Zone libre

Zone libre

La morale, la moralité et les moralistes...

En ces temps troublés, et pour le moins confus, où les idéologies s'embourbent dans le consumérisme et la course au profit, histoire de ne pas froisser les vrais possesseurs du pouvoir, ceux qu'on appelle le marché, ou la finance, mais qui ne sont finalement que les spéculateurs, à l'heure où la tentation de mettre dans le même panier droite et gauche est grande, il est quelque part rassurant de constater qu'il existe, malgré tout, certains clivages fondamentaux.
Je dis rassurant car ce matin j'ai tout de même envie de voir le bon côté des choses, ne cherchez pas y'a pas vraiment de raison à ma bonne humeur, surtout au regard de l'objet de ma bafouille…qui me plonge dans une froide et sombre colère.
Peut-être est-ce parce qu'après 19 mois de tâtonnements et d'errances Constance et moi sommes en train de retrouver une vie de couple digne de ce nom ? (je ne l'aurais jamais cru si on m'avait exposé la difficulté de préserver son intimité, sa sexualité et simplement le fonctionnement de son couple suite à l'arrivée d'un enfant ! J'aurais certainement même ri non sans un certain dédain…j'aurais eu tort. Passons !)
Peut-être sont-ce ces moments incroyables qu'Alexis nous offre chaque jour en poursuivant son apprentissage de la vie en général et du langage en particulier, moments rares d'émotion mais également de rires francs et salvateurs ?

Peut-être…quoi qu'il en soit je n'ai pas envie d'aborder ce texte avec mes yeux de plomb ni de tremper ma plume dans un encrier de fiel…quoique…

Et voilà, je veux faire une introduction percutante, le genre d'intro qui vous accroche pour ne plus vous lâcher, mais je m'embarque encore dans des circonvolutions pseudo-littéraires qui finalement ne flattent que moi !

Un jour je rentrerai dans le Guinness Book avec la phrase la plus longue jamais écrite…remarquez j'ai de la marge, en l'écrivant je pense à Mathias Enard et son roman « Zone », que je n'ai pas lu, mais qui a la caractéristique de n'être écrit que d'une seule phrase !!
Bon je relèverai le défi un autre jour, passons à notre sujet.

Donc je disais qu'il était vivifiant de constater qu'il existe encore des sujets de société qui divisent les camps. Divisent, certes, mais rassemblent également des pans entiers de la population qui, sur le moment, vont se retrouver sur un sujet, une idée, un concept, bref le temps d'un combat on met ses forces en commun histoire de le gagner…rien que ça je trouve ça bien !

Sur le plan économique quelle différence finalement entre les socialistes français, sociaux-démocrates, libéraux « de gauche » et la droite parlementaire modérée (ouais je sais c'est une espèce en voie de disparition dans ce pays), le centre-droit, si tant est qu'il existe encore ?
Ben pas grand-chose à priori. On parle compétitivité, on cherche à désendetter le pays pour continuer à s'endetter à bon prix…cherchez l'erreur ! Bon je me permets un aparté (en même temps je fais ce que je veux je suis chez moi) et selon moi ça n'a pas de sens de chercher à résorber cette dette qui ne pourra jamais l'être et de toute façon ce pognon on le doit aux profiteurs, pardon aux banques (je confonds souvent les deux termes), donc ne pas les rembourser serait même un devoir moral ! Mais ça n'est pas comme ça que pense le centre-gauche.

Centre-gauche, centre-droit est-ce blanc bonnet et bonnet blanc ? Sur bien des sujets on pourrait le croire…mais pas sur tous, je m'explique.

On s'est déjà arrêté ici sur ce qui différencie idéologiquement la gauche de la droite. En résumé la gauche cherche l'égalité, l'équité, la justice et le progrès social.
La droite cherche la performance, met en avant la compétition, ne voit la vie que par le prisme du travail, du mérite, elle enrobe tout ça dans beau paquet nommé « liberté individuelle » alors qu'elle ne cherche, au fond, qu'à défendre les intérêts des possédants, des rentiers, des nantis.
Pour la droite on a ce qu'on mérite…enfin sur le papier.
En effet il n'est pas acquis du tout que l'effort et les sacrifices paient, que le fait d'entreprendre est une garantie de réussite. Ça c'est évident, mais le modèle de ces gens restant les USA il ne faut pas nier que le concept de méritocratie est plus vivace là-bas que chez nous. Un de mes amis, lorsqu'il débuta sa carrière professionnelle à New-York voilà une quinzaine d'années, me disait qu'il commença en étant payé 500$ par mois mais travaillait comme s'il était payé 5000$. Et bien au bout de quelques années il gagnait réellement 5000$ par mois. Est-ce bien ou mal ? Peu importe c'est ainsi.
Ici la droite considère que ce qui vous arrive de mal est la conséquence de vos actes, que c'est bien fait pour vous et qu'il fallait réfléchir avant mon petit gars !
On se croirait au catéchisme…

La droite est moraliste, elle n'est pas morale. La droite considère qu'un fond de pension est une entité légitime dans le système, que c'est tout à fait moral. Par contre elle considère qu'autoriser un couple homosexuel à adopter est un danger pour les équilibres fondamentaux du monde !

Le trader qui va faire fermer des usines et pousser des gens au suicide par un clic de souris c'est bien, deux parents qui donnent de l'amour à un enfant, si tant est que les deux parents possèdent le même phénotype sexuel, c'est mal !
Ben ouais je sais à chaque fois qu'on lit ça on prend un petit coup derrière la tête et on essaie de comprendre, mais c'est impossible à comprendre, il n'y a rien à comprendre !!

C'est pourquoi il faut lutter.

En France, en cette fin d'année 2012, 3 sujets de société reviennent régulièrement sur le tapis et clivent fortement le pays.
Ces sujets sont le mariage et l'adoption pour les couples homos, le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales et l'ouverture des salles de consommation de drogues.

A priori aucun rapport entre ces sujets, a priori seulement…
En effet voilà 3 débats, ou tentatives de débat, qui existent parce que la réalité a dépassé la loi, la vraie vie s'impose pour légiférer. C'est souvent le cas me direz-vous, et je vous répondrais qu'en effet mais si vous ne me laissez pas aller au bout de mon exposé on ne s'en sortira pas c'est déjà assez compliqué de me concentrer sur un seul sujet !

Ouvrir ces débats et y répondre dans le but de permettre un réel progrès social est fondamental, cela concourt à répondre à LA question qui importe en terme de vie en communauté : Quelle société voulons-nous ? Quel monde ? Quel schéma ? Quelles valeurs ?

Finalement c'est la seule question qui vaille, des réponses qu'on lui apporte découlent le reste…tout le reste.

Au cours de la précédente mandature, celle du petit homme nerveux à talonnettes, le bien-nommé « riquiqui 1er », l'idée d'expérimenter des salles de consommation de drogues a été mise sur la table.
Face à la levée de boucliers de la majorité de l'époque elle fut bien vite éteinte …mais les temps ont changés, la droite n'est plus au pouvoir et il semble bien que les premières salles vont voir le jour assez rapidement.
Je ne vous étonnerais pas en vous exprimant ma satisfaction.
Autant sur la légalisation même des drogues je suis perplexe et estime qu'il est urgent qu'un réel débat soit lancé, autant sur le sujet des salles de consommation les choses sont claires, simples, évidentes…tellement évidentes que ça m'étonne qu'il y'ait encore des réfractaires.

Pourquoi suis-je pour avec tant de conviction que ça ? C'est vrai ça peut sembler risqué, incontrôlable. Ça peut faire peur, on est en droit de se demander si de tels lieux ne pourraient pas devenir des succursales pour tous les dealers du coin et ainsi transformer un lieu d'accueil et d'accompagnement en un spot de deal !
Et puis ça fait peur au bourgeois…et le bourgeois dans ce pays il faut le cajoler, le bichonner, le rassurer. Et rassurer un bourgeois ça prend un temps fou, faut dire qu'il a peur d'à peu près tout le bourgeois.
Mais n'allons pas trop vite…

Pourquoi est-ce si urgent d'ouvrir des salles de consommation de drogues ? (je ne dirais pas « salles de shoot » je trouve ça ridicule, volontairement provocateur et ferme le débat plus qu'il ne l'ouvre selon moi)
Et bien parce que la réalité l'exige, tout simplement.

On ne nait pas toxicomane, on le devient. Et lorsqu'on l'a été je ne suis pas certain qu'on puisse ne plus jamais l'être…Oh bien entendu qu'on peut cesser de se défoncer, je le sais j'en suis la preuve vivante ! Enfin « une » preuve vivante, fort heureusement.
La toxicomanie est un fléau, personne ne peut le contester. La grande forfaiture étant de faire croire à une liberté inaccessible alors qu'inexorablement on s'entrave encore et encore jusqu'à ne plus être en mesure de bouger un muscle. On se pense libre, on se sent libre lorsque le piston de la seringue se vide dans le creux du bras, à ce moment-là on est simplement invincible. Et puis on se fait avoir par la patrouille…Pour moi c'est arrivé simplement un matin glacial de l'hiver 1994. Après plusieurs semaines de consommation de plus en plus importante d'héroïne, puis un passage de la paille à la seringue, ce sont les crampes et les maux de ventre qui me réveillèrent ce matin-là. J'étais simplement baisé ! Je n'ai pas venu venir ma dépendance, elle s'est installée toute seule comme une grande, la fameuse « lune de miel » s'est brutalement terminée ce matin-là.
Trois mois idylliques pour 15 ans d'horreur ? Là non plus les choses ne sont pas si simples.
Et c'est bien parce que c'est si compliqué de s'en extirper qu'il faut mettre toutes les chances de notre côté, la démarche d'ouvrir des salles de consommation va, bien évidemment, dans ce sens.

En 1987 a été décidé de permettre la vente libre de seringues pour insuline à un prix modique. Cette décision, évidemment subventionnée en partie par l'état, a été prise pour contrer les épidémies de sida et d'hépatites. Quelques temps après ont été conçus les « Stéribox », ou pour un euro (5 francs à l'époque) on peut disposer d'un kit complet permettant de consommer à moindre risque sanitaire.
A l'époque déjà les opposants au décret déclaraient qu'il était d'une part inacceptable et immoral que l'on « encourage » les gens à se défoncer.
Comme si le fait de pouvoir acheter une seringue allait donner des idées aux gens !!?? Rien que d'écrire cette phrase m'afflige…

Sauf que le simple fait de permettre de se shooter avec du matériel propre a considérablement réduit les nouveaux cas de sida ou d'hépatite chez les toxicos. La société est donc gagnante, mais je vais y revenir.

Avant cela des endroits comme l'hôpital de Marmottan existait déjà. Pourquoi Marmottan ? Ben parce que c'est là que j'ai repris le chemin de la vie tout simplement, c'est parce que je fus accueilli sans jugement, parce que j'ai su être rassuré et épaulé dans mon choix de décrocher…et voilà qu'on retrouve donc la notion de choix.

Bernard Debré, député UMP de Paris, fils de Michel Debré le père de la constitution de 1958, frère de Jean-Louis président du conseil constitutionnel, mais surtout professeur de médecine, nous déclare que se droguer est un choix et qu'il faut donc assumer ce choix entièrement et ne pas venir pleurer ensuite parce qu'on va se shooter dans des parkings à la lumière vacillante des néons blafards et glaçants. Il dit en substance « Si t'es pas content tu n'as qu'à arrêter de te droguer ». En surface on peut se dire que c'est vrai, mais au fond rien n'est plus stupide.
Ce qui est affligeant est qu'il est médecin ! Or j'estime que la toxicomanie est une maladie, c'est un désordre psychique qui nous pousse à s'oublier dans la came, ensuite on est en proie à tout un tas de pathologies physiques (perte de poids, infections diverses, hépatites B et C, furoncles, dégradation des gencives, des muscles etc…) autant que psychologiques (anxiété, dépression). Avoir conscience de sa situation et de son état de « malade » est un premier pas vers le soin, mais cette prise de conscience ne peut être suivie d'effet en claquant des doigts.
Lors de mon arrivée à Marmottan mon psychiatre, qui est le même depuis 5 ans, me dit en substance la chose suivante « La question n'est pas de savoir pour quelle(s) raison(s) vous vous êtes mis à consommer des drogues mais pour quelle(s) raison(s) vous avez décidé d'arrêter ? ».
J'ai pris une vraie claque en entendant, j'entrevoyais au loin que les choses pourraient peut-être s'arranger…je pouvais enfin caresser l'espoir de décrocher durablement.
Ce n'est pas anecdotique, mais le parcours du toxico en rémission est long et truffé de nids de poules, j'avais fait le premier pas sur cette route à partir de ce moment-là.

Sans aide je serai certainement mort à l'heure actuelle ou pas loin, en tout cas je ne miserais pas un kopek sur moi.
Cette aide je suis allé la chercher, certes, mais c'est bel et bien parce qu'il existait une offre ! Parce que j'ai envoyé un mail un jour à une association, un appel au secours qui a été entendu et c'est là qu'on m'a proposé d'aller à Marmottan.

Selon moi les deux premiers avantages que l'on peut trouver aisément aux salles de consommation de drogues sont la baisse des overdoses et des transmissions de maladies, et un point d'accueil simple d'accès et permettant d'envisager des soins.
Lorsque je suis allé à Marmottan ma démarche était de décrocher, il est évident que la démarche première d'un toxico qui poussera la porte d'une de ces salles ne semble pas être de décrocher…quoique.

En effet décrocher est une chimère pour bien des toxicos, et il est évident que reprendre contact avec un environnement structuré, avec des personnes qui ne vous jugeront pas, qui vous accompagneront, certes dans un premier temps pour consommer, mais je suis certain que cela débouchera sur des parcours que je qualifie d'ascendants !
A savoir on remonte la pente après s'être laissé glisser sur les fesses durant des mois voire des années.

A aucun moment la morale n'a sa place dans ce débat. De même que les religieux de tous poils estiment que le mariage est sacré et qu'il leur appartient, ce qui est inepte dans une république laïque comme la nôtre, et vont instiller de la moralité là où elle n'a pas sa place, les opposants aux salles de consommation n'apportent qu'un argument moral. Ou plutôt « moralisateur »…

Yves Jego, ancien ministre Sarkozyste, déclare qu'il est d'accord avec le fait qu'il faille aider les toxicos. Il est d'accord avec le fait qu'il faille réduire les risques sanitaires. Il est d'accord avec à peu près tout finalement…mais est opposé au projet.
Pourquoi ? Uniquement parce qu'il estime que l'état n'a pas à faire cela, que l'argent dépensé ici ne l'est pas ailleurs et que surtout tout cela est furieusement amoral selon ses critères.

Et bien sachez, monsieur Jego, que les moralistes peuvent certes s'exprimer sur le sujet, mais sont totalement hors-sujet.
Quant à la question financière, si importante de nos jours, je dirais simplement qu'un toxicomane a un coût pour la société.
Soigner une hépatite ça coute cher. La trithérapie ça coute cher. L'intervention des pompiers ou du Samu pour sortir un gars d'une overdose ça coute cher…autant d'économies réalisées à moindre coût car finalement le budget de ces salles reste absolument dérisoire relativement au budget de l'état.

La réalité des faits impose logiquement qu'on institue ces centres, n'en déplaise aux bourgeois.
Ce sont aussi leurs enfants qui pourront en bénéficier.

En vous souhaitant une bonne journée.

HASTA SIEMPRE CAMARADES…LA LUTTE CONTINUE !!!



 



21/11/2012
1 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres