Zone libre

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Les mots me manquent

Une fois n’est pas coutume, je vais tenter de résumer l’état d’esprit des plus étrange qui m’habite à l’heure actuelle.

J’ai depuis quelques années entrepris divers travaux créatifs dont la finalité autant que les moyens employés pour l’atteindre varient lamentablement avec le temps.

Je dis bien « lamentablement », et c’est malheureusement à bon escient, je me disperse trop. Si l’on veut résumer la chose à sa partie congrue je dirais qu’il y a trois sujets sur lesquels je travaille depuis que j’ai une conscience. Le premier est l’amour. Pas l’amour des sucreries hollywoodiennes, non, l’amour dans son ensemble. La recherche de l’être aimé, les doutes qui affluent lorsque l’on pense qu’on l’a rencontré, les douleurs et les déceptions qui en découlent. Puis enfin la construction avec l’autre, l’incroyable pouvoir des sentiments qui permettent d’être soi-même, de s’accepter, d’être aimable au bout du compte, tout simplement. Le second sujet, encore incroyablement égocentré, est la toxicomanie. Ou plutôt, les toxicomanies. Voire les poly toxicomanies tant qu’on y est, là où y’a de la gêne y’a pas de plaisir comme dit si bien le dicton populaire. Il va de soi que mon expérience personnelle est un terreau magnifique pour raconter cela. Toutes ces années passées dans le caniveau de l’humanité j’ai parfois tenté de les vivre comme un ethnologue étudiant un terrain hostile, inconnu et peuplé d’êtres sauvages et fascinant. Quand on gratte un petit peu on se rend compte que l’amour tel que je l’entends dans cet exposé et la toxicomanie sont invariablement liés. (Il me semble avoir déjà écrit cela il y’a bien longtemps. Ou peut-être l’ai-je simplement rêvé ou alors cela est consigné dans un des innombrables brouillons qui après ma mort permettront certainement de retracer avec une précision diabolique chaque jour de ma vie. Peu importe, et mes excuses à qui serait agacé par la redondance du propos). Ils sont liés car la toxicomanie n’est pas simplement un piège dans lequel les plus faibles peuvent tomber. Il n’existe pas de toxicomane qui n’ait pas une carence affective significative. Quoi qu’on me dise, quelque exemple que l’on puisse m’apporter, je mets au défi l’humanité entière de me démontrer que le contraire existe. Cette prise de position peut paraître arrogante mais pour le coup j’ai passé une vie entière à théoriser l’oubli, la recherche de soulagement, de réconfort ou même de plaisir et près de 20 ans à mettre en pratique les différentes manières d’y arriver.

Aucune ne fonctionne mais le sujet du jour n’est pas là, pour le coup je veux simplement exprimer le fait que ces deux grands sujets sont invariablement et inextricablement imbriqués l’un dans l’autre.

Le troisième grand axe de travail sur lequel je m’échine à exciter mes neurones est la politique. Tout le spectre, aussi large soit-il, de la politique. De la réunion militante aux considérations géopolitiques les plus nobles. De la médiocrité de Sarkozy à l’intelligence d’Obama. Ce dernier, soit-dit en passant a réussi un véritable coup de force cette nuit lors de son discours sur l’état de l’union. Alors qu’on le disait laminé par le résultat des élections de mi-mandat mais, comme le soulignait Bernard Guetta dans sa chronique matinale, le président des Etats-Unis a de nouveau fait preuve de « Hauteur de vue, bon sens et clarté ».

Ça fait rêver d’entendre ces mots associés à un président de la république non ? Moi en tout cas ça me fait très envie et lorsque je constate non sans une certaine amertume le fossé qui sépare le beauf à gourmette qui loge à l’Elysée et monsieur Barack Obama, je me ressers un Ricard…

Lorsque je lis les différents scenarii, plans de romans, essais terminés ou non, croquis, gravures et autres poèmes que j’accumule depuis les deux dernières décennies il n’en est pas un qui ne rentre dans une de ces trois catégories.  Même lorsque je tente des choses plus légères, plus amusantes ou distrayantes, je ne peux parler d’autre chose que de cela.

Alors il va de soi que dans la case « politique » on peut mettre un paquet de choses. Lorsque j’écris une histoire sur la cohabitation compliquée entre deux codétenus au sein d’une misérable cellule de garde à vue, je parle de politique. Ben oui, ce qui est intéressant est de comprendre les mécanismes humains qui nous animent, les raisons qui font qu’une société se doit de punir ses citoyens, il en découle invariablement une réflexion sur l’histoire de la prison et de la manière dont les châtiments ont évolués au cours des âges (à ce sujet il faut semble-t-il lire « Surveiller et Punir » de Michel Foucault, je ne l’ai pas lu mais Constance l’a terminé et il se trouve sur ma liste d’ouvrages à vite entreprendre d’étudier…). Cela amène également à se questionner sur les raisons qui font que le lien social entre les individus perdure malgré les coups de boutoir que le dit tissu social subit depuis des années. En bref, d’un sujet plutôt banal il est toujours intéressant d’en ressortir tout un tas d’hypothèses, plus ou moins bien fondées, mais qui ont le mérite phénoménal de pousser à la réflexion. Substantifique moelle d’une existence intellectuelle correcte, voire banale.

Chacun d’entre nous a été confronté à l’angoisse de la page blanche. Que ça soit en voulant peindre, dessiner, écrire, résoudre un problème de physique quantique, rédiger une dissertation sur le bonheur ou le travail (je n’ai plus que des souvenirs brumeux de mes cours de philo mais je me souviens que ces deux sujets revenaient fort souvent) etc.

C’est effectivement assez angoissant.

Depuis le début de la grossesse de Constance, plus de 6 mois désormais, les différents mécanismes me permettant d’accéder à un quelconque processus créatif ont tous, ou quasiment, été remis en question. J’ai écrit une seule et unique chanson, et gribouillé si peu de poèmes qu’il est inutile d’en parler. J’ai cherché un moment à avancer sur un de mes projets que j’appelle « au long cours », c’est-à-dire une matrice suffisamment riche pour être ensuite travaillée soit comme un livre, soit comme une bande-dessinée, soit comme une suite d’essais, voire comme un scénario selon la tournure que prend la chose. Que je sois un formidable fainéant n’est pas un scoop. Ça me permet d’ailleurs de ne jamais terminer ce genre de travaux, ce qui quelque part me rassure un peu mais on entre dans ma psyché la plus intime et vous permettrez que je garde la primeur de ces interrogations à mon psychiatre favori. Et ça n’est pas qu’une question d’argent…Non, le problème présent n’est pas la flemme d’avancer, mais bel et bien le manque flagrant d’inspiration. A l’heure actuelle écrire une phrase cohérente me demande un effort dantesque, j’imagine que vous l’avez remarqué d’ailleurs vous qui lisez ces quelques lignes. La forme est un calvaire, je ne vous parle même pas du fond…je suis sec, tout sec sans inspiration.

Faut dire que l’arrivée prochaine de notre petit bonhomme bouleverse déjà nos vies et ce pour notre plus grand bonheur, c’est évident. Néanmoins ai-je envie de raconter le sordide des cages d’escalier, le crack et les odeurs de pisse ? Ai-je le courage de parler de la douleur, du manque, de la complexité des rapports avec soi, avec l’autre, dès lors que la composante came entre dans la ronde ?

Je crois que j’en ai envie, bien entendu j’ambitionne toujours de réussir à sortir un jour quelque chose qui pourrait me satisfaire et qui raconterait ces histoires, mais malgré cela je ne me sens pas capable de m’y atteler à l’heure actuelle. Comme si j’avais la sensation de salir cet enfant à venir. Je sais que c’est ridicule et que ça n’a aucun sens, mais pourtant je compte bien dénouer ce problème là encore avec mon psy…j’en garde pour lui, ne vous vexez pas, mais il faut dire que sinon on se regarde en chien de faïence en scrutant la trotteuse de la pendule espérant secrètement qu’elle se mette à s’emballer  frénétiquement. Or au prix de la séance ça me fait un peu mal au cul ! On revient une fois de plus au pognon, veuillez m’en excuser.

Ces projets-là sont donc dans leurs cartons et ne ressortiront que lorsque mon petit sera né et certainement qu’il aura déjà une certaine autonomie et que nous sortirons de la période nuit blanche et découverte.

Ce manque d’inspiration est tellement flagrant que j’ai cessé de me battre contre, d’ailleurs il n’est pas possible de la forcer cette putain d’inspiration. Enfin chez moi en tout cas ça n’est pas possible. Ça vient ou ça ne vient pas, je ne connais pas la demi-mesure.

Concernant les dessins, c’est un peu mieux, c’est-à-dire que j’arrive à peu près à réaliser des choses qui me satisfassent, ce qui est le but en fait. Par contre je n’ai qu’un seul et unique sujet actuellement : la femme de ma vie ! C’est le plus beau des sujets c’est une évidence, mais il est bien isolé je trouve. Parfois j’entame autre chose et au bout de quelques minutes je réalise que je n’ai pas du tout envie de dessiner cette autre chose, alors je gomme tout et je dessine ma douce…ça peut sembler virer à l’obsession, ça n’est que de l’amour.

Il me reste donc ce blog, ou je peux allègrement m’épancher et parler politique et géopolitique.

Ça j’adore et ça n’est pas un problème d’inspiration mais plus de temps et d’acuité analytique (fallait le placer ça « acuité analytique », j’en suis pas peu fier !!). Mais le monde va à une vitesse en ce moment…Pfff je n’arrive pas à suivre. J’ai entamé une petite dizaine d’articles sur la révolution Tunisienne, aucun ne verra le jour selon toute vraisemblance. Ben ouais ça bouge tellement et surtout je n’ai pas le temps de proposer un travail honnête, donc je ne le fais pas. Parler des faits tels qu’on les connait tous est une base intéressante, mais ce qui est important selon moi est d’en tirer une analyse approfondie, de chercher à enrichir notre approche de la notion de révolution. Mais pour cela il faut non seulement effectuer un travail de recherche mais de surcroit avoir le temps d’écrire et de corriger…il faut savoir que 90% des articles mis en lignes ici ne sont que relus et très rarement retouchés, sauf parfois ceux qui parlent, donc, de géopolitique et de politique.

Dans le champ de ce que je nomme « politique » et qui englobe les sujets sur lesquels j’ambitionne d’écrire, se trouve l’histoire de la seconde guerre mondiale et celle de la Shoah. Elles sont intrinsèquement liées bien évidemment mais toutefois ce sont deux choses bien distinctes.

Ça fait quelques temps que je laisse courir ma réflexion le long de cette période historique dans le but d’écrire un roman ayant pour toile de fond la nuit de cristal (Nuit du 9 au 10 Novembre 1938). Je crois qu’il y a deux raisons principales qui animent ce désir. La première est la volonté de comprendre comment le fanatisme peut prendre forme et engendrer la folie et le mal absolu. Friedrich Nietzsche disait « Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée aux faibles et aux timides ». Cette citation est le point de départ de mes réflexions concernant le nazisme, forme la plus aboutie de la barbarie moderne portée par un flot de fanatiques constituant une horde terrifiante qui m’obsède et que je dois absolument exorciser d’une façon ou d’une autre, et ce pour mon plus simple équilibre psychique. La seconde raison est personnelle, familiale. Elle tient au fait que ma grand-mère, juive Polonaise, a dû s’extirper du ghetto de Varsovie, et bien que n’étant pas Allemande lors de la nuit de cristal, elle en subit évidemment les conséquences.

Un jour j’arriverai à raconter ce pan de l’histoire de l’humanité du bout de ma lorgnette, à l’heure actuelle je ne peux pas.

Et pourtant les deux livres que je suis en train de lire actuellement sont « 1984 » de George Orwell, et la biographie d’Hermann Goering par François Kersaudy. C’est dire si je suis dans le bain pour parler totalitarisme et fanatisme.

Mais pourtant, un peu pour les mêmes raisons que la came, je ne me sens pas la force de parler de ça. Du moins comme je le voudrais.

Je crois que j’ai peur d’effrayer mon enfant avec mes obsessions qui peuvent sembler morbides de l’extérieur. S’il est évident qu’il connaitra son histoire, donc cette mère (la mienne) décédée lorsque j’étais encore un jeune enfant, cette grand-mère qui nia son judaïsme au point de me pousser bien malgré elle dans les bras de glauques rabbins lorsque j’avais 17 ans et que je cherchais à comprendre mon histoire, je trouverais les mots et les moments pour lui dire ça. Comment devrais-je lui parler de ma période toxico ? Je l’ignore.

Constance m’a dit très justement il y’a peu « Tu ne pourras pas lui dire que tu as un trou de 15 ans dans ta vie sans expliquer quoi que ce soit ». Elle a raison. Indéniablement raison.

Lorsque je considère ma famille à moi je réalise que d’une part on ne parle pas des morts, ce qui est con car s’il y’a une morte dont j’aimerais tout savoir c’est bien ma mère, mais passons. Et d’autre part on ne parle pas beaucoup plus des vivants. Pour Constance il est évident que connaitre son histoire est indispensable à la construction. Je réalise que je ne connais pas la vie de mon père. J’ignore quels furent ses joies avant d’être père, quels furent ses rêves…quelle fut sa vie tout simplement.

Un jour il partira et moi je n’aurais jamais su qui est ce père que pourtant j’admire et j’aime sans retenue.

Je fais la promesse que mon fils me connaitra et que même s’il me sera parfois compliqué d’aborder des sujets hautement sensibles concernant mon histoire, donc une part de la sienne, je le ferai.

Sans hésiter.

Ben oui, en ce moment il m’est compliqué de me concentrer sur autre chose que lui et sa maman. Je crois bien que ce moment va durer une vie entière…pour mon plus grand bonheur.

J’imagine qu’un jour je me remettrais à travailler sur mes histoires de camés en rédemption, de nazis hystériques, de courage et de peur…je le sais, plus que je ne l’imagine.

A l’heure actuelle c’est à mon fils que je pense. C’est à Constance. C’est même à moi…c’est vous dire !

Et je n’ai pas envie de me sentir souillé par autre chose. Je profite de chaque instant qui sépare maintenant de ce jour magique ou je pourrais le prendre dans mes bras.

En vous souhaitant une excellente journée…
HASTA SIEMPRE !



26/01/2011
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