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BAZORAX - Prologue : Les retrouvailles

La nuit s'était mise à tomber soudainement enveloppant de son noir manteau la morne plaine.

Ma montre indiquait pourtant 15 h 12, je cru un moment qu'un dysfonctionnement l'avait atteinte, mais que nenni.

Certes j'avais bien essayé de demander l'heure à ce paysan qui ramassait quelques cailloux et pissenlits afin de nourrir sa nombreuse famille. Certes il m'avait répondu.

Néanmoins je n'avais pas compris un traître mot de ce que ce brave homme tentait de me dire. Avait-il l'heure ? Avait-il saisi le sens de ma requête ? Avait-il simplement été victime d'une attaque cérébrale qui avait eu pour effet de distordre chaque son provenant de sa gorge en quelque borborygme aussi amusant qu'effrayant ?

Au fond je n'en savais rien, et je m'en allais surveillant l'homme du coin de l'œil. Il faut dire que je me suis toujours méfié des pauvres. Ils ne sont pas comme nous ces gens-là, mais en tant que scientifique je me devais de ne pas les mépriser.

Et j'avais bien du mal à me soustraire à cette règle. Car non content d'être bruyants et fort odorants, ils avaient un goût vestimentaire absolument détestable…mais bon, je me trouvais aux abords de la forêt noire, le repère des démons les plus vils, des allemands les plus mal coiffés, des goules et monstres les plus terrifiants qu'il m'eut été offert d'étudier et combattre au cours de ma longue et brillante carrière. Alors, que les habitants des faubourgs en soient légèrement perturbés, qui plus est s'ils tiraient le diable par la queue, ce qui entre nous n'était pas pour déplaire à cette vieille canaille de Lucifer, ne me semblait finalement pas si anormal.

Avec tout ça l'obscurité s'épaississait et ma montre indiquait désormais 15h27, ce qui me fit admettre qu'elle fonctionnait fort bien d'une part, et que j'étais resté un quart d'heure avec ce gueux…mais j'avais une mission à remplir et rien ni personne ne pourra m'en détourner !

Cela faisait désormais une bonne heure que je marchais sur ce chemin boueux et je n'avais croisé aucune âme qui vive. Je dis bien qui vive, car je sentais bien que les démons m'observaient, l'œil torve et vicieux, mélange d'humour douteux et de terreur.

Et oui, de la terreur, car j'en avais occis un paquet de ces saloperies au cours des dernières années ! Et « la gazette des enfers » avait relaté chacun de mes nombreux exploits.

Mon destin avait été de lutter contre le mal. Bon au départ je voulais faire épicier, je trouvais ça vachement cool, mais mon père en avait décidé autrement.

« Non Piotr, je ne t'ai pas élevé pour que tu sois un vulgaire épicier, non tu ne vendras pas de fèves au kilo, ni n'aura des bocaux entiers remplis de délicieuses sucreries acidulées ! Tu seras un scientifique comme ta mère ! »

Il me connaissait bien, il savait que l'épicerie n'était qu'un prétexte pour m'adonner à mon addiction aux fraises tagada. Quant à ma mère elle était couturière…je pense que mon père était fou.

Je replongeais alors dans ces délicieux souvenirs d'enfance, ces moments uniques entre un père ivre et son fils apeuré ou l'amour s'exprime à grand coup de ceinturon dans la gueule, ces repas où, empli d'un trop plein d'amour et de vodka, mon père décidait de me faire manger à même le sol avec les porcs qu'il confondaient malheureusement trop souvent avec ma génitrice dès que le soir tombait et que son envie de reproduction dépassait son ivrognerie.

Et nous riions, nous riions si fort que parfois même nous pleurions.

Ahhh enfance bénie je te chéris, jamais je n'oublierai les nombreuses fois ou nous jouions à cache-cache dans les immenses forêts Moldaves à une centaine de kilomètres de la maison.

Mon père me déposait en voiture et s'en allait en grognant après m'avoir intimé l'ordre de compter jusqu'à ce que j'en puisse plus avant de venir les chercher…Et toujours je revenais à la maison tel un pigeon voyageur équipé d'un GPS.

C'est en le surprenant une fois de plus en train de sodomiser un porc devant le regard navré de ma mère que je décidais de lui rendre hommage et désormais je passerai ma vie entière à combattre le mal !

Mais ce combat je ne pouvais pas le mener seul. Et c'était bien la raison de ma présence en cette terre hostile et malodorante.

J'avais enfin atteint mon but. Derrière la monstrueuse grille de fer forgée qui me faisait face, je reconnu l'hôpital ou j'avais du laisser, contraint mais pas si forcé que ça, mon compagnon de lutte qui avait perdu toute raison suite aux nombreux combats que nous dûment mener contre le démon…et surtout son fils unique, source de nos tourments les plus noirs, de nos luttes les plus acharnées, notre pire ennemi, mais aussi un amant fougueux autant que tendre. Un bien étrange personnage que nous avions réussi à vaincre mais nous y avions laissé une grande partie de notre raison.

Je poussais la grille dans un terrible grincement lugubre et m'avançais vers le gigantesque hall d'accueil.

-     Veuillez décliner votre identité, profession, hobbies, préférence sexuelle et motif de votre visite.

-       Professeur Piotr Michaïl Orelosky, Socio-Psycho-Anthropologue, La planche à voile, l'alcool de poire et la charcuterie, tout ce qui est vivant et poilu, je viens emmener le colonel Mac Dumont j'ai ici une ordonnance signée du président Sarkozy.

-       Sarkozy ? La charcuterie ? montrez-moi ça…

-       Si regardez là, c'est sa signature on reconnaît bien sa vilaine écriture nerveuse et grossière…

-       Ah oui…c'est vrai. On va vous accompagner dans la cellule du colonel.

-       Cellule ? Mais nous ne sommes pas dans un hôpital ici ?

-       Si, mais on aime amener un peu de fantaisie dans le quotidien de nos patients, et puis votre copain est dangereux on a été obligé de l'enfermer dans une cellule capitonnée. Ça va nous faire des vacances que vous l'emmeniez.

Je n'aimais pas le ton que prenait cette grosse femme pour me parler, et pourtant sous son hideux visage se dégageait une incroyable puissance sexuelle…il faudra que je pense à me trouver une compagne moi un jour.

Le long du couloir trop blanc l'infirmier qui m'accompagnait se mit à faire la conversation.

-       Alors comme ça vous venez chercher le colonel ?

-       Oui c'est cela.

-       Ben bon courage, c'est une vraie tête de con çui-là !

-       « tête de con » ? mais vous n'êtes pas tenu à un minimum de respect vis-à-vis de vos patients ?

-       Respect ? mon cul ouais ! C'est des raclures, des moins que rien, et puis c'est tout !

-       Vous devriez changer de métier vieux…

-       Ah ça ! Avant j'étais éducateur dans un centre de vacances, mais il parait que j'ai un comportement « suspect » et « inapproprié » avec les enfants…pfff n'importe quoi, comme si on ne pouvait pas jouer avec ma bite ! Moi je joue tout le temps avec.

-        ??? Laissez-moi tranquille maintenant vous me faites peur !

-       C'est marrant ça, c'est ce que tout le monde dit…bon on y est, c'est là !

Je n'oublierais jamais le spectacle qui s'offrait à moi en entrant dans la chambre de ce pauvre Mac Dumont.

Les murs entièrement capitonnés étaient recouverts d'excréments encore frais par endroits. Il n'y avait ni table ni chaise, seul un seau dans lequel le malheureux faisait ses besoins, ou bien déjeunait c'est selon.

Au milieu se tenait accroupi et contraint dans une camisole de force, mon ami que je n'avais pas revu depuis que je l'avais déposé dans ce terrible endroit.

Il tentait maladroitement de se gratter le nez avec son orteil, ses bras entravés lui empêchant tout mouvement, et la scène eut été cocasse si l'odeur entêtante de merde et de renfermé ne fut pas si obsédante.

-       Orelosky !! Putain de bordel de merde !! T'es revenu ma salope !

Le colonel Erwin Mac Dumont avait toujours eu un langage que l'on pourrait qualifier de fleuri…

-       Et oui colonel, c'est bien moi. Comment allez-vous ?

-       Ben tu vois, ça baigne, je suis attaché toute la journée et je vis dans mes fientes. Le rêve quoi ! T'as de l'alcool ?

-       Oui bien sur, vous savez bien que j'en ai toujours sur moi.

-       Ah !!! Enfin une bonne nouvelle, je t'aime bien pour un moldave. Pas comme ces connards de gardiens !!!

En disant ça il se leva et se jeta violemment la tête la première contre la porte de se cellule.

S'il était sanguin et courageux, il n'en était pas moins complètement con. C'est ce qui avait fait le succès de notre association par le passé, et malheureusement il nous fallait reprendre du service.

Etourdi par le choc, il mit quelques instants à reprendre ses esprits et après avoir bu quelques lampées de cet alcool de fumier que je distillais dans ma cave le soir au fond des bois, il s'enquit du but de ma visite.

-       Et que me vaux la visite du grand scientifique chochotte que tu es, sombre merde ?

-       D'une part vous serait-il possible de cesser de m'insulter à longueur de temps, et d'autre part j'ai une nouvelle bien sombre à vous apprendre.

-       Ohhhh « insulter », tout de suite les grands mots. Au Vietnam on faisait moins de chichis hein ! Tu sais bien que je t'aime ma couille.

-       Moi aussi je vous aime.

Nous nous embrassâmes fougueusement et malgré son haleine fétide et sa vilaine barbe irritante il m'excitait comme lors de notre première rencontre…Puis il retira brusquement sa langue du fond de ma gorge et eut un mouvement brusque de retrait.

-       Bon et cette nouvelle ? c'est quoi ?

-       Asseyez-vous c'est préférable.

-       T'es con ou quoi ? Je suis assis!!

-       Ah bon ?...et bien allongez vous.

-       Comme ça ?

-       Non sur le côté…la jambe comme ça…voilà, le regard un peu plus charmeur. Non pas vicieux ! Charmeur…hmmm pas mal, maintenant tu minaudes, tu aimes l'objectif, tu te caresses avec mon regard, hmmm tu es belle, tu es fascinante tu fais bander la terre entière !!

-        ??? et dire que c'est moi qu'ils ont enfermé…

-       Ah oui désolé…parfois je ne me contrôle plus.

-       Alors tu la craches ta valda merde !!

-       Et bien j'ai ici une ordonnance pour vous libérer et m'accompagner pour reprendre du service.

-       JAMAIS ! ma guerre est terminée Piotr…désormais je profite de ma retraite dans l'urine et la solitude et j'estime que je l'ai bien mérité !

-       Non elle n'est pas terminée…pas encore

-       Comment ça ? On l'a bien renvoyé dans les enfers la petite merde si je me souviens bien non ?

-       En effet…mais je sais de source sure qu'il est de retour.

-       Sans déconner !!! T'es certain que c'est lui ?

-       Absolument certain…Bazorax l'infâme est de retour sur terre. Et nous seuls pouvons le combattre ! Le monde a besoin de nous.

-       Et merde…il est increvable le gamin ou quoi ?

-       Ben c'est le propre des démons quand même.

-       Certes…et bien Orelosky, qu'on me détache, qu'on me donne de l'alcool et des souliers neufs et allons combattre le mal !

-       Et un slip…

-       Pardon ?

-       Je dis, « et un slip ». Des souliers et un slip, tu vas pas sortir comme ça c'est ridicule.

-       Ah bon ? t'es certain ? C'est con j'aime bien le style

-       C'est sans appel…n'insiste même pas !

A cet instant précis, nous savions que l'horreur ne faisait que débuter, que nous allions devoir livrer notre plus ardu combat.

Si Bazorax, le fils de Lucifer, était de retour, alors nous aussi nous le serons ! Et nous le renverrons d'où il n'aurait jamais du sortir ! Du ventre de sa mère…

Dehors la pluie avait cessé, le silence était étouffant et chacun savait que le temps du bonheur était passé. La peur se lisait sur les visages et dans les cœurs de tous.

Bazorax tu ne vaincras pas ! Foi d'Orelosky !

A SUIVRE…



26/09/2009
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