Zone libre

Zone libre

Vive la télévision !

C'est affligeant. Je n'ai aucune envie de travailler ! Je vous assure que parfois j'ai envie, si, si je ne mens pas.

Enfin, « envie » est un bien grand mot, disons que j'ai une certaine conscience professionnelle et qu'elle m'incite à terminer ce que j'entreprends et du mieux possible tant qu'à faire.

C'est gentil d'applaudir mais ça n'est pas non plus exceptionnel, ça me semble simplement normal.

Mais ce matin ma conscience professionnelle semble s'être engourdie comme assommée par le froid glacial de cette fin Janvier.

 

Voilà quelques jours ma chère et tendre dont le radicalisme politique me fait parfois passer pour un centriste réactionnaire (si, si je vous assure on dirait pas comme ça mais à mon avis elle pourrait lancer le premier pavé au moment du grand soir), m'a fait réfléchir sur le sens de mon activité et comment faire pour, de l'intérieur, faire changer les choses.

L'idée est passionnante vous en conviendrez, les pistes de réflexions multiples et les projections qui en découleraient peuvent être amusantes…

 

Alors ce matin j'ai envie qu'on réfléchisse à ça, tous ensemble dans l'amour et la fraternité !! Je déconne je sais bien que je parle sinon dans le vide, au moins tout seul. C'est dommage la critique est constructive, mais bon c'est ainsi on ne va pas en faire un fromage.

 

Néanmoins avant de nous promener le long des méandres tortueux de nos cerveaux malades afin de savoir comment remplir ce magnifique média qu'est la télévision de matière, un brin plus cérébrale, un peu plus enrichissante, un peu moins débilitante, je voudrais faire ici un petit aparté.

 

J'imagine que vous n'avez pas regardé le show Sarko ce lundi soir ? Personnellement je n'ai pas pu, et à lire la presse depuis deux jours, j'ai bien fait. Car en plus de ne rien apprendre, ça m'aurait mis en colère. Toutefois le canard du jour relève des perles que je me permets de retranscrire ici, en transmettant toute mon amitié à la direction du Canard Enchaîné, ça va de soi.

Le petit président ne sait pas vraiment bien parler français, on le sait tous, mais il s'est quand même surpassé lundi soir. Morceaux choisis : « Si on dit plus qu'est-ce qui va et qu'est-ce qui va pas… » On se demande alors où c'est qu'on va où ? Il fait également dans ce que j'appellerai un barbarisme, et que ses fans qualifieront certainement de néologisme, mais lorsqu'il parle de « repliement communautaire » je ne peux m'empêcher d'esquisser un sourire et d'effectuer dès lors un repli stratégique. Il a également un petit problème d'accord mais rien de bien grave, toutefois il déclare « Ce sont nos principals concurrents, nos principals partenaires » (même mon navigateur Internet le souligne en rouge…). Que dire ? Pas grand-chose mais on a le droit de se moquer, et heureusement !

Sinon pour lui « apprentissage » est du genre féminin. Pourquoi pas ? En fait si, pourquoi ? Et nous conclurons cet intermède par la dernière perle relevé par le palmipède : « Nous sommes la dernière génération qui peuvent sauver le monde… ».

Le journaliste conclue par un « Pour le sauvetage du français il est déjà trop tard ». Et je ne peux qu'être d'accord et amusé (bien qu'un peu affligé)!

Fin de l'aparté…en avant pour le sujet du jour !

 

J'ai déjà parlé ici du cruel dilemme qui était le mien que j'ai réussi à gérer plus ou moins. En deux mots j'ai ce que l'on peut appeler une « conscience sociale » et je travaille pour la télévision. Et oui c'est plus qu'un dilemme, c'est quasiment un déchirement ! Il existe des activités utiles pour la société. Enseignant, éducateur, médecin, chercheur, magistrat etc. Seulement voilà, mon parcours de vie et ma propension à user mes coudes sur les comptoirs de France et de Navarre m'ont amené à avoir une activité suffisamment rémunératrice. Je le dis sans honte car je n'ai pas l'impression de voler quiconque, bien au contraire, mais putain que tout ça est vide de sens…parce que ce qui finalement m'habite depuis toujours est cette satanée quête de sens ! Trouver du sens aux choses, aux actes, aux mots, tout cela fait partie de mes activités quotidiennes. Alors quand on bosse pour la ménagère de moins de 50 ans et que l'on s'échine à lui préparer le cerveau en vue de la prochaine plage de réclames afin que ce dernier soit totalement disponible, c'est parfois dur à vivre.

Je sais c'est un peu indécent de dire ça quand tant de gens aimeraient travailler, mais je n'ai pas dit que j'étais d'une moralité à toute épreuve ! Loin s'en faut.

 

Comment faire pour que cette boite si laide qu'est la télévision puisse devenir un moyen d'élévation au mieux, et au pire un moyen de ne pas sombrer dans le vide intersidéral et infini de la stupidité ? Pas facile au regard de la situation actuelle.

 

Bourdieu a réalisé une série d'entretiens grâce au matériel audiovisuel qui était à sa disposition au Collège de France voilà quelques années. Ces entretiens, ou plutôt ce long monologue est sorti sous la forme d'un petit livre (édité au PUF je crois bien, mais demandez « Bourdieu sur la télévision » à la Fnac vous trouverez aisément) dans lequel il explique pourquoi il a accepté d'utiliser la télévision comme média alors qu'il n'a que méfiance (justifiée) pour elle, et une vive aversion pour les faiseurs d'images.

Le concept de base qui l'a poussé à accepter cet exercice est qu'il avait le temps pour développer ses idées.

Voilà un premier concept posé, le temps est l'ennemi de la télévision telle qu'elle est pensée et conçue aujourd'hui.

Rares sont les programmes qui laissent le temps aux idées de se développer, déambuler, progresser et faire vivre le débat. Sur les grandes chaînes nationales seules Arte, avec notamment les soirées THEMA, et France 3 avec « Ce soir ou jamais » ont le luxe incroyable de prendre le temps qu'il faut pour s'exprimer. Et encore pour l'émission de France 3 il arrive que l'on reste sur notre faim, faute de temps…

 

Pour tout vous dire je ne regarde plus la télévision depuis des mois. Je ne l'ai jamais beaucoup regardée mais je ne supporte plus la publicité. Donc si ça peut paraître pédant de dire que je ne peux regarder qu'Arte, je m'en fous car c'est la vérité. Mais je suis honnête, il arrive aussi que certaines soirées à thème de cette chaîne soient chiantes et mal foutues, on ne peut pas toujours réussir ce que l'on entreprend ! Néanmoins cette chaîne est un cas particulier qui ne reflète en rien la réalité du Paysage audiovisuel français.

 

Lorsque je tourne une émission pour TF1 (ou France 2, c'est en gros la même chose sauf que la bouffe est meilleure sur la deux) le principal souci des producteurs est le rythme. Comment ne pas perdre le téléspectateur ? Comment l'accrocher à son siège et le faire rester après la pub ? Ces questions hautement métaphysiques amènent des réponses pour le moins incongrues. En effet deux ou trois personnes vont décider de l'ordre des séquences, de la profondeur du décolleté des pétasses du premier rang, celles que l'on voit en arrière-plan, de la masse de gomina sur la tête des bellâtres qui remplissent la même fonction etc. Il faut en effet savoir que lorsqu'il y'a un public sur un plateau les premiers rangs ne sont que rarement occupés par le véritable public, mais par des figurants payés et sélectionnés pour leur belle gueule ou leur poitrine.

Il arrive toutefois que des canons se trouvent au milieu du public, et qu'en plus elles soient brillantes ! Enfin il y'en a une. Et puis ne cherchez pas c'est moi qui l'ai, fallait vous réveiller avant !!!

Bref ces considérations sont évidemment vides de sens car ce qui est privilégié, voire la seule chose qui est importante est l'image. Ce que le téléspectateur va voir, pas ce qu'il va entendre ni comprendre, non, simplement voir. Une suite d'images racoleuses qui vont lentement mais sûrement endormir son cerveau ce qui aura pour effet de le rendre disponible afin qu'il puisse retenir les messages des vendeurs de lessive.

Il y'a encore 3 ans TF1 faisait en moyenne un tiers de l'audience nationale et bénéficiait d'environ 60% du gâteau publicitaire qu'ils doivent bien se partager. Ce déséquilibre aberrant est en passe d'être du passé, en effet l'audience de TF1 s'érode inexorablement et finalement c'est désormais 30% des recettes publicitaires qui tombent dans son escarcelle.

C'est plutôt normal, mais pour l'entreprise (qui reste malgré tout le premier média d'Europe) ça faisait quand même un chiffre d'affaire divisé par deux.

Ça m'a ravit en l'apprenant et puis me suis dit que s'ils ont moins d'argent j'aurais moins de boulot…Dilemme quand tu nous tiens !!

On pourrait croire que cette baisse d'audience est due à une prise de conscience de la fameuse ménagère qui décida de se désintoxiquer ? Que nenni mes amis, la ménagère avide de conneries a été en trouver des au moins aussi belles sur le câble et la TNT. La multiplicité des chaînes a été fatale à TF1 et au duo Le Lay – Mougeotte. Le problème est donc loin d'être réglé, je dirais même qu'il s'empire quand on regarde ce qui se fait sur le câble…ça me fait frémir rien que d'y penser !

 

France Télévisions est un service public, et de fait est tenu à une mission de service public. Alors si France 2 fait du sous-TF1 pour lui coller aux basques, les autres chaînes du groupe peuvent proposer des programmes moins crétinisants, même si comme je le rappelle plus haut, le temps nécessaire pour faire un peu plus qu'effleurer un sujet manque encore et toujours.

Mon activité est constituée à 80% de jeux TV et de divertissements débiles. Mais les 20% restants me sont moins douloureux. Car quoi qu'on puisse en dire, une émission comme « C dans l'air » ou « Le Magazine de la Santé » sont des programmes un peu plus intéressants que la moyenne. Ces deux émissions sont un peu ma fierté, je l'avoue sans aucune gêne !

 

Mais dès lors comment, de l'intérieur, réussir à rendre ce média enrichissant intellectuellement, intéressant et obligatoirement divertissant. Ben oui, rares sont les gens qui acceptent de passer la barrière d'une forme austère pour accéder au fond. Il faut donc enrober tout ça dans un joli papier de couleur et le rendre « Sexy » (le terme est employé à toutes les sauces dans le coin, c'est insupportable).

 

Certains jeux sont selon moi intéressants. Certes ils ne font qu'améliorer une culture générale sans aborder le fond des choses, mais ce n'est déjà pas si mal. Si au sortir du visionnage d'un programme on peut se dire que l'on a appris au moins une chose, c'est une victoire ! Je sais je me contente de peu mais on part de si loin…

Les jeux qui passent sur TF1 sont à jeter au feu, ce sont des bouses infâmes, vulgaires, insupportables à regarder, présentées par des crétins sans culture et au cours desquels le but n'est pas de jouer en parallèle ou d'apprendre quoi que ce soit mais de se moquer du faible, du laid, du con qui est en plateau.

On a tous nos cons, et le téléspectateur de TF1 doit voir des plus cons que lui, ça le flatte. Sauf que trouver plus con qu'eux cela tient de la gageure ! Alors en général ce sont des téléspectateurs de TF1 qui vont jouer sur TF1…la boucle est bouclée, la télé s'alimente de ses spectateurs. Un coup devant la caméra, un coup derrière.

Mais certains jeux de France télévisions ont un peu de crédit à mes yeux et ne méritent pas la haine que je peux porter à TF1 et M6.

Un des premiers axes sur lequel il serait possible de travailler consisterait donc à créer des jeux dits « intelligents ». L'exemple le plus frappant pour moi est « Tout le monde veut prendre sa place » qui est une création originale 100% française et qui demande une culture générale minimale, un sens de la stratégie certain et au final on passe un moment plaisant tout en apprenant (parfois) une ou deux choses.

Le jeu est fédérateur, il le sera toujours et on n'y coupera pas. Mais apprendre en s'amusant est un concept tout à fait défendable, et que j'ose d'ailleurs défendre. Soyons fou !

 

Ensuite quels programmes proposer ? Parfois je me dis que s'il n'y avait que des programmes longs (sans être chiants) et au sein desquels les intervenants auraient le temps de développer leurs idées et non pas être une quelconque caution que cherchent les producteurs, les gens regarderaient.

Inviter tel scientifique, tel expert apporte une légitimité au programme, mais on ne lui laisse pas le temps de parler donc l'effet réel est nul.

S'il n'y avait que des chaînes éducatives, et bien les gens n'auraient pas le choix et les regarderaient. Néanmoins c'est bien plus aisé de les abrutir pour pouvoir, ensuite, les manipuler tranquillement par le biais de la publicité.

 

Un documentaire comme celui que j'ai fait l'an dernier sur l'expérience de Milgram est une exception au milieu de la médiocrité (et je pèse mes mots) ambiante. Comment en faire la règle ?

 

Tout d'abord il faudrait que les producteurs aient du courage. Ensuite il faudrait que les chaînes se financent autrement que par la publicité. Et enfin que la notion de temps veuille dire vraiment quelque chose et qu'on laisse le temps aux gens de parler.

Dès lors il sera possible, peut-être de faire évoluer les choses dans le bon sens. Je ne suis pas toujours totalement utopiste et je sais qu'il faut divertir les masses, mais il est possible de le faire sans les abrutir.

Si l'on applique ces trois préceptes, il sera possible alors de réfléchir sereinement à ce que l'on pourrait proposer comme télévision alternative, comment on pourrait profiter de la puissance de ce média qui instantanément fait entrer l'image et le son dans les foyers.

Mais la télévision de demain se verra sur son ordinateur, Internet est en train de manger la télévision et nous, pauvres rêveurs, laissons les requins s'emparer également de ce média.

Peut-être que si nous résistons en amont, si nous anticipons un peu, il sera plus facile de faire bouger les choses.

Une fois le rapport de force établi en faveur des industriels de l'image, il est déjà trop tard.

 

Alors si vous avez des idées, une idée, une vague ébauche d'idée sur comment on pourrait faire évoluer les choses elle est bienvenue.

Le temps et l'espace me pressant je vais clore cette mini réflexion ici, mais, vous l'aurez compris, en l'état actuel des choses il est ardu de changer les choses en douceur. Et mon fantasme de faire sauter la tour de TF1 reste lui aussi en l'état.

Néanmoins si nous pensions à demain peut-être arriverons-nous à stopper le robinet à merde qui déverse son flot d'insanité en continu.

 

Il va de soi que la lutte doit continuer.

 

Bonne journée…HASTA SIEMPRE



27/01/2010
1 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres