Zone libre

Zone libre

Le punk dans le livret

Je ne m'en sors pas avec cet article. C'est agaçant…Je m'explique : A l'instar d'un poème ou d'une chanson il arrive qu'un texte soit déjà plus ou moins construit à l'intérieur de ce que j'ai coutume de nommer mon cerveau. Dès lors il me suffit de déposer sur la feuille ces phrases déjà agencées auxquelles il suffit d'un peu de remise en forme cosmétique pour qu'elles soient acceptables. Je ne dis pas que c'est bon, loin de moi cette idée, simplement que leur rédaction est extrêmement aisée dans ces conditions.  A l'inverse il m'arrive également d'avoir à revenir plusieurs fois sur un article pour en enrichir le fond tout comme la forme, le corriger, car l'actualité à évoluée, ou bien m'arracher pour mettre en forme avec un minimum de style (on a ses petites coquetteries) quand je suis dans une période de misère linguistique.
Toutefois depuis une dizaine de jours maintenant (14 pour être exact) je cherche à raconter un évènement précis qui concerne un pan très important de mon histoire personnelle dont je me sers afin d'ouvrir la réflexion vers un champ plus large et sur lequel il serait possible d'opposer des idées et pourquoi pas de batailler. Le problème est que comme en parallèle je travaille également sur ce sujet précis à d'autres fins que d'écrire un simple article, j'ai tendance à confondre les deux travaux ce qui a pour effet d'introduire ici un lyrisme et peut-être une certaine poésie qui n'ont pas vraiment leur place ici. On m'a encore reproché hier de faire des phrases bien trop longues, il est indéniable que j'ai également ce défaut à l'écrit, or ici il faut quand même essayer d'être concis, précis et percutant. Ce n'est pas évident, et d'ailleurs je n'y arrive pas…tant pis.
Donc à me perdre dans des circonvolutions syntaxiques pas possibles et à tester toutes les figures de style et de rhétorique que j'ai en stock, le propos ne peut plus être circonscrit à un seul article et au final personne n'y trouve son compte.
Mais je m'égare je m'égare…enfin non je ne m'égare pas vraiment mais j'explique un truc sans grand intérêt et si vous êtes restés jusque-là je vous en sais éminemment gré. Votre courage et votre abnégation va être largement récompensés car je m'apprête à écrire des choses d'une grande portée philosophique et d'un intérêt majeur pour la bonne marche du monde ! Comme d'habitude me direz-vous et je suis bien d'accord….bah je déconne il faut bien se flatter parfois vu que personne d'autre ne le fait.

Mercredi 15 Juin me voici dans la salle d'attente du centre de désintoxication de l'hôpital Marmottan à Paris que je fréquente assidûment depuis désormais 4 ans. De quotidiennes ces visites sont devenues hebdomadaires, puis bihebdomadaires pour devenir mensuelles. Je suis donc là pour mon entretien du mois, et je suis un peu en avance.
Pour qui a déjà mis les pieds dans un établissement traitant les addictions il a pu remarquer que la salle d'attente regorge de fascicules divers parlant des drogues de même que les murs sont généralement tapissés d'affiches parlant également de la dope et de la toxicomanie. Pas les affiches qu'on trouve dans les lycées et qui nous disent de manière un peu manichéenne et abrupte que la drogue, de toute façon, c'est de la merde. Que ça soit en partie vraie personne ne le nie, et tant qu'à faire si on peut éviter de s'égarer dans la défonce il ne faut surtout pas hésiter, néanmoins ce discours a un quelconque impact sur les populations n'ayant jamais été confrontés frontalement au problème, pas sur les autres. C'est pourquoi dans un centre de désintoxication les imprimés auxquels je fais référence parlent des drogues à des consommateurs de drogues. Le discours n'est pas moralisateur il est essentiellement sanitaire.
J'ai récupéré par exemple un bouquin dans lequel toutes les drogues y sont décrites, classifiées par catégorie et disséquées avec précision. Quels aspects (photos à l'appui) peuvent avoir les produits ? Quels modes de consommation ? Quels sont les noms sous lesquels on va trouver les produits ? J'étais presque étonné de ne pas trouver un tableau comparatif avec les prix et les notes de la rédaction, le coup de cœur des lecteurs etc…Après 60 millions de consommateurs, 6 Milliards de toxicos !!!
Ce petit livre est fascinant et il est d'une exhaustivité et d'une précision quasi-parfaite. Bon je n'ai rien appris de nouveau mais en fait je m'en doutais un peu…
Me voilà donc en train de scruter la table basse qui trône au milieu de la pièce histoire de trouver de quoi lire en attendant mon tour. Dans la salle se trouvent une gamine d'une vingtaine d'années, peut-être moins, qui ne tient pas en place, se tord les mains, gémit, s'allonge, se rassoit, se gratte….bref elle est en manque et ce n'est pas spécialement ragoûtant. Elle est pourtant jolie et sa jeunesse est un atout formidable. Elle a fait la démarche de venir ici ce qui me laisse à croire qu'elle veut se remettre sur les rails (sans mauvais jeu de mots). A ma gauche se trouve un type assez jeune, une trentaine d'années je dirais, mais il est  toujours compliqué d'estimer avec précision quel peut être l'âge d'un toxico. Pour avoir vu des enfants aux airs de vieillards je prends désormais moult précautions avant de me prononcer. Face à moi se tient un homme, sans âge, sans expression, vêtu d'un costume et d'une chemise blanche impeccables, nœud de cravate parfait et attaché-case idéal entre les jambes. Comme quoi la sociologie des toxicomanes est tout sauf rationnelle, mais ça n'est plus une surprise…et c'est bien de ça dont je veux causer !
Après cette rapide évaluation de mon environnement immédiat je m'attelle donc à piocher parmi la pile de magazines, journaux et revues médicales qui jonchent la table de la salle d'attente et je tombe presque immédiatement sur un fascicule dont le titre n'est rien d'autre que « Le shoot ».
Bigre, me dis-je, nous avons encore franchi une étape et nous voilà prêt à suivre les recommandations du ministère de la santé concernant le fait de s'injecter des drogues en intraveineuse. Il faut savoir que le chapitre des différents modes de prise des produits et les protocoles à suivre sont souvent abordés mais rarement avec une telle profondeur et un tel souci du détail et de la précision. Il est dingue ce document, tout y est explicité avec force détails. De la manière de préparer sa dinette en fonction des produits, en passant par le dosage ou bien l'utilisation d'un garrot…je décide alors de parcourir entièrement la trentaine de pages que constitue l'ouvrage. L'aspect pédagogique est  très fort, en effet tout y étant donc décrit, il est intéressant de lire les conseils qui y sont prodigués. Tous sont très justes et s'ils permettent d'éviter ne serait-ce qu'une overdose c'est déjà ça de pris !
C'est en feuilletant distraitement ces quelques pages que finalement mon attention se porte sur un détail : Les illustrations. Avant mon entrée à Marmottan j'ai écumé pas mal de lieux identiques et ai lu depuis plus de 15 ans un paquet de revues du même genre. De fait j'ai pu constater que les illustrations étaient toutes plus ou moins similaires, et même si les auteurs sont différents c'est bel et bien toujours le même type de personnage qui fait office de schéma explicatif. Et ce personnage, censé être l'illustration d'un héroïnomane lambda est à chaque fois le même : Un punk improbable coiffé d'une crête surdimensionnée et au sourire narquois qui hurle « No future ».
Pourquoi est-ce toujours un punk aux cheveux multicolores,  à l'épingle à nourrice plantée dans un lobe d'oreille et à la désinvolture manifeste qui représente un héroïnomane ?
C'est cette question qui s'est mise à résonner contre les parois de mon crâne qui pourtant en a vu d'autres…J'imagine que dessiner un personnage si caricatural permet de mettre de la distance, un punk à chiens (sans chien) ce n'est pas mon fils, ma fille ou même moi. Ça rassure le toxico comme celui qui lit ça pour comprendre celui qu'il aime et est en train de se détruire sans ménagement. Certes dessiner le toxico lambda sous de tels traits a donc pour effet de rassurer le lecteur. Toutefois il est dommage de constater que depuis des décennies le contenu des revues a évolué mais l'imagerie semble bloquée au début des années 80 quand l'héroïne régnait en maitre et que le fléau était grandissant. Autour de moi, dans cette salle, il n'y a pas un punk. Je n'en ai d'ailleurs jamais croisé en 4 ans de visites. Si j'ai vécu un certain temps dans des squats, véritables palais de la seringue, que j'ai fréquenté un nombre de toxico assez incroyable et que j'ai tâté de nombreuses population différentes de ce milieu, je n'ai que très rarement rencontré de punks.
Ce qui identifie immédiatement un héroïnomane est l'incommensurable détresse de son regard. La tristesse dans ses yeux est bien plus violente que toutes les crêtes du monde…il est là le dénominateur commun des consommateurs d'héroïne. Je dois avouer que le punk hilare parce que son garrot est trop serré est pour le moins décalé et finalement donne une image faussée du problème.
C'est dommage car ce qui est raconté dans ce livre et les photos qui vont avec sont efficaces, intelligentes et peuvent certainement être relativement efficaces.
A l'heure où l'on parle de dépénaliser le cannabis, d'ouvrir des centres d'injection, de lancer un débat sur les drogues en général (enfin c'est l'heure mais tant qu'on aura ces connards au gouvernement ils retarderont encore et encore le moment….tristes, si tristes sires.) il serait peut-être temps de dépoussiérer cette imagerie ringarde et obsolète qui ne fait que conforter l'idée comme quoi le toxico c'est l'autre, celui qui est en danger c'est l'autre... Il m'est parfois arrivé de me considérer avec une arrogance incroyable comme un anthropologue au milieu des toxicos. Cela aurait pu être vrai si moi-même je n'avais été si atteint, ce qui annihile toute tentative d'objectivité, néanmoins j'ai observé ce western des temps moderne avec le plus d'acuité possible. Je peux dire qu'il n'existe pas un toxicomane type, ni une toxicomanie type. Il existe, certes, un certain nombre de points communs qui vont réunir les junkies, tant dans leurs comportements respectifs de toxicomanes que dans les raisons qui les ont poussés à s'engouffrer dans cette voie si hasardeuse, mais il est impossible d'établir le portrait-robot du parfait tox.
C'est vrai qu'il devient alors impossible de le représenter. Je l'admets, mais cette image du punk dans le livret a fait son temps, elle est le symbole de mentalités qui n'arrivent pas à évoluer alors qu'il y a urgence à le faire.
Il faut encadrer les consommateurs de drogues quels qu'ils soient et quels que soient les produits, il faut impérativement dépénaliser le cannabis et cesser d'engorger inutilement les tribunaux ainsi que de pourrir la vie de ces millions de personnes qui fument des joints sans emmerder personne et il faut surtout que l'inconscient collectif évolue un peu. Il est tragique de constater à quel point l'alcoolisme est une maladie qui ne fait pas peur (c'est pourtant une des pires addictions qui soit) alors que les autres addictions effraient le quidam. Non, les toxicomanes ne sont pas tous des marginaux en rupture avec la société. Ils ont tendance à le devenir s'ils ne se soignent pas mais ça prend du temps. Il faut que la société prenne conscience de ça. Si ces petits livrets pédagogiques sont de plus en plus pertinents, que les tabous semblent tomber un peu plus année après année, qu'ils sont de mieux en mieux foutus, il reste encore de la marge avant qu'ils n'atteignent parfaitement leur but.

Si un illustrateur me lit et qu'il est en charge un jour de travailler pour une de ces types de brochure, qu'il essaie d'arrêter de dessiner un pauvre keupon aux yeux exorbités et aux veines trop saillantes pour être honnêtes, et qu'il le remplace par différents personnages qui donnerait une image un peu plus juste de ce qui compose la vaste et bigarrée population des junkies, il fera certainement avancer le problème de plusieurs pas ! Merci d'avance.

Je profite de cet espace d'expression pour revenir sur un truc entendu hier à la radio et qui m'a affligé…Hier, donc, a été adopté le plan de rigueur imposé à la Grèce par le FMI. D'ici 2015 ils vont devoir faire 23 milliards d'économies (donc forcément dans les dépenses sociales….on ne va tout de même pas taxer l'église orthodoxe, ils sont si gentils) et privatiser suffisamment pour engranger en tout 50 milliards d'euros.
Bon courage les mecs, à mon avis c'est impossible mais je ne suis pas économiste….en même temps parfois je me dis que je devrais, ça ne serait pas pire !
A la radio  le journaliste relate ça en ces termes « le plan de rigueur a été adopté par l'assemblée Grecque, la conséquence immédiate a été un rebond de l'euro sur les marchés et une hausse du prix du baril de pétrole ».
Voilà une décision politique qui rapproche encore un peu plus le mur dans lequel l'Europe ne va pas tarder de s'écraser comme une merde, une décision dont on est bien en peine d'évaluer les conséquences en termes d'équilibre social, une décision qui rend la situation encore un peu explosive. Cette décision, à mon avis une très mauvaise décision en l'état car comme disent si bien les Grecs aujourd'hui : « quand un homme est malade on ne lui coupe pas la tête », c'est-à-dire qu'ils ont besoin de temps et qu'on restructure cette putain de dette, cette décision a quoi comme conséquence immédiate ? Et bien de faire gagner de l'argent à certains, toujours les mêmes, les spéculateurs…C'était édifiant hier d'entendre ces quelques phrases sibyllines en apparence mais finalement d'une brutalité innommable.
On va saigner un pays, on risque de faire péter cette poudrière qu'est l'Europe pleine de xénophobie, de replis identitaires, et de nationalismes répugnants, mais on va gagner du blé !
Désormais ils ne prennent plus de gants ni la peine d'essayer de noyer le poisson en parlant équilibre des comptes, économie saine et autres conneries…ils annoncent directement que massacrer un pays et le vendre à la découpe est bon. Non pas pour la communauté mais pour eux. On le savait déjà mais au moins ils ne s'en cachent plus.
C'est à gerber.
La Grèce ne vit pratiquement que de sa consommation intérieure. Ce plan brise menu toute tentative de reprise par la consommation. La Grèce ne pourra jamais payer, et la Grèce ne peut pas faire comme l'Argentine et se mettre en faillite, du fait de sa place au sein de la zone euro.

Mais rassurons-nous, les spéculateurs gagneront toujours de l'argent, plus d'argent, encore plus….mais au fait il vient d'où tout cet argent ? L'argent n'est-il pas le fruit du travail ? J'ai dû louper un épisode, faut que je me remette à la page moi !

Sinon je suis bien content qu'Eva Joly ait mis une branlée à Hulot. J'ai de plus en plus d'aller voter à la primaire du PS, j'ai enfin mon candidat même si malheureusement il ne gagnera vraisemblablement pas (je vous laisse essayer de deviner qui je soutiens), et que de toute façon il y a peu de chance que je vote PS au premier tour. Ou alors va falloir qu'ils soient très, très, persuasif, et pas uniquement à me coller un flingue sur la tempe en agitant le spectre d'un 21 Avril bis….Hmmmm la campagne présidentielle va commencer ! Et je suis très friand de ces petites choses…même si ça me met plus souvent en colère qu'il ne faudrait !

A la prochaine….HASTA SIEMPRE CAMARADES !!



30/06/2011
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres