Zone libre

Parti de rien pour n'arriver nul part.
Telle pourrait être la phrase qui a résumé sa courte mais intense vie.

Lourdement handicapé suite à une tentative d'étouffement que tu as subie encore enfant, jamais ton cerveau ne put s'irriguer correctement et ce durant ces 35 années que la vie t'a offert, comme autant d'années de rabiot. Tu as vécu une vie de bonus, et tu l'as bien vécue.

Bien sûr que tes débuts furent compliqués, tout comme cette satanée table de multiplication de 2 que tu n'as jamais réussi à apprendre.

Bien sûr qu'il t'a fallu te battre corps et âme chaque instant de ta vie pour tenter de comprendre ces mots qui virevoltaient dans ta tête tels des insectes apeurés dans une lampe à pétrole.

Mais dans ta tête il n'y avait pas de pétrole. Non dans ta tête il n'y avait rien et c'est ce qui te rendait si attachant, mon Philip, mon Phiphi, mon Lilip…

La médecine avait rendu les armes suite aux 17 rejets de greffe de cerveau que tu avais subies. Ton corps ne voulait pas de neurones, il ne pouvait en supporter plus de 2.

Alors tu as travaillé d'arrache-pied, sculpté ce corps qui serait ton aller-simple vers la gloire !

Oui Philip tu étais ce que nous, humains moyens, appelions un con. Est-ce la raison de ce peu de considération que la profession montrait à ton égard ?

Certainement et on la comprend la profession !

Et puis ta rencontre dans ce centre spécialisé pour débiles légers avec ceux qui deviendraient le numéro 2 puis le numéro 3, ainsi que le nez très creux des producteurs philanthropes de TF1, allait changer ta vie.

Dès lors les 2BE3 étaient nés. Tu avouas toi-même avoir saisi le sens même de ce terme au bout d'une centaine de concerts et d'interview haletantes.

Merveilleux enfant. Si touchant de naïveté, si navrant parfois (souvent) si creux tellement souvent. Aucune de tes chansons ne restera dans les mémoires. Tu auras droit à un encart de quelques lignes à la fin de la page nécro des grands quotidiens. Laurence Ferrari mentionnera le drame à la fin de son journal quand tout le monde va pisser…mais moi je ne t'ai pas oublié Philip.

Par contre je suis totalement infoutu de citer un de tes titres.

Les médisants parlent d'une rupture d'anévrisme. Ecoute les ces rapaces, ces immondes cancrelats ! Non messieurs les juges de la vie, d'anévrisme il n'était point pourvu, comment peut-il en rompre un ?

Seule la jalousie et la mesquinerie peuvent motiver de telles paroles. La jalousie ou l'humour….je me tâte.

Lors de ton autopsie, le trou d'air provoqué par l'ouverture de ton crâne a détruit deux salles d'examen du laboratoire de Châtillon, littéralement soufflées. Quelle négligence de la part de ces donneurs de leçon !

Tu es parti sans un mot Philip. Dignement. Tu as regardé une dernière fois Dirty Dancing hier soir puis, terrassé de douleur en voyant Patrick S pour la dernière fois, tu t'es tiré 4 balles de révolver dans la tempe. Ne sentant pas la différence, tu as alors décidé de lire un livre.

Fébrilement, les mains moites ont ouvert la première page, tu n'as jamais atteint la seconde. La surchauffe t'a été fatale.

Repose en paix Philip. Nous t'oublierons certainement, mais tu nous a quand même bien fait rire….