio nous le ferons. Et oui chers amis, il existe des pyjamas bio, je n’invente rien ! Faut pas non plus rejeter toute forme de progrès, et si c’est bon pour le gamin, ça me va.

Alice s’est alors réveillée, je doute qu’elle l’ait fait par politesse, non, je pense qu’elle avait la dalle. Ce que me confirma d’ailleurs  son père qui s’enquit de la nourrir au biberon. Tout petit bébé, tout petit biberon et encore il parait que quelques jours avant elle en était à boire des biberons de 2 centilitres ! D’un coup je comprenais pourquoi un shot de 2 cls de Whisky s’appelle un « baby »…quand je vous dis qu’en ce moment je vis une leçon de choses permanente, je ne mens pas. Toutefois entre le réveil et le biberon je me suis retrouvé avec l’enfant dans mes bras, je ne vous raconte pas l’émotion qui m’envahit entièrement à ce moment-là. Elle tient sur mon avant-bras, et il reste de la place, j’aurais pu la mettre dans ma poche si j’avais voulu ! Toutefois je doute que ça eut fait rire ses parents, qui, je vous le rappelle, étaient un peu lessivés et forcément un peu moins patients que d’habitude, on le serait à moins.

J’ai dû prendre un peu de recul et décidais d’aller fumer une clope sur le balcon histoire de remettre mes esprits dans le bon ordre.

Je tirais goulument sur ma cigarette tout en contemplant Constance qui conversait à bâtons rompus avec la petite créature toute neuve. J’ai eu alors la confirmation qu’elle serait une maman formidable. Elle l’est d’ailleurs dores et déjà je crois bien.

J’ai l’intime conviction que je saurais être un père aimant (et je ne parle pas de magnétisme !), attentif, avec lequel mon fils aura plaisir à parler et surtout fera confiance. Quelque part je me dis que ce gosse a de la chance de nous avoir comme parents, enfin comme futurs parents, j’en parle comme s’il était là….

De nos enfances respectives, à elle comme à moi, surnagent des traumas plus ou moins marqués, plus ou moins évidents. Certes Constance ayant un mal fou à exprimer ce qui parfois lui tord le ventre et mouille ses yeux je ne saurais établir un parallèle parfait entre nos deux enfances. Elles ne sont en rien comparables. Et il est évident que je ne souhaite la mienne à personne, et surtout pas à elle. De nos vies si différentes nous en avons ressorti individuellement des angoisses, des peurs, des montagnes de questions comme dit si bien la chanson, et il a bien fallu établir des compromis pour qu’un équilibre se fasse et permette à ce petit bonhomme de ne pas débarquer sur un terrain trop chaotique, sans trop de nids de poules et de gouffres divers.

Pour elle j’ai cessé d’avoir de l’alcool à la maison. Pour elle j’ai cessé de fumer des joints. Pour elle je tente d’arrêter de fumer. Parfois je l’avoue ça peut me mettre en colère car si je me suis privé de ces derniers plaisirs, ceux que je m’octroyais après avoir dû arrêter toutes les drogues du monde, c’est qu’elle m’exprime clairement qu’elle ne maitrise pas bien la mesure. Et c’est l’excès qui crée les problèmes d’addiction. Moi-même suis-je quelqu’un de mesuré ? Au premier regard on pourrait penser que non, néanmoins si j’ai réussi à construire une vie professionnelle dont je n’ai pas à rougir c’est bien que mon équilibre passe aussi par le fait de réussir à se déconnecter parfois et fumer une clope en dégustant un whisky me le permet.  De ça je pourrais légitimement entretenir une certaine rancœur, une frustration destructrice autant dans ma relation amoureuse que dans mon rapport à moi-même.

Mais le fait est que je l’aime. Qu’elle porte mon enfant et qu’elle est celle avec qui je vais devenir vieux. C’est plutôt sexy comme programme, je vous assure. Certes j’aimerais un peu plus de souplesse, un peu plus de recul par rapport à tout ça mais le moment n’est pas encore le bon pour essayer d’entreprendre une détente qui me serait bénéfique.

Alors j’ai remisé mes feuilles à rouler, mes bouteilles de whisky et même si j’en chie et que surtout ça me met un peu en rogne, également mes cigarettes.

Tout ça est un peu nouveau pour moi car si du fait de mon passé de junkie je fus à une époque un expert dans l’art du mensonge et de la dissimulation, jamais je ne me suis planqué pour fumer une clope ni même un joint. Bon, j’avais très bien éduqué mes parents qui ne pouvaient entrer dans ma zone de vie située sous les combles de la maisonnée familiale et pour tout vous avouer leur avis je m’en cognais comme de ma première branlette !

Forcément que ces efforts sont bénéfiques pour ma santé, concept également fort neuf, et je ne désire rien de plus que de la rendre heureuse. Elle et également mon fils, cette crevette qui s’agite et fait onduler la surface du ventre de mon aimée lorsque je prends ma guitare pour y gratouiller quelques accords. Peut-être qu’il cogne comme un dément sur la paroi utérine en priant que ce vacarme cesse, mais au moins ça veut dire que son audition est opérationnelle.

Qu’il ait des goûts de chiotte ça le regarde, au moins il n’est pas sourd, c’est ça l’important. Et oui mon incommensurable ego me fait penser que celui qui n’aime pas ma musique n’est pas digne de l’écouter…tout ça est très subjectif vu que je chante faux, des trucs d’une tristesse absolue et ce sont toujours les mêmes trois pauvres accords que je m’échine à faire couiner sur ce morceau de bois vernis. Mais que voulez-vous, il faut bien être un peu content de soi parfois !

Pour elle j’ai accompli des efforts incroyables et réussi à équilibrer ma vie. Pour elle j’irai cueillir le dernier edelweiss sur la plus haute montagne du plus lointain pays. J’irai même décrocher la lune s’il le fallait, alors faire un break sur les derniers produits que je m’accordais est bien peu de chose.

Or depuis cette rencontre avec Alice j’ai réussi à matérialiser un peu plus précisément ce qui nous attend et la rencontre avec notre fils. Ce ne fut pas sans combattre ces angoisses nouvelles, fruits de mes circonvolutions cérébrales, on peut même parler de nœuds, je l’accepte volontiers.

L’argument qui consiste à me dire que c’est pour mon fils que je cesse de fumer j’ai un peu de mal à le comprendre. En effet je ne suis pas encore totalement cramé et je crois posséder toujours quelques synapses fonctionnelles au bout desquelles des neurones certes abîmés mais néanmoins en état de marche s’agitent comme un shaker entre les mains de Tom Cruise ! (Je n’ai pas toujours des références cinématographiques de haut niveau, je l’admets là aussi sans honte….enfin, avec juste un petit peu de honte mais pas trop quand même !). Cela fait que j’ai conscience de tout ça, conscience que cet enfant ne pourra compter que sur nous au cours des premières années de sa vie, que de fait je ne vais pas l’enfumer comme un renard…oui je sais l’image est éculée mais c’est le matin et il y a de brouillard dans mon cerveau.

Une chose assez incroyable s’est produite depuis que nous vivons notre amour, elle et moi, comme il se doit : je ne suis plus cet infâme égoïste sans états d’âme qui refusait implacablement toute demande de changement de comportement que je vivais comme un diktat.

Mais attention je ne suis toujours pas prêt à accepter le moindre diktat, de personne, pas même de moi c’est dire…ce qui change est que je ne considère pas ces demandes concernant mon hygiène de vie comme telles. Ma perception a changé, tout simplement. Et c’est la raison pour laquelle je ne suis pas en colère de ça.

Quelque part je trouve dommage qu’il faille renoncer à quelques plaisirs sans conséquences importantes (certes un cancer en est une mais on n’en est pas là, fort heureusement) pour réussir à créer une harmonie propre à l’équilibre de chacun. Ces fameux compromis que jamais je n’ai acceptés avant elle.

Seulement voilà, dans 3 mois notre enfant verra le jour, et chaque jour je les compte…les jours. (Ça fait beaucoup de « jour » mais c’est voulu. Merci)

Pour ça je suis également prêt à tout, le reste devenant subitement d’une insignifiance abyssale.

Depuis que l’on est allé visiter Alice j’étais limite en panique, déprimé par tout ce qui restait encore à accomplir avant qu’il n’arrive, terrifié à l’idée qu’il serait si petit, si fragile et bien évidemment les conséquences sur l’harmonie de notre vie de couple furent importantes.  J’ai été bien con durant ces quelques jours. Constance l’a senti, elle a même fait en sorte d’apaiser mes craintes en prenant à son compte tout un tas de choses que je ne m’imaginais dédiées.

Elle aussi a fait des compromis, il m’a fallu du temps pour le comprendre, ça m’aide à accepter ceux que je fais.

Si la chambre du petit est loin d’être prête, au moins on est en train de s’en occuper. Et puis ça y’est, on a acheté la poussette, le siège-auto et le fameux lit-transat-reproduction de l’utérus que les marchands nomment « cocoona-baby ». Ils manquent parfois d’imagination les marchands du temple, il faut bien le reconnaitre, mais que ça s’appelle fusée interstellaire, transat ou plumard, on s’en fout. J’adore cet objet dans lequel il va pouvoir être au chaud, confortablement installé et nous on pourra l’aimer comme il le mérite…c’est-à-dire sans aucune limite !

Tout comme j’ai appris que « prémices » est féminin, j’apprends chaque jour à gérer mes angoisses inhérentes à cette naissance. Ma psy, formidable personne s’il en est, me disait la semaine dernière que nous vivions une mutation. Le terme est parfaitement adapté, nous sommes en train de muter. Et comme tout changement celui-ci ne se fait pas sans heurts ni sans doutes. Le contraire m’aurait rendu méfiant en même temps. Mais j’ai une tendance à douter du simple fait que je puisse être heureux, qu’il arrivera un moment où un grain de sable viendra enrayer la belle machine. C’est un vrai problème mais en même temps je me soigne alors il n’y a aucune raison que tout ne se passe pas comme on l’espère.

Ça me renvoie au surnom dont mes parents m’affublaient étant gosse : « Mister Catastrophe ». Je voyais toujours le pire de chaque situation. Ça ne m’affectait pas plus que ça, mais j’extrapolais chaque moment pour arriver à conceptualiser le pire, ça s’explique assez bien au regard de mes fameux traumas enfantins.

Par exemple chaque soir en rentrant de l’école je demandais toujours la même chose, si j’allais prendre une douche ou bien un bain. Manière détournée de me rassurer car étant brinquebalé de maisons en maisons je n’avais jamais la certitude de l’endroit où j’allais dormir le soir même. J’avais toujours un sac à dos avec mon minimum vital. Un pistolet de cow-boy dûment chargé d’amorces à la douce odeur de poudre, un cahier et des crayons de couleur et mon Kiki. Vous savez, le fameux « Kiki de tous les Kikis »,  affreux petit singe que chacun habillait selon ses désirs ?

J’avais besoin d’être rassuré concernant les choses matérielles, vu que je ne pouvais l’être sur aucun autre sujet…

Et bien à l’aube de cette nouvelle et passionnante vie qui s’annonce je ressens parfois les mêmes sensations. Et puis je me dis que tout ce qui peut être réglé avant sa naissance sera des tracas en moins, et donc du temps et de l’attention en plus que l’on pourra dédier à ce bébé…CQFD.

Aujourd’hui je vais mieux, je sais que nous allons tous les deux dans le même sens, la main dans la main accueillir notre enfant. Notre premier enfant…comme c’est bon !

Putain comme c’est bon !!

C’est à l’heure actuelle la seule chose qui compte pour nous, je sais bien que ces instants magiques nous ne les vivrons plus jamais. Que lorsque de nouveau nous attendrons un enfant (ben ouais on ne va pas le laisser sans frère ni sœur cet enfant, ça serait lui faire un sale coup…et puis j’ai comme la sensation qu’on est fait pour être des parents) les choses seront différentes, les sensations certainement aussi profondément intenses, mais elles seront autres.

Je ne nous remercierai jamais assez de ce cadeau que l’on se fait.

Le temps est distordu en ce moment. Les semaines filent à une vitesse incroyable et pourtant le temps qui nous sépare de la rencontre avec lui me semble tellement long…

Mais je ne suis pas, et de loin, à un paradoxe près.

Bonne journée

HASTA SIEMPRE

 



12/01/2011
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