Zone libre

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Rentrer dans la ronde

Ce matin je vais mettre de côté ma petite personne, mes soucis d’emploi du temps, la complexité de la paternité à venir et les incompréhensions et dissensions dans le couple qui en résultent, la masse incommensurable de travail qui m’assaille et mon inspiration en berne.

Ce matin on s’en fout.

Un autre jour j’aurais trouvé ça tellement intéressant que je vous aurais narré avec précision et force détails mes dernières 96 heures.

Mais ce matin on s’en tamponne le coquillard.

Ben ouais, je sais parfois, encore, faire la part des choses.

 

Ce matin c’est le cœur lourd et l’esprit chagrin que je ne peux que constater que le gouvernement est en train de gagner la bataille de la rue.

Si j’étais optimiste, je serais tenté de parler de victoire à la Pyrrhus mais je ne le crois même pas.

Au départ cette hypothèse semblait évidente. Voilà une réforme, celle des retraites, imposée avec violence à un pays tout entier qui, bien que dans sa grande majorité comprenne voire demande, une réforme, rejette celle-ci en particulier. Cette réforme menée par un ministre fantoche et écrabouillé sous le poids des scandales quotidiens. Cette réforme qui n’a fait l’objet d’aucune concertation malgré les dires des voyous Woerth et Fillon. Cette réforme menée contre les classes moyennes et laborieuses, cette réforme qui justement remet furieusement au goût du jour la lutte des classes.

Il est aussi triste que navrant de constater à quel point ce gouvernement méprise le peuple et ses représentants.

Car les députés et sénateurs ne sont pas les seuls représentants du peuple, la démocratie n’existe pas uniquement dans les salons feutrés des assemblées. Les associations, les syndicats, les média sont des composantes vivaces et également légitimes de la démocratie. La légitimité des urnes ne fait pas tout, même si elle est encore aujourd’hui celle qui permet d’avoir le dernier mot.

Dont acte.

J’entendais un ouvrier, la cinquantaine, donc plutôt en fin de carrière, déclarer la mort dans l’âme qu’il reprenait le travail. Que malgré tout ils n’étaient pas, je le cite de mémoire, « comme les mineurs en Angleterre à brûler les meubles », car la situation n’est selon lui pas aussi désespérée mais ce « gouvernement est aussi inflexible que Thatcher ».

Le nom est lâché.

Margareth Thatcher…des frissons parcourent nos échines fatiguées à l’évocation de ce seul patronyme.

Cet ouvrier, ne disait pas autre chose que le fait que face à l’autisme et à la rigidité du gouvernement il reprenait le travail sans s’être fait entendre. Sans jamais avoir été écouté, même de loin.

La droite arguera que la réforme est dure mais juste, douloureuse mais nécessaire. Se targuera de n’avoir infléchi sa position et pourra même, vous verrez, dire qu’ils ont fait des efforts sur la pénibilité et le cas des femmes, enfin des mamans faut pas confondre.

Benoît Apparu, ex-leader des jeunesses RPR, Sarkzyste pur jus et secrétaire d’état au logement déclarait il y a peu « Le recul de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans est un recul social indéniable ».

Diantre ! Auraient-ils enfin au gouvernement une vision plus juste de la société ?

Ben non, le type déclare que c’est formidable que lorsque les acquis sociaux volent en éclat, le progrès, formidable progrès synonyme de croissance et de profits, avance.

Il faut écouter ça pour le croire. Une humoriste radiophonique parlait, pour appuyer la stupidité et l’incohérence de tels propos, de « cancer cool » ou de « mort joyeuse ». Bien dit Sophia, en effet, je n’ai pas de mots pour exprimer mon désarroi face à de telles mentalités.

 

La droite pense que sa fermeté est un signe de force, elle pense que l’écoute, la négociation et le compromis sont des aveux de faiblesse.

La droite est au pouvoir depuis trop longtemps son arrogance n’a plus de limites.

Et là on parle de la droite la plus dure qui soit depuis 70 ans et le régime de Vichy.

Je ne compare pas les bandits aux manettes avec les salauds Vichystes, mais personne ne pourra nier que depuis Pétain on n’avait pas vu ça.

 

En son temps Thatcher avait, avec son pote Reagan, également l’intime conviction qu’être fort c’était être intransigeant.

 

Mais être fort c’est tout sauf être intransigeant sans nuances. Camper sur ses positions par fierté et arrogance, ne pas vouloir entendre ce que dit son interlocuteur, nier carrément son interlocuteur est la marque d’une grande faiblesse et d’une insondable médiocrité.

Thatcher et Reagan ont modifié pour longtemps le visage du monde en dérégulant sans vergogne la finance, en débridant le capitalisme en haïssant la pauvreté et les classes laborieuses.

Depuis de l’eau a coulé sous les ponts mais finalement rien ne s’est amélioré.

Ah si, il y a moins de gens qui meurent de faim en Inde et en Chine qu’il y a 30 ans.

Cool !!

 

Ce matin le nabot de l’Elysée doit commencer à respirer. Les dépôts de carburant se libèrent, les trains roulent à nouveau, les ordures sont ramassées, les lycéens sont en vacances…tout semble rentrer dans ce qu’ils appellent « l’ordre ».

Quand je dis que je ne suis même pas certain que ça soit une victoire à Pyrrhus qu’ils sont en train de remporter c’est que les électeurs français sont tellement cons qu’ils sont bien capables de se laisser de nouveau embobiner par l’autre saloperie à talonnettes en 2012. Evidemment qu’il lui fallait mener cette réforme au bout afin de posséder l’argument massue du président qui agit. Evidemment que le travail d’une voire deux générations de futurs jeunes diplômés est en péril à des fins uniquement électoralistes.

Tout comme des gens sont persécutés, stigmatisés et chassés ignoblement du territoire français par le seul fait de leur appartenance ethnique ou de leur mode de vie afin de s’assurer des voix en vue des prochaines élections.

 

Mais ce sont des vies, pas des chiffres, qui sont martyrisées, brisées, malmenées…Des vies, des familles, une société entière.

 

L’équilibre est précaire mais le peuple n’a plus ni les moyens, ni la force de lutter comme il le devrait. Alors rien ne bouge. Rien de plus que quelques épiphénomènes.

 

Ce matin le pays semble se remettre en état de marche. Mais pour aller où ? Pour faire quoi ? On continue à creuser le gouffre entre les dominants et les dominés ?

 

A titre personnel je suis pour qu’on permette à quiconque de partir à la retraite quand il veut. Sa pension étant au prorata des années cotisées ce qui me semble logique.

Mais de toute façon on ne m’a pas demandé mon avis. Quand bien même on l’eut fait, il n’aurait pas été entendu.

 

Ce qui me désole est une fois de plus d’avoir eu l’espoir que la mobilisation prendrait, que petit à petit les 70% de gens qui se disent hostiles à Sarkozy se soient retrouvés dans la rue afin de casser l’ordre et d’enfin établir…le désordre !

 

Cet espoir d’anarchie n’est pas uniquement guidé par quelque colère ou désespoir vain. Non, il est cohérent, conceptualisé (non pas par moi, je vous rassure je n’en n’ai pas les compétences intellectuelles faut pas déconner, mais il faut lire Marx, Bakounine ou Proudhon. Et brûler tous les livres de Bernard Werber et de Marc Lévy, mais c’est un autre sujet).

L’Anarchie n’est pas qu’un rêve, elle est aussi un projet.

 

Il faut croire que la souffrance est encore tolérable, que la peur du chômage fonctionne encore, que le peuple n’est pas encore prêt.

 

Mêmes les organisations révolutionnaires comme le NPA ou LO ont été inaudibles durant ce conflit.

Je n’y comprends plus rien.

 

Quand nous affranchirons-nous de ces schémas ineptes qui poussent à la consommation et entretiennent la peur ?

 

Moi le premier. Actuellement je bosse comme 4 pour assurer à mon bébé et ma femme un quotidien confortable. Mais dans quelle société ?

 

Tout semble tellement s’accélérer, on vit dans le même temps le dérèglement climatique, les conséquences de la colonisation (et donc de la décolonisation), la surpopulation, les inégalités hallucinantes, la mondialisation etc.

 

Et on regarde le train défiler, en s’accrochant bien fort à ce que l’on trouve, en baissant la tête, en courbant l’échine en rêvant à des jours meilleurs.

 

Tant que les structures du capitalisme resteront en l’état le monde ne bougera pas.

 

Les révolutions se fomentent souvent dans les appartements, mais se mènent dans les rues. Ce sont les fondations du capitalisme qu’il faut faire sauter.

 

Tant que rien ne changer nous auront des gens tels que Bertrand, Lefevre, Hortefeux, Besson, Sarkozy, Estrosi, Ciotti…(je m’arrête j’ai la nausée) qui nous dirigerons.

 

La droite est en train de remporter une sale victoire avec cette réforme injuste et inefficace.

Vu que tout le monde semble satisfait de la démocratie, ce qui n’est pas mon cas et chaque jour un peu moins, qu’au moins nous leur fassions payer tout cela au prix fort le moment venu.

 

Et oui, ce matin je suis triste et moi aussi je retourne au travail.

 

Hasta Siempre…on ne sait jamais.

 

 



26/10/2010
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