Zone libre

Il était un des plus incroyables poètes de notre époque. Un musicien brillant, un chanteur unique qui, de sa voix rauque et déchirée, faisait monter les larmes en déclamant ses mots simples et pourtant irremplaçables.

Peintre étonnant et dessinateur de talent il savait aussi mettre sur une toile sa fureur, sa tristesse, son désespoir.

On dit « Artiste engagé ». Je trouve l'expression naïvement ridicule, mais ça lui allait assez bien. Quoiqu'en l'occurrence le terme d'artiste enragé aurait peut être été plus adéquat.

Quand j'ai appris hier la mort de Mano Solo ça m'a mit un coup je dois bien vous l'avouer. Cette mort qu'on attendait depuis 15 ans et que l'on avait fini par oublier, ou du moins par la dissocier de lui.

Je crois que j'ai tout aimé de ce personnage, ses textes, ses chansons, ses tableaux, ses mots, sa rage et ses incroyables et multiples talents concentrés dans un seul bonhomme au corps décharné.

Il avait l'œil noir de la colère et du désespoir, un tel besoin d'amour qu'il le vomissait avec grâce.

Finalement sa mort n'est pas vraiment une surprise, elle rend juste ce jour un peu morose.

Je l'ai vu plusieurs fois sur scène et la sincérité avec laquelle il se produisait, l'amour et le respect qu'il montrait à son public, jamais je ne l'ai ressenti ailleurs. Même affaibli par la maladie il chantait, perché sur son tabouret, les mains crispées sur le manche de sa guitare et sa voix…quelle incroyable voix !

Il avait l'habitude de conclure ses tours de chants par un vibrant « Vive la révolution ». Je ne sais si elle arrivera, mais il restera en tout cas un grand, un très grand monsieur.

Ce matin je voulais parler de Philippe Seguin, de la sanctuarisation des établissements scolaires, de l'histoire incroyable du docteur Kahn, père de la bombe atomique pakistanaise entre autres choses…bref j'avais préparé mes dossiers, mais je suis sincèrement ému par le décès de Mano alors je n'ai pas les mots pour autre chose.

Et puis comme si la faucheuse n'était pas rassasiée, voilà que Kristina Rady, l'ex-femme de Bertrand Cantat et mère de ses enfants, s'est suicidée ce week-end à l'âge de 42 ans.

Je n'ai aucune autre information que cela mais invariablement mes pensées vont à Bertrand.

Il doit s'en foutre vu qu'il ne me connaît pas mais tant pis, je lui ai toujours exprimé mon soutien aux heures les plus sombres de cette immonde curée médiatique dont il fut l'objet et qui en ont fait une bête monstrueuse et assoiffée de violence. Alors forcément qu'aujourd'hui je pense à lui.

Je pense à Jean Cabut dit Cabu le papa de Mano Solo. 

Vous savez forcément qui c'est, sinon achetez le canard enchainé ou Charlie hebdo, vous ne pourrez le manquer.

Un dessin de Cabu se repère entre 1000, il est peut être ce qui se fait de mieux en tant que dessinateur de presse.

Alors ce matin point de lyrisme tordu, point de phrases alambiquées, aucun sarcasme, ni même de la colère.

Juste un peu de tristesse, mâtinée d'un incroyable désir de vivre.

C'est quand on compte les morts que notre vie devient subitement un bien tellement précieux qu'on se doit de la vivre en entier, de la chérir et de la rendre aussi jolie qu'on le peut !

Il faut écouter les albums de Mano Solo, il disait que tout ce qui resterait de lui après sa mort serait sa voix…le plus bel hommage à lui rendre est, je crois, de l'écouter.

C'est bouleversant.

Bonne journée et HASTA SIEMPRE VIVA LA REVOLUCION !!