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Les raisons qui me poussent...

Lundi 2 Mai 2011. L'actualité se bouscule et pourtant…toujours les mêmes thèmes qui virevoltent dans mon cerveau, que je ne pensais pas si profondément atteint. Tant pis, j'assume. J'assume d'ailleurs chaque acte, chaque mot, chaque pensée qui furent les miens au cours des ans. Je mets un point d'honneur à que cela soit toujours le cas d'ailleurs.
Vendredi dernier on me posa la question suivante, ou à peu près : Mais pourquoi cette obsession du IIIème Reich ?
Je n'avais pas eu le temps de rétorquer que, déjà, des réponses furent lancées à la cantonade. Morbidité malsaine, obsession communautaire et nécessité de mettre le monde dans lequel on vit en perspective. Aucune de ces réponses n'est satisfaisante, mais peut-être toutes expliquent-elles une part de cette obsession, peut-être permettent-elles de reconstituer ce puzzle anarchique que constitue ce vaste champ d'étude qu'est la période 1914 – 1945. Un peu plus de 30 années aux cours desquelles le monde dit civilisé s'entredéchira deux fois. Environ 10 millions de civils et autant de militaires périrent au cours de la première ; chiffres que l'on peut aisément doubler concernant la seconde. Au total ce sont plus de 60 millions de morts en 30 ans. Il est difficile de concevoir un tel chiffre, il est totalement abstrait tout comme le coût des réparations en Allemagne, il arrive un moment où les chiffres ne veulent plus rien dire. Comment se représenter 60 millions de vies annihilées ? Ce chiffre seul peut expliquer la raison d'un tel intérêt de ma part. Néanmoins, m'étant moi-même posé cette question sans avoir l'aide de quiconque, je ne vois aucune objection à y répondre honnêtement.
Tout d'abord est-ce que cela relèverait d'une éventuelle morbidité exacerbée et pathologique ? Je ne peux nier que le mal fascine, que l'on est toujours attiré par l'interdit. Qui n'a jamais été tenté d'aller lire le marquis de Sade ? Je ne saurais me présenter en spécialiste de la question, mais personnellement j'y ai trouvé à boire et à manger ! Si certains textes sont sulfureux uniquement de par le contexte et le parfum d'interdit que l'œuvre entière de Sade exhale, d'autres sont carrément insupportables et pour les lire ça n'est pas de morbidité dont il faut faire preuve, mais carrément de troubles sociopathes lourds !! La qualité de l'écriture de Sade n'a pas fait son succès. Par contre, longtemps stigmatisé comme l'incarnation du mal, cet écrivain (bon ou mauvais ça n'est pas la question, même si j'ai ma réponse) suscite l'intérêt des pervers comme des curieux. Suis-je donc animé d'une morbidité perverse lorsque je me penche sur ce que fut l'Allemagne Nazie ? Je ne nie pas que la monstruosité y émanant flatte de bas instincts qui nous poussent à se faire peur, s'horrifier, se choquer comme pour se rassurer d'être où on est et ce qu'on est. Lorsque j'ai lu les comptes rendus des expériences médicales menées par les médecins d'Auschwitz, et en particulier les « travaux » de Mengele, je pense avoir entraperçu ce qui ramène l'être humain au rang de bête sauvage et monstrueusement sadique. Lire les récits des survivants de Dachau, Auschwitz, Sobibor ou Treblinka peut rassasier tout pervers assumé ou non. Un tel flot d'atrocités, qui de plus ne sont pas le fruit de l'imagination fertile d'un quelconque écrivain mais bel et bien l'immonde réalité, flatte les plus vils instincts que chacun de nous porte en lui. Oui j'ai lu le pire, je n'en ai tiré aucun plaisir, et fort heureusement…malgré mes craintes évidentes avant de m'atteler à pareille tâche. Vais-je réussir à aller au bout ? Ne vais-je pas tirer quelque satisfaction à la lecture de cette pornographie antisémite ? Par contre j'étais curieux et il me fallait passer par là pour espérer atteindre le but que je me suis fixé concernant la shoah et le IIIème Reich.
Si je ne devais opposer qu'un seul argument pour contredire l'affirmation consistant à dire que mon intérêt se résume à une curiosité morbide et malsaine, ça serait celui-ci : J'ai de réelles nausées et je souffre bien plus en lisant l'analyse minutieuse et totalement factuelle qui est celle de Raul Hilberg dans « La destruction des juifs d'Europe ». La description des lois antisémites et la compréhension de la machine Nazie qui allait permettre qu'aucun des 6 millions de meurtres à venir ne serait illégal est, pour moi, beaucoup plus traumatisant que de lire ce qu'un homme peut infliger à un autre homme. Rendre légal la barbarie est effroyablement perturbant. La morbidité et la tristesse m'envahissent alors, ce sont plutôt le dégoût et la lassitude qui m'accompagnent lorsque je me retrouve face à des descriptions de tortures ou de sévices. Je ne sais si je suis très clair, mais pour faire simple : oui j'assume ma part de curiosité morbide, non je ne suis pas animé par ça et surtout j'ai allègrement fait le tour de la question et n'apprendrai plus rien concernant la violence et la barbarie humaine
Lire les décrets expliquant comment il fallait procéder pour affamer et détruire une communauté est autrement plus choquant que de lire comment telle ou telle victime fut suppliciée par un quelconque fumier à l'uniforme vert-de-gris.

On me parle ensuite de cette obsession communautaire. On m'a reproché, ou du moins on s'en est étonné, que je ne fasse pas aussi grand cas d'autres génocides que celui des juifs au cours de cette période. En gros on m'a dit « Les Tutsi et les Hutus ça ne te touche pas, ce qui t'intéresse ce sont les juifs ! ». C'est vrai mais c'est réducteur. C'est en effet vrai que mon intérêt se porte essentiellement sur le peuple juif. Je ne suis ni croyant, ni pratiquant bien au contraire. Néanmoins de la famille de ma mère, juive et polonaise, il n'est resté que 3 personnes après la furie de ces années sombres. Ma grand-mère et deux de ses sœurs.  Tous les autres furent gazés ou fusillés par les unités mobiles de tuerie. J'imagine que certains même sont morts de faim dans le ghetto de Varsovie car c'est là que se trouvait le gros de la famille Butter. La mienne. De fait qui peut me reprocher d'être plus sensible à ce thème qu'à un autre ? Mon affection pour le peuple juif n'est d'ailleurs pas la conséquence de mes origines, bien que cela accroisse considérablement le dit sentiment, pour la simple et bonne raison que je n'ai appris l'existence de mes origines bien après que mon intérêt et ma boulimie de documents sur la question ne survienne. C'est à 17 ans que j'ai su que j'étais finalement juif. Ça faisait des années que j'étais fasciné par l'histoire de ce peuple. Je ne saurais expliquer ça, je ne peux d'ailleurs pas le faire, ça n'a aucun intérêt au final ! Un argument des révisionnistes est de dire « il n'y a pas eu qu'un génocide sur terre, la vie d'un Tutsi taillé à coup de machette par son voisin Hutu, ou bien celle d'un enfant Ukrainien assassiné par un fanatique Stalinien a autant de valeur que celle d'un juif ». Dit comme ça c'est une évidence. Mais c'est justement dit comme ça pour insinuer que les génocides sont équivalents, que si un mort vaut un mort, et bien les assassinats de masse se valent. Et puis les juifs n'ont pas le privilège de la souffrance ! Alors pour le coup si les juifs n'ont le privilège de rien, et en premier lieu de la souffrance, les génocides ne se valent pas.
Le processus de destruction des juifs européens est sans précédent dans l'histoire et n'a rencontré aucun écho depuis. Le génocide rwandais ou l'épuration ethnique serbe, aussi atroces soient-ils, ne peuvent en aucun cas être comparés à la Shoah. Je le dis en tentant d'être le plus objectif possible. Si au final ce sont les morts que l'on compte, les processus qui y mènent sont fort différents. Pour illustrer ce propos je peux me servir de ce que j'ai entendu ce matin à la radio. En effet suite à la mort de Ben Laden, Obama déclare que « Justice est faite ». Or le meurtre n'est pas la justice. Que cette ordure (Ben Laden hein ! Pas mon Barack….je l'aime bien mon Barack même si pour le coup je ne suis pas d'accord avec ses mots) mérite la mort est totalement acceptable, même si c'est toujours dérangeant de décréter qui a le droit de vivre ou de mourir. Mais on ne peut pas parler de Justice. Il y a fort à parier que s'il avait été jugé par les américains il aurait été condamné à la chaise électrique et exécuté. Je suis contre la peine de mort quelle que soit la circonstance, néanmoins il aurait été possible de parler de justice à ce moment-là. Bien qu'au final dans les deux cas Ben Laden il laissait sa peau, nous sommes en face de deux situations bien distinctes.
Alors que l'idée d'un procès des criminels nazis encore en vie faisait son chemin au sortir de la guerre, idée qui donnera vie au procès de Nuremberg, un autre son de cloche résonnait. Il n'émanait pas d'obscurs antidémocrates, pas du tout, il était celui émis par Sir Winston Churchill. En effet ce dernier craignant qu'un procès ne se transforme en tribune politique pour les nazis (le précédent du procès d'Hitler en 1923 a certainement dû jouer pour que Churchill pense ça) il avait préconisé que l'on abatte purement et simplement les dirigeants allemands d'une balle dans la tête au fond d'un hangar. La notion de justice se retrouve alors en filigrane de la réflexion mais elle en est bien éloignée. Néanmoins aujourd'hui il nous faut savoir gré à ceux qui se sont battus pour que le procès ait lieu. Au final ceux qui méritaient la corde sont morts, le résultat est le même que s'ils avaient été abattus dans un hangar objecteront certains. Certes au final on se retrouve avec un certain nombre de cadavres. C'est bien là l'unique point commun entre les deux visions. Ne pas juger ces hommes aurait pu en faire des martyrs et, de plus, l'histoire avait besoin de ce procès. Il eut lieu et il est fondateur du monde actuel, indéniablement. Tout ne se vaut pas. Loin de moi l'idée de vouloir hiérarchiser l'horreur, mais il est important de ne pas oublier la spécificité de la Shoah. Il est même fondamental de ne pas l'oublier !
C'est là que j'en arrive à l'explication majeure de mon intérêt pour cette tranche d'histoire. Elle touche à la mémoire d'une part, et la compréhension du monde d'aujourd'hui d'autre part. Nous vivons tous dans un monde qui a connu la Shoah, qui a vécu la transformation d'une nation moderne, éduquée, progressiste en un magma de furie, de haine et de destruction. La machine administrative nazie est une chose à étudier de près. La propagande qui fut menée et l'esthétisation de la politique (expression inventée par les nazis et fort bien illustrée par Leni Riefenstahl) sont deux choses que l'on a assimilé et que l'on vit chaque jour. Les instances internationales sont toutes le fruit de réflexions ayant pour but de ne plus jamais permettre cela…les exemples des conséquences du IIIème Reich dans nos vies autant que dans nos inconscients sont légion. Pour comprendre le monde je n'ai rien trouvé de plus pertinent que de chercher à comprendre comment les nazis ont procédé. Comme si pour comprendre l'humanité il me fallait comprendre l'inhumanité.
Quant à la mémoire…c'est devenu un réel problème. La volonté politique de ne pas oublier et de prendre ces faits en considération et de toujours les avoir en perspective me semble bien moribonde. La raison principale me semble être le fait que plus aucun de nos dirigeants n'ai vécu cette période qui s'étale de 1923 à 1945. C'est normal me direz-vous, mais par contre il me semble dangereux que de fait on puisse se dire que c'est du passé. Oui c'est du passé, mais la résonnance de cette horreur est bien présente, et je suppute même qu'elle sera future ! A l'heure actuelle on assiste à une résurgence du révisionnisme. Dit comme ça c'est très abscons, mais il suffit de lire Faurisson, Soral ou même d'entendre Dieudonné (qui touche les couches les moins éduquées de la population) pour avoir la nausée et que la colère nous gagne ! Je faisais dernièrement des recherches sur Julius Streicher, infâme antisémite pornographe (cette expression n'est pas de moi, elle émane des nazis eux-mêmes. Hitler ayant déclaré que l'antisémitisme était la seule forme de pornographie autorisée dans le IIIème Reich) jugé et pendu à Nuremberg je suis tombé sur un petit laïus de l'obscur Alain Soral qui m'a fait tomber de ma chaise ! Pour rappel Streicher fut un propagandiste, pas très malin et effroyablement violent et virulent. Ce type transpirait la haine des juifs par tous les pores de sa peau. A Nuremberg 4 chefs d'accusations furent retenus pour les 21 accusés. Certains étaient accusés des 4, mais pas tous. Streicher faisait partie de ceux-là. Il ne fut pas inculpé de crimes pour la paix ni de crimes de guerre. Par contre il fut inculpé de celui d'appartenance au fameux complot (voir les descriptions précises des chefs d'inculpation disponibles à peu près partout) ainsi que de crimes contre l'humanité. Il fut acquitté du premier et reconnu coupable du second. Il a donc été pendu suite au verdict. Il se trouve que circule sous le manteau un soi-disant texte qu'il aurait écrit à Nuremberg et qui décrit des scènes de tortures que les américains lui auraient infligé, avec moult et sordides détails. La véracité de ce texte peut être intégralement remise en question. En effet s'ils avaient accès à de quoi écrire, aucun des accusés ne put faire sortir clandestinement quoi que ce soit. Or si jamais ce qui est écrit le fut bien de la main de Streicher,  et que ce qu'il décrit est exact, jamais les américains n'auraient permis que cela puisse sortir de la prison. C'était bien trop compromettant pour eux. Donc voilà de toute évidence un faux sur lequel ose se baser cette salope d'Alain Soral afin d'argumenter sur le point suivant : Julius Streicher est non coupable car il a été condamné pour un délit d'opinion, or il n'est pas interdit d'avoir les opinions qu'on a, donc il faut réhabiliter Streicher ! Je vous la fait courte mais c'est en gros ce qui est dit. « Délit d'opinion »….les bras m'en tombent, pourquoi pas outrage à agent tant qu'on y est ? Non monsieur Soral, Julius Streicher fut condamné à mort pour crimes contre l'humanité, rien de moins.
Alain Soral est un type brillant, il parle bien et il sait attiser la haine. Ses opinions révisionnistes sont d'autant plus dangereuses car il sait argumenter et ainsi instiller le doute dans la tête de ceux qui ne savent pas et surtout ne veulent pas savoir. Sur le cas précis de Streicher toute l'argumentation de Soral tient la route….si ce n'est que son postulat de départ est faux !
Et c'est bien ce qui me terrifie, un mensonge plus ou moins caché, que les gens ne vont pas aller vérifier permet de construire des thèses qui finalement se tiennent et ainsi souiller non seulement la mémoire de 6 millions de juifs assassinés mais carrément celle de l'humanité !
Aussi fort que soit mon engagement contre l'antisémitisme (dont j'ai souvent parlé ici alors je n'expliquerai pas, maintenant, quelles en sont les raisons) mon combat contre le révisionnisme et pour la mémoire n'a pas véritablement de cesse.
Elle est là la raison principale de ces recherches sur le IIIème Reich, tout comprendre pour ne pas oublier. Connaitre la vérité pour contrer ceux qui veulent la travestir et salir l'histoire.

L'histoire n'est pas qu'une matière un peu chiante que nous enseignent des professeurs dépressifs (mes profs d'histoire furent très souvent dépressifs et alcooliques…j'en ignore la raison mais c'est un fait !!), elle est aussi et surtout le décodeur de nos sociétés. C'est parce qu'il existe des gens qui n'acceptent pas cela et voudraient la réécrire, qu'il me semble fondamental de ne pas relâcher son attention un seul instant.

En conclusion, je voudrais, néanmoins, signaler à mes proches que j'ai entendu le message. Je vous promets de lire d'autres livres que ceux ayant pour thème le IIIème Reich, la Shoah et la seconde guerre mondiale….et puis je vous promets de ne plus en parler autant.

La naissance d'Alexis m'a entrainé sur le chemin tortueux de mon histoire personnelle, de fait mes recherches sur le sujet qui m'obsède s'en sont trouvées amplifiées. Je vais tâcher de trouver un meilleur équilibre…

HASTA SIEMPRE CAMARADES !



02/05/2011
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