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Devoir d'ingérence

La première fois que j'ai entendu Stéphane Hessel c'était à l'occasion d'un documentaire sur le film de François Truffaut, « Jules et Jim ». Film tiré du roman éponyme d'Henri-Pierre Roché. L'histoire dont s'inspire cette œuvre est une histoire vraie, véritable révolution à l'époque et qui reste encore aujourd'hui le symbole d'une modernité des mœurs qu'il peut sembler, à juste titre, être peu évidente à comprendre. Certains parleront de libertinage, je préfère, pour ma part, parler de liberté.

Le rôle joué par Jeanne Moreau dans le film n'est autre que la vie de la mère de Stéphane Hessel. Ce petit garçon, juif, Français et Allemand, symbole étonnant de son siècle, vivra donc avec ceux qu'il considèrera comme ses « papas ».

Lors de ce documentaire j'avais été frappé par la douceur, la vivacité, l'espièglerie de ce gamin de 97 ans.

Je me suis alors intéressé à ce monsieur, qui fut très longtemps ambassadeur de France en Allemagne. Et je n'étais pas au bout de mes surprises…quelle vie, quel homme ! Hasard du calendrier diront les commentateurs politiques, facétie de la vie ou que sais-je encore, voilà qu'Hessel devient un des personnages centraux de l'année 2010 de par ses prises de positions contre la politique infâme de Sarkozy et ce reniement chaque jour affirmé de ce qui a construit la cohésion sociale, sociétale et nationale de la France depuis la libération en 1945. Il lui est reproché d'être manichéen lorsqu'il parle du conflit Israélo-Palestinien ? Des voix s'élèvent pour lui reprocher d'utiliser son ascendance juive (je ne sais pas comment exprimer cela en fait. Parler de statut renvoyant immanquablement à Vichy. Origine ? Peut-être, mais on en a déjà causé par ici, je ne sais pas vraiment ce que ça signifie même si je ne nie pas les particularismes du Judaïsme. Je peux en parler je le suis moi-même !), afin de critiquer Israël et par la même le « peuple Juif ». Le juif qui critique Israël est un concept qui agace, irrite et est exploité par les ennemis comme les amis d'Israël.

Hessel n'est pas manichéen, il dénonce ce qui doit l'être. Dire que le traitement infligé par Israël, une des dernières puissances colonisatrice avec la Chine, au peuple palestinien et en particulier dans la bande de Gaza est une terrible et violente injustice n'est pas faire preuve d'antisémitisme. Ceux qui emploient cet argument se font finalement les ennemis d'Israël. Je suis très sensible à la sécurité d'Israël, à son développement, à sa légitimité. Cela ne m'empêche en rien de m'élever contre les crimes commis par le gouvernement de ce pays. Critiquer le gouvernement Israélien n'est pas faire preuve d'antisémitisme, par contre argumenter en ce sens est faire preuve de bêtise et d'inconscience.

A la fin de l'année Hessel publie « Indignez-vous », recueil d'une trentaine de pages, sorte de guide du bon sens à l'usage des jeunes générations. Comme une piqure de rappel à tous ceux qui oublient un peu vite le cheminement qui fut celui de l'Europe après la seconde guerre mondiale. J'ai bien aimé lire ce livre, et si objectivement on n'y apprend rien de neuf, il est assez revigorant de lire ça venant de quelqu'un qui n'a jamais trahi ses convictions. Hessel, ancien résistant, fut diplomate toute sa vie. De fait il fut confronté à ce que le cynisme appelle « Realpolitik ». Jamais il ne s'est compromis. Comme quoi ça doit être possible d'être diplomate et courageux…suivez mon regard.

Ça y'est, le nabot en chef a débarqué Alliot-Marie et Hortefeux. Évidemment que c'est très tard, mais c'est un minimum. Je ne partage pas les idées d'Alain Juppé, loin s'en faut, néanmoins je lui reconnais une certaine droiture (sans mauvais jeu de mot), une vision, une honnêteté et un courage qui sont autant de qualités qui faisaient jusque-là cruellement défaut à la diplomatie française.

« Indignez-vous » nous propose Stéphane Hessel. C'est un minimum. Néanmoins n'est-il pas temps de passer un cap et donc à l'action ?

Lorsqu'il y'a trois mois Laurent Gbagbo refusait de quitter la présidence, niant ainsi au peuple son expression, il fut dit que nous n'avions pas à intervenir. La souveraineté des états étant plus importante que le désormais célèbre « droit d'ingérence ». J'aimerais bien avoir l'avis d'un Afghan ou d'un Irakien pour le coup.

Il y a un mois et demi la Tunisie se libérait. Là nous étions prêts à intervenir indirectement, mais pour mater ces inconscients qui tentaient de déstabiliser un régime stable et « ami ». La classe non ?

Puis l'Égypte s'est mise à vouloir également disposer d'elle-même sans la police politique de Moubarak. Pour le coup la France était devenue inaudible et aucune prise de position ne fut lisible…de mieux en mieux.

Aujourd'hui la guerre civile prend une ampleur monstrueuse en Côte d'Ivoire. L'instabilité, évidemment légitime car les révolutions ne sont pas des contes de fées, règne en Tunisie et en Égypte. Ces trois situations sont très différentes, bien entendu. Si on ne fait rien en Côte d'Ivoire d'ici quelques mois on regardera nos pompes, merdeux que nous serons, comme si la catastrophe Rwandaise ne nous avait rien appris. La situation n'est pas moins potentiellement génocidaire en Côte d'Ivoire, et il est encore temps de stopper le compteur de morts. Morts dont on ignore le nombre exact mais qui ne cesse de grossir. Il faut intervenir en Côte d'Ivoire et permettre à Ouattara d'asseoir sa légitimité politique. Et dieu sait que je n'aime pas particulièrement ce gars-là, plus proche du FMI, son ancienne maison, que du peuple Ivoirien. Mais il est indispensable de respecter la volonté du peuple.

En Tunisie et en Égypte il ne faut, par contre, pas intervenir. Néanmoins il est indispensable également de suivre attentivement les faits, d'accompagner les démocrates et d'aider ces pays à se construire. Ils y arriveront seuls quoi qu'il arrive, mais aidons les à gagner du temps et à s'éviter des bains de sang.

Nous parlerons du Bahreïn un autre jour, la situation étant très singulière.

Pays voisin de la Tunisie et de l'Égypte, la Libye a également entreprise de se libérer du cocaïnomane hystérique qui la martyrise depuis 40 ans, j'ai nommé Mouhamar Kadhafi. Sauf que les choses ne se passent pas comme prévu…et la répression atteint des sommets jamais vu jusqu'ici.

Ce qui se passe en ce moment en Libye est totalement surréaliste. Ce qui caractérise le régime Libyen ce n'est pas sa férocité, bien des régimes le sont tout autant, mais c'est sa cruauté. Sans parler de la complexité politique inhérente au pays composé de tribus et dont l'équilibre est pour le moins précaire, un peu à l'instar des Balkans en Europe, il est incroyable de constater l'embarras des diplomaties occidentales face à la répression du régime.

Ce sont des armes antichars qui sont employées contre des civils….je pense qu'on ne peut concevoir réellement ce que ça signifie.

Kadhafi ne se rendra jamais, il mourra l'arme au poing et entrainera son peuple avec lui. Qui connait un peu l'histoire et notamment ce qui s'est passé à Berlin entre le 10 Avril et le 8 Mai 1945 retrouvera des similitudes entre les deux situations. Ce qui rend la chose absolument terrifiante.

Dès lors qu'attend-on pour intervenir ? Et je ne parle pas de sanctions symboliques, ou même de casques bleus, non je parle d'envoyer en Libye une force armée suffisamment puissante pour supprimer le tyran et tous ses affidés. Sans déconner, qu'est-ce qu'on attend ?? Qu'il n'ait plus de roquettes pour tirer sur des enfants ? Putain mais ce type a perdu tout sens commun, si tant est qu'il l'ait un jour eu. Il faut supprimer Kadhafi et tous les mercenaires qui tirent dans le tas. Il n'y a pas de question à se poser. L'ingérence n'est pas ici un droit mais un devoir.

Qui aura le courage de faire ça ? Il me semble que les USA sont prêts mais ne veulent pas y aller seuls, ce qui est normal et pour une fois j'appuie leur politique. Qu'au moins un pays Européen ait le cran de dire « Stop, ça suffit les conneries, on supprime cette ordure ». Bon il peut le dire en langage diplomatique ça ne me dérange pas, mais qu'il le dise bordel !!

L'indignation n'a ici plus aucun poids. Je m'étonne moi-même de ma virulence et de ma conviction à employer la force, ce que je réprouve systématiquement.

Mais ce qui se passe en Libye actuellement risque d'être un gros point noir de l'histoire si nous n'intervenons pas. Et au-delà des considérations politiques et historiques, il me semble que la priorité est d'ordre humanitaire. Tout simplement humanitaire….Il faut sauver les Libyens de Kadhafi, il me semble qu'il n'y a pas à discuter.

J'espère de tout mon cœur qu'une intervention va être planifiée dès cette semaine…j'ai peur que ça ne soit là qu'un vœu pieux, mais je suis ce matin horrifié, et bouleversé par le déchainement de violence et de sadisme qui a lieu actuellement dans ce pays.

Et si la civilisation prenait le dessus sur la diplomatie ? Pour une fois.

Bonne journée



28/02/2011
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