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Milgram...Acte II

En Avril 2009 j’étais témoin d’une incroyable expérience télévisuelle. Bravant l’interdit je venais poster sur ce qui était mon blog à l’époque quelques impressions sur le dit programme. Voilà presque un an que cela s’est passé, la diffusion du résultat est prévue ce soir à 20h45 sur France 2 et ça s’appelle « Zone Xtrême, le jeu de la mort ».

 

Alléchant non ? Allez !!! Soyez sympa, dites oui…oui ? AH merci.

 

Pour les distraits ou les nouveaux venus replaçons les éléments dans leurs contextes respectifs.

 

D’un côté nous avons un scientifique. IL s’appelle Stanley Milgram. Il est pyscho-sociologue et enseigne à l’université de Berkeley il y’a un demi-siècle.

Au début des années 60, influencé par l’analyse de Hannah Arendt sur « les mécanismes du nazisme et sa théorie sur la banalité du mal » il met en place ce qui restera dans l’histoire sous le nom d’Expérience de Milgram.

 

L’expérience consiste en gros à tester jusqu’où un sujet qualifié de « banal » ou « lambda » se soumettra à l’autorité, en effet choisir un tortionnaire chilien ou un capitaine argentin fausserait à coup sûr l’expérience. Donc on choisit des gens normaux. Ni beaux, ni laids (on s’en fout), pas spécialement bons mais pas non plus sadiques, des gens moyennement malins et pour tout dire un peu fades.

Putain j’ai le portrait-robot d’un électeur Modem sous le nez !! C’est beau la science quelque part.

Mais revenons à nos moutons.

Le contexte de l’expérience de Milgram est évidemment parfaitement cadré, rien n’est laissé au hasard, ce qui est bien normal me direz-vous, et je vous répondrai que certes vous avez raison mais en même temps vous ne faites que dire ce que j’ai déjà dit donc si ça vous emmerde qu’on continue dites-le de suite et on avisera.

Dans ce genre d’expérience chaque détail fait partie du protocole, je sais que j’enfonce une porte ouverte mais j’en avais envie.

L’apogée de ce genre de comportement (la soumission face à l’autorité) étant atteinte lorsque le sujet provoque la mort d’autrui. Il va de soi que personne n’est décédé lors de l’expérience originelle, et fort heureusement d’ailleurs !

Je vous laisse imaginer le bordel si c’eut été le cas en plein campus de Berkeley au début des années 60, époque bénie de la libération sexuelle et d’usage de nombreux et joyeux psychotropes…

La moyenne du nombre de sujets allant jusqu’au bout de l’expérience, c'est-à-dire qui infligent les souffrances maximales à la victime sous couvert d’une autorité scientifique certaine est de 62,5 %.

C’est élevé si vous voulez mon avis.

C’est surtout troublant…

Il est en effet mis en évidence que nous ne sommes finalement pas libres, qui que nous soyons, face à l’autorité quelle qu’elle soit. Toutefois Milgram déclarait lui-même « Je suis certain que l’obéissance et la désobéissance ont pour origine un aspect complexe de la personnalité, mais je sais que nous ne l’avons pas encore trouvé ».

Bien dit Stanley !

 

On peut expliquer nombre de comportements relativement au contexte, néanmoins intervient la part d’ombre de chaque individu que l’on ne peut contrôler, que l’on ne peut prévoir et lorsque ce pan de la personnalité est devenu matériel scientifique qu’en faire ?

Ah !! L’âme humaine est aussi fascinante que glaçante !

 

Pour plus d’informations sur l’expérience en elle-même je vous conseille « La soumission à l’autorité » de Stanley Milgram aux éditions Calmann-Lévy.

 

L’an dernier, comme je l’écrivais plus haut, a été mis en place le tournage d’un documentaire qui sous couvert d’un faux jeu télévisuel avait pour but de reproduire l’expérience de Milgram bien que le contexte soit par définition différent.

 

Nous tournâmes les différentes émissions ou plutôt le passage de la cinquantaine de candidats dans ce qu’il est d’usage de nommer « la Zone Extrême ». 

 

A l’époque avec l’aide de camarades journalistes dans un grand quotidien de gauche national qui n’est pas « L’Humanité », nous avions calculé nous-même le taux de sujets allant au bout de la machination. Nous étions tombé sur le chiffre de 65 %. Bien que le premier jour plus de 80 % des sujets allèrent jusqu’au bout le premier jour.

Nous allons y revenir.

 

Ce soir est donc diffusé le résultat de cette semaine de tournage et des mois de travail qui suivirent. J’en suis ravi car j’ai toujours apporté mon soutien à ce programme que je trouve intelligent et percutant…Toutefois.

 

Toutefois je suis un peu froissé par ce que j’entends depuis hier.

 

Tout d’abord si l’on regarde les bandes annonces de ce qui est représenté comme un jeu (disponible sur You Tube, comme à peu près tout ce qui existe) on est surpris par le manque total de recul. En effet voilà un trailer classique du plus vulgaire et stupide programme de télé-réalité qui soit, en aucun cas n’y est introduit le recul et la réflexion nécessaire à la compréhension de ce documentaire.

Ensuite je lis l’interview du réalisateur/producteur, Christophe Nick, dans Télérama et je suis étonné qu’il mette en avant le chiffre de 81 % comme s’il était la moyenne totale des cinquante candidats, soit nous nous sommes trompé lors de nos calculs (ce qui est possible mais commettrions nous les mêmes erreurs à distance et sans se consulter ? J’en doute), soit pour les besoins du programme et de son côté sensationnel il est préférable de parler de 81 % au lieu de 65 %.

Malaise…

Je ne pense pas que le propos même du documentaire soit à remettre en question. Je n’ai pas vu le montage final, je le verrai ce soir comme tout le monde, mais j’ose imaginer que la post-production n’a pas totalement dévoyé le sens qu’a voulu donner Nick à son projet.

J’ai assisté au tournage, j’ai flâné en coulisses et ai constaté que les traumatismes que subirent les candidats étaient bien réels. Moi-même étant au courant de la supercherie j’avoue avoir été mal à l’aise par moments. Les hurlements proférés par le comédien jouant la victime étaient terrifiants mais le plus atroce était de voir ces candidats hésiter puis décider sous la pression de l’animatrice d’actionner la manette qui doit envoyer une décharge à la victime.

Soit dit en passant l’animatrice est d’une rare fadeur. Ancienne miss météo sur Canal, Tania Young est un boulet. Je n’hésite pas à le dire ici, pour avoir travaillé plusieurs fois avec elle je peux l’affirmer arguments à l’appui : Elle ne comprend pas grand-chose et surtout met un temps fou à biter quoi que ce soit ! Peut être est-ce un choix de sélectionner une animatrice ayant si peu de charisme, je ne sais mais c’est fort possible.

 

Ce matin le fameux Christophe Nick était invité de Pascale Clark sur Inter. Quand je vous dis que cette émission fait un buzz pas possible…Et notre bonhomme a une manière de présenter la chose qui me trouble.

 

En effet il déclare que les candidats savent qu’ils ne seront pas diffusés et qu’ils ne gagneront pas d’argent et que c’est ainsi que les choses furent expliquées avant même que débute le tournage.

Je m’inscris en faux.

Ce programme était présenté comme le pilote d’un jeu. Il y avait de l’argent à gagner, 100 000 €, et comme pour toute émission de jeu, pilote ou non, les gains sont conditionnés au passage à l’écran ou non. Lors du tournage effectif il est compliqué de justifier que l’on ne passe pas tel ou tel candidat afin de ne pas lui verser ses gains, mais ça peut arriver. Si c’est un pilote les termes du contrat sont clairs, les gains potentiellement gagnés par les candidats ne seront versés qu’en cas de diffusion.

Ça à l’air de n’être rien mais la différence d’approche est fondamentale.

Et puis comme il fallait que les candidats « marchent » dans la combine il était indispensable de présenter le tournage comme un tournage classique d’un pilote comme il en est tourné des dizaines chaque année.

Pour quelle raison Christophe Nick présente donc les choses ainsi ?

Il va de soi que l’appât du gain est une composante très importante du processus qui peut amener un sujet à dépasser les limites de sa morale, à se perdre entre le bien et le mal.

Affirmer le contraire est mensonger, or lorsque j’entends le producteur affirmer qu’aucune considération pécuniaire ne fut introduite je suis assez étonné.

 

Le débat du jour et qui fait rage a justement pour sujet la manière dont est amené ce documentaire. Faut-il axer la communication sur le côté sensationnel et violent afin d’attirer les aficionados de la télé-réalité ? Ou bien faut-il mettre l’accent sur l’aspect scientifique, objectif et rationnel de l’expérience ?

Il semble que l’impact du contexte télévisuel et du public soient des éléments importants et qui donnent une autre lecture aux résultats de l’expérience.

C’est très intéressant en soi, je ne le nie pas et serai même enclin à le défendre, mais de quel côté se positionnent les concepteurs de ce documentaire ?

 

Lors de l’expérience de Milgram il n’y avait pas de public, il n’y avait pas d’argent en jeu (ou tellement peu que cela ne peut être un argument recevable), et il n’y avait pas la télévision…

 

Le rapport au public et à l’image est une donnée très intéressante dans ce cas précis. De même que la dilution de la responsabilité des spectateurs eux-mêmes est édifiante…Tout cela est mis en évidence dans ce documentaire à charge contre la télévision poubelle et « trash ».

C’est une très bonne chose et je vais regarder cette émission avec un grand intérêt.

 

Ce qui me dérange est cette ambiguïté entretenue par le réalisateur et qui ne me permet pas de savoir exactement comment il présente cet objet télévisuel…je me ferai ma réponse ce soir, et peut être en parlerons-nous demain. Qui sait ?

 

Sur ce je suis super à la bourre donc je vous embrasse et à bientôt…

HASTA SIEMPRE !!!



17/03/2010
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