Zone libre

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Passe le oinj !! Y'a du monde sur la corde à linge....

Jeudi 2 juin 2011, une commission internationale a rendu, au gouvernement américain, un rapport prônant la dépénalisation dans un premier temps, puis la légalisation de certaines drogues aujourd'hui considérées comme illicites dans la majorité des pays occidentaux. Bon je n'ai pas eu le dit rapport entre les mains et j'ai simplement lu un encart dans le libé d'hier. A priori rien de neuf sous le soleil, des rapports de cet acabit arrivent régulièrement sur le bureau des décideurs, néanmoins à la lecture de cette dépêche deux éléments retinrent mon attention. Le premier est la composition même de cette commission. Elle n'est pas constituée d'enragés de la fumette ou de militants pro-dépénalisation historiques mais d'un panel d'anciens dirigeants nationaux et d'industriels n'ayant aucun intérêt particulier évident à mener ce combat. Il y a 20 ans lorsque le CIRC (Collectif Informations Recherches Cannabiques) organisait des manifestations nous y allions emplis d'espoir et de ganja, mais à force de multiplier les sit-in, manifs et autres buzz il se trouve que le message s'est plus ou moins brouillé et qu'il a perdu de sa force. La contestation s'est embourgeoisée, voire institutionnalisée, tant et si bien que désormais le 18 Juin lorsque les fumeurs de hash répondent à « l'appel du 18 Joint » il est acquis qu'on ne se fera pas arrêter parce qu'on fume un pétard, comme si ce jour-là la loi ne prévalait plus. On n'est plus à une incohérence ni à une hypocrisie près sur le sujet.
Le second point qui m'a interpellé est que ce rapport était adressé à l'administration américaine, et ça c'est très intéressant. En effet les USA sont, dans le monde occidental, un des pays les plus répressifs en matière de lutte contre la drogue. On a pour habitude que ce genre de rapports émanent d'activistes de la cause et soient relayés par des partis politiques à tendance écolo-progressiste afin d'atterrir sur la pile de dossiers en souffrance de la commission européenne, mais pas vraiment que soit médiatisé un rapport destiné au gouvernement américain.
Obama a décidemment bien des vertus et notamment celle d'encourager le dialogue, la discussion et d'allier une volonté de progrès et d'humanisme à un pragmatisme tout anglo-saxon que l'on associe parfois, ici en France, à un certaine forme de cynisme. J'ignore ce que l'histoire retiendra de son action, je suis en profond désaccord sur de nombreux points relatifs à l'économie, mais on ne peut nier l'apport positif de cet homme et de son administration sur la politique américaine et par ricochet sur celle du monde…
Donc hier je buvais mon petit noir au zinc quand j'ai lu cette dépêche, énième rapport indiquant, chiffres à l'appui, la gabegie que constitue la lutte contre le trafic de drogues me suis-je dit…Il est intéressant de constater à quel point les chiffres se font les alliés des deux camps et comme l'aspect financier est froidement mis en avant pour faire valoir ses arguments. A priori, mis à part les deux points précédemment soulignés, rien ne semblait indiquer que j'ai quoi que ce soit à en dire. C'est en découvrant la une de Libé ce vendredi, ou l'on y voit un gros plan sur un apetissant sachet de marijuana entrouvert, que j'ai décidé de grimper sur mon clavier pour venir mettre mon grain de sel dans le débat.
Si je n'ai pas d'autre légitimité que celle que me confère mon statut de citoyen pour donner mon avis sur tous les sujets qui animent ce blog, concernant le sempiternel débat drogues et société je pense avoir une certaine crédibilité. Qu'on m'accorde au moins ça !

Il va de soi que n'ayant pas lu le dit rapport  je ne peux, donc, que m'appuyer sur les commentaires de la presse. Que disent en substance ces commentaires ? L'argument principal qui est, semble-t-il, avancé est le suivant : la politique de lutte anti-drogue menée par l'administration américaine depuis des décennies est un échec patent. Tant en termes de santé publique que de finances. Cette politique a mené à une radicalisation épouvantable de la violence inhérente au trafic tout en rendant chaque jour les cartels sud-américains encore un peu plus puissants. Le tout répressif montre ses limites et il serait donc l'heure de changer de cap…il se trouve qu'on était déjà au courant mais ça va mieux en le disant.

Il existe, effectivement, deux axes majeurs autour desquels on peut articuler notre réflexion sur ce sujet : la santé et la sécurité. Il n'est pas rare que ces deux thèmes, parfaitement antithétiques, soient joyeusement mélangés afin de fourbir les armes des militants des deux camps. C'est ennuyeux car peut rendre le discours inaudible voire inepte ! Il est courant de ne pas considérer la toxicomanie comme une maladie ce qui fait qu'au lieu d'aborder le problème des soins, de la prévention, de chercher des pistes permettant de réduire les effets du fléau on va considérer les usagers comme des acteurs essentiels d'une activité criminelle et en aucun cas comme des patients à soigner. On parle bien évidemment ici des drogues illicites car le coût des cirrhoses, cancer de la langue, de la gorge, du poumon, problèmes cardio-vasculaires et autres fariboles directement liées à la consommation d'alcool et de tabac sont toujours mis dans la case « santé publique » et on ne cherche pas à faire porter la responsabilité aux producteurs et encore moins aux consommateurs. Sans même parler des antidépresseurs et anxiolytiques qui sont une charge phénoménale dans le budget de la sécurité sociale. Il semble donc que l'approche de l'usager que prône cette étude est uniquement développée en suivant un axe médical. C'est un prérequis à tout changement de politique. L'exemple le plus frappant ne provient pas des Pays-Bas, nous y reviendrons, mais d'un pays du sud de l'Europe, réputé indiscipliné et incapable de gérer un problème si complexe que la toxicomanie, j'ai nommé le Portugal !!
Enfin, ce n'est pas moi qui l'ai nommé….je dois vous l'avouer.
Bref, voilà que depuis une dizaine d'années au Portugal est menée une politique qui tranche radicalement avec ce qui peut se faire en France ou aux USA (qui elles-mêmes sont différentes l'une de l'autre mais se basent néanmoins sur les mêmes fondements essentiellement répressifs). Pour faire simple on va dire qu'au-dessous d'une certaine quantité de produit, et ce quel qu'il soit, l'usager n'est plus considéré comme un délinquant mais comme un patient ayant besoin de soins et d'accompagnement. Un système de sanction a été mis en place, ce qui induit une notion éducative et préventive indéniable : tu te fais attraper une fois, on t'oriente vers un centre de soin si besoin. Tu te fais attraper une seconde fois, on t'oriente également mais par contre tu auras soit une amende soit tu t'acquitteras de travaux d'intérêt généraux, et ainsi de suite. Le regard de la société portugaise sur les toxicomanes a profondément changé, il se trouve que ce problème occupe désormais la 13ème position des préoccupations sociétales des portugais alors qu'elle était en tête au début des années 2000. La réponse répressive est progressive et surtout elle exclut la prison. Toutes les études le montre, tous les témoignages, même les plus réactionnaires des réactionnaires, admettent que la prison telle qu'on la connait aujourd'hui en occident ne fait qu'encourager la consommation de drogues qui y sont, pour ainsi dire, en libre circulation. Sortir les toxicomanes de la case prison est une première gageure et il faut en rendre grâce au courage des dirigeants portugais. Il se trouve que de cette expérience on peut commencer à mesurer les effets et ils sont très encourageants. Le nombre de délits liés à la drogue a baissé, le nombre d'overdose a baissé, la proportion de consommateurs mineurs a baissée…en bref c'est un véritable succès.
La différence d'approche est radicalement différente d'avec les Pays-Bas. En effet les hollandais misent sur le fait que ce pays est peuplé de personnes responsables, raisonnables qui s'autogéreront. Ça marche certainement avec des Hollandais, ou des Danois, voire des Allemands mais il se trouve que les Pays-Bas sont en Europe et voient donc se développer un tourisme de la drogue…on est assez loin de l'objectif initial.
A chaque pays, chaque culture, on peut appliquer une recette différente et il est heureux de constater à quel point il n'y a pas de dogme valable sur ce sujet. Néanmoins s'il est un pays qui doit au plus vite remettre en question sa politique de lutte contre la drogue, ce sont les Etats-Unis !
L'axiome autour duquel s'articule la politique américaine est la répression et uniquement la répression. J'ai revu il y a peu des images de George Bush Senior qui déclarait froidement que chaque consommateur de drogue devait aller en prison. Je précise que les fumeurs de marijuana en font partie…
Longtemps j'étais plutôt contre une dépénalisation du hachisch. Ben ouais, j'en vendais…donc forcément ça ne m'arrangeait pas ! Mais outre ce sordide aspect j'estimais qu'au regard de la facilité avec laquelle on peut se procurer ce qu'on veut, pourquoi dépénaliser vu que ça permet au moins à certaines personnes, fragiles, de ne pas avoir accès au produit ?
Je voyais le problème du petit bout, voire du mauvais bout, de la lorgnette. Et quand on regarde dans le mauvais sens le monde parait bien petit et de perspectives il n'y a point !!
Quel que soit le milieu dont on vient, quelle que soit l'éducation reçue, chaque individu est un jour confronté à la possibilité de fumer un joint. Et la majorité fait l'expérience, ce que personnellement je trouve très bien. De cette énorme masse d'individus combien en feront un problème ? Très peu, vraiment très peu, trop peu pour que se justifie l'arsenal répressif actuellement en vigueur.
L'oubli dans un produit n'a rien à voir avec le produit. J'ai mis du temps à comprendre ça en fait, mais ça y'est, c'est ancré et bien ancré ! On peut tenter de masquer ses carences dans le cannabis, certes, mais également dans l'alcool, les médicaments etc. Et on peut dire ce qu'on veut mais la dépendance physique au cannabinoïdes est nulle. Par contre le Ricard…
Dépénaliser la marijuana ne fera pas augmenter le nombre de fumeurs, il se peut même que ça le fasse baisser, en effet l'interdit n'existant plus l'attrait peut dès lors s'émousser drastiquement.
Par contre la dépénalisation permettrait de donner un sacré coup de frein au business associé à ce produit.
Aujourd'hui il est presque plus facile de trouver du crack ou de la cocaïne  que du shit dans les rues de Paris. Quel est encore l'intérêt de courir après les vendeurs de shit et leurs clients ?
Il est nul, il n'y a plus que des inconvénients. Inconvénient social, médical, sécuritaire, financier…On ne peut pas aborder la toxicomanie d'un bloc ! Il y a autant de toxicomanies que de toxicomanes. On ne peut pas, dans le même ordre d'idées, aborder la drogue de façon monolithique. Il y a autant de cas que de produits.
La sociologie des consommateurs de shit est bien différentes des crack-addicts ou des accros au MDMA et autre LSD…en bref soit on ne fait rien soit on aborde les problèmes les uns après les autres et on tente de les résoudre !
C'est ce que tente de faire le rapport cité plus haut. Il n'y a plus aucune raison à ce que le cannabis soit du côté des drogues à réprimer. Des gosses se tirent dessus à la Kalachnikov en plein Paris, il est peut-être temps de cesser l'hypocrisie.

Ce produit doit être autorisé dans un cadre législatif suffisamment strict pour que la société n'en pâtisse pas. La consommation d'alcool est contrôlée, sa vente est contrôlée, il existe un certain nombre de textes qui encadrent la consommation et la vente d'alcool. La prohibition de l'alcool au cours des années 1920 aux Etats-Unis fut un échec, tout le monde le reconnait, pourquoi n'est-ce pas le cas concernant le cannabis ?
Le monde évolue et s'il y a 30 ans il était compliqué de se procurer du shit et que, finalement, la prohibition pouvait avoir quelque intérêt, il est désormais possible de s'en procurer tout le temps, partout, qui que nous soyons….dès lors la prohibition est absurde. La société elle-même a fait évoluer sa consommation. Il n'en est pas de même pour l'héroïne ou la cocaïne, ces produits sont aisément accessibles également néanmoins tout le monde ne consomme pas !
Il est indispensable de savoir accompagner la société dans ses évolutions. La consommation de cannabis est aujourd'hui acquise et banalisée, il est plus que temps qu'elle cesse d'alimenter les circuits mafieux, qu'elle entretienne une violence sans cesse grandissante.

Dès que la morale vient mettre son nez dans les problèmes de santé publique et de sécurité ça ne donne jamais rien de bon…cf. le traitement médiatique du SIDA dans les années 80 et le temps qu'a mis le préservatif à être imposé ! Tout ça pour des raisons dites « morales »…
Que la drogue fasse peur à ceux qui n'en connaissent rien, je le conçois volontiers. Mais la peur n'a jamais évité le danger…
Le problème du cannabis est bien spécifique et je serai plus mesuré quant aux autres produits cités dans cette étude. Mais je dois vous avouer que ce sujet fait partie d'un travail que je mène avec plus ou moins de régularité mais en tentant d'y apporter toute la rigueur nécessaire, et ce depuis quelques années déjà….alors je tenais simplement à venir ouvrir une petite parenthèse sur le sujet très précis de la répression et du cannabis, je me limite à ça sinon je me connais je risque de déraper et personne n'atteindrait alors le point final de cet article.
Les politiques sont à la traîne de la société, une fois de plus, et il semble que plus rien ne pourra empêcher la dépénalisation puis la légalisation du cannabis. La question est de savoir en combien de temps ?

Hasta Siempre, bon weekend et n'oubliez pas de faire tourner….je crois qu'il y a encore du monde sur la corde à linge !

 



04/06/2011
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