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Le prix à payer...Suite et certainement pas fin !

En relisant quelques vieux articles j'ai réalisé que s'exprimer avec emphase et grandiloquence, outre que c'était souvent lourdingue, desservait plus que l'inverse le propos généralement exprimé. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, c'est un fait. Finalement je pense que je suis passé à côté de certaines choses que j'avais besoin ou envie de dire en les emberlificotant autour de structures de phrases tordues, lourdes et au sein desquelles il est aisé de s'égarer. C'est dommage. Mais mieux vaut tard que jamais et j'ai donc décidé d'essayer de faire un effort.

Je dis bien essayer….Je me prends pour un philosophe ou un sociologue parfois et sur le moment je suis persuadé que mon propos est sinon brillant du moins intellectuellement structuré ! En fait j'enfonce porte ouverte sur porte ouverte, je ne dis rien qui ne soit déjà su et je n'apporte jamais un regard neuf ou différent. Une autre lecture en quelque sorte.

C'est l'heure de l'autocritique camarades ! Comme au temps des grandes purges Staliniennes ou Maoïstes ! Ou comme ce qui se passe au sein des locaux du ministère de l'amour…Ben oui encore « 1984 », je n'y peux rien ce livre me fascine.  Pour les quelques malheureux qui ne l'auraient pas lu, le ministère de l'amour est l'endroit duquel on ne ressort que pour avouer en public l'ensemble des crimes dont on est accusé, et bien d'autres encore. Le lieu où les pires tortures sont commises dans le seul but d'arracher des aveux et duquel on ne sort que pour mourir. En Tunisie il y a encore peu de temps on appelait ce lieu un commissariat.

« 1984 », écrit en 1948, peut être abordé selon plusieurs angles de lecture. Mais surtout les époques auxquelles on lit ce livre évoluant, il en devient fascinant d'acuité…c'en est absolument effrayant. Ce qui est d'ailleurs le plus glaçant dans cet ouvrage, c'est qu'il est très en deçà de la réalité. Du moins en ce qui concerne la capacité de l'oppresseur à observer et disséquer nos vies quotidiennes. Il va de soi que je ne compare pas le régime décrit dans le bouquin avec celui sous lequel on vit en France en 2011. Je ne suis pas totalement con. Pas encore. Par contre les moyens décrits pour que le pouvoir garde « un œil » permanent sur chacun, ce fameux regard hypnotique au-dessus de l'épaisse et noire moustache, sous-titré du non moins fameux « Big Brother is watching you ! », sont d'un archaïsme touchant. En effet, un système de télévision dont le flux entre et sort, nommé le télécran, permet d'imposer ce que l'on doit regarder et écouter tout en espionnant celui qui fait face à l'écran. Les téléphones sont sur écoute, et le reste de la surveillance est opérée par des miliciens, des espions, des agents à la solde du parti….bref des humains. En 1948, malgré tout le génie visionnaire dont fait preuve Orwell, il base son système sur des méthodes connues. Et la police politique était encore ce qui se faisait de mieux pour surveiller une population civile. Il n'a pas vu l'avènement du numérique et d'Internet, et loin de moi l'idée de l'en blâmer ou de lui reprocher quoi que ce soit. D'ailleurs il s'en bat l'œil de mes remarques il est cané depuis 60 ans le gus !!

Le téléphone portable, les caméras de surveillance, le GPS, les cartes à puce, les réseaux câblés sont autant de moyens d'espionner chacun de nos faits et gestes. Même le nouveau compteur d'EDF, nommé Linky, peut remonter des informations comme, par exemple, quel appareil fut branché et à quelle heure. Il est possible de savoir l'heure de ton bain camarade ! Celle où ton lave-vaisselle se met en route, à quelle heure tu es couché et si réellement tu dors…tiens, ça c'est pareil que dans le livre. Etrange.

Je ne hurle pas avec les loups, il ne faut pas se tromper. Je ne crie pas au complot, au fait qu'une utilisation malintentionnée ne soit faite de tous ces potentiels moyens de coercition. Mais il est impératif d'en reconnaître leur dangerosité et l'extrême vigilance avec laquelle il faut laisser les autorités les utiliser.

Tout se met en place pour permettre l'oppression. Tout est déjà en place d'ailleurs, et ça va bien au-delà de simples caméras, ou de sniffers d'adresse IP. Nous avons déjà renoncé à quelques libertés individuelles au nom de la sécurité. Accepter que des caméras soient présentes à l'entrée des banques n'est certainement pas scandaleux. Mais qu'elles viennent fleurir la voie publique est autrement problématique. Les vidéos ne sont conservées que 24 heures ? Personne ne les regardera ? C'est uniquement pour nous protéger ? Dois-je vraiment ajouter « Et mon cul c'est du poulet ? » ou bien le simple fait qu'ils énoncent ces faits comme des privilèges qu'ils pourraient très facilement nous retirer si on ne se tient pas à carreau est suffisant ? Dans le doute je m'abstiens…

On me dit parfois que si je suis contre la surveillance des citoyens c'est que j'ai quelque chose à cacher, et donc que ça serait utile pour me démasquer ou alors me faire rentrer dans le droit chemin.

Bravo, quelle belle argumentation ! D'une part qui n'a rien à se reprocher ? Et d'autre part, qu'est-ce donc que ces choses qu'on aurait à se reprocher ?

Enlever un enfant, tuer un être humain, vendre du crack à la sortie des écoles, voilà des choses qui ne sont pas acceptables pour une société civilisée. Mais n'était-ce pas le cas avant l'avènement du tout sécuritaire ? Bien évidemment que si. Les caméras de surveillance permettront-elles d'empêcher des enlèvements d'enfants ? J'en doute, mais quand bien même admettons que ça soit le cas, le prix à payer est, me semble-t-il, bien trop élevé.

Prévenir la délinquance est une chose, fliquer une population entière en est une autre. Et puis quelle image nos dirigeants nous renvoient de nous-mêmes, sinon celle d'un peuple incapable de discerner le bien du mal, composé de potentiels délinquants risquant de déstabiliser la démocratie et que donc il faut surveiller comme le lait sur le feu. C'est très humiliant quand on y pense. Infantilisant, dégradant et humiliant…

Je ne vois aucune prévention de la délinquance dans le fait de recevoir un courrier t'admonestant de cesser tes téléchargements illégaux sinon ça ne va pas aller ! Je n'y vois qu'une incursion incroyablement violente dans la vie privée. Je sais à quel point il est facile de tracer chacune des actions effectuées sur un ordinateur si tant est que celui-ci soit connecté à un réseau accessible. Chaque touche, chaque application, toutes les actions, absolument toutes, peuvent être connues et exploitées. Cela est su depuis toujours, néanmoins une sorte de consensus, de contrat de confiance implicite fait que le possible ne fait pas la réalité. Et donc nous utilisons des ordinateurs en ayant malgré tout suffisamment confiance pour regarder un porno, télécharger un jeu débile, écrire des brûlots profondément antisystème sans craindre d'être espionné ! Toutefois la crainte n'évitant pas le danger, il est désormais légal pour les autorités de surveiller nos actes. Cette haute autorité qui en a le pouvoir se nomme Hadopi. Tout simplement.

Le ver est dans le fruit. A partir du moment où surveiller l'activité d'un internaute est rendue légale pourquoi s'en priver ? Quelle sera la prochaine étape ? Ils couperont en direct les programmes illicites sur ton ordinateur ? Certainement…oui, très certainement. La censure de la source ne pouvant, moralement, pas s'opérer à découvert, il est néanmoins acquis, et c'est un fait qui m'est très mystérieux, que la censure peut s'opérer au niveau du destinataire de la source susnommée.

Ça m'est en effet très étrange et incompréhensible que l'on accepte ces régressions de nos libertés à mesure que nos moyens de communication augmentent si formidablement. Comme si le progrès nous terrifiait encore et qu'il fallait que l'on se protège de nous-mêmes, incapables que nous serions de nous discipliner suffisamment pour que la société puisse fonctionner harmonieusement.

Aujourd'hui la commission européenne est présidée par la Hongrie. En Hongrie une loi vient de passer concernant la liberté d'expression. Elle en restreint dramatiquement le champ. La censure est redevenue légale, chaque mot, chaque lettre, chaque dessin pourra se voir censuré et son auteur anéanti a coup d'amendes monumentales. Au règne de l'argent roi, la meilleure des armes reste l'amende….

Cette loi va totalement à l'encontre de la philosophie européenne. Quelques groupes politiques l'ont dénoncé. Les 27 ont demandé son annulation, elle sera amendée finalement mais dans quelle mesure ? Quel amendement la rendra acceptable ? A mon avis aucun, mais ainsi personne ne perd la face et l'oppression peut s'effectuer en toute tranquillité. Le plus dramatique étant l'apathie de la population Hongroise.

Quelle incroyable leçon de vitalité et de puissance populaire on reçoit chaque heure qui passe de la Tunisie et de l'Egypte. Je ne sais pas pour vous mais moi je suis un peu honteux de constater à quel point on laisse nos libertés être grignotées petit à petit, sans broncher.

J'avoue mon incompréhension ainsi que ma circonspection. La désobéissance civile devient une absolue nécessité au regard de ce qui se passe.

Comme je l'ai dit en préambule j'essaie d'être bref et concis, à défaut d'être brillant, au moins que les quelques idées simples que je veux développer le soient correctement. Néanmoins pour illustrer ce propos sur les restrictions de nos libertés il faudrait parler de la révolution industrielle, de la lutte des classes, de l'histoire de l'Europe et du monde….en bref il faudrait replacer l'ensemble dans un contexte plus vaste.

On essaiera de retracer, avec notre vision de 2011, l'histoire des deux derniers siècles, ceux qui ont définitivement changés la face du monde. On partira de la révolution industrielle et tenteront de comprendre les raisons qui font que les conséquences de cette révolution sont à l'exact opposé des objectifs annoncés plus ou moins consciemment ou clairement lors de son essor.

Pour vous mettre en appétit voici deux extraits tirés, donc, de « 1984 » de George Orwell. J'ai quelques tendances obsessionnelles que vous n'aurez certainement pas manqué de relever. Ces passages étant eux-mêmes tirés d'un livre fictif lu par le héros…une mise en abyme en quelque sorte.

Ces passages synthétisent en partie ce que je pense des buts du libéralisme économique ainsi que de l'obligation pour que les systèmes se maintiennent et que les inégalités soient acceptées, de maintenir en permanence un état dit de « guerre ». Aujourd'hui on l'appelle « insécurité », et si l'on est épié c'est pour nous protéger de cette insécurité…sentiment diffus et abscons s'il en est, en aucun cas quelque chose de tangible et de concret !

« Il était possible, sans aucun doute, d'imaginer une société dans laquelle la richesse dans le sens de possessions personnelles et de luxe serait également distribuée ; tandis que le savoir resterait entre les mains d'une petite caste privilégiée. Mais dans la pratique, une telle société ne pourrait demeurer longtemps stable. Si tous, en effet, jouissaient de la même façon de loisirs et de sécurité, la grande masse d'êtres humains qui est normalement abrutie par la pauvreté pourrait s'instruire et apprendre à réfléchir par elle-même, elle s'apercevrait alors tôt ou tard, que la minorité privilégiée n'a aucune raison d'être, et la balaierait. En résumé une société hiérarchisée n'était possible que sur la base de la pauvreté et de l'ignorance »

« C'est pourquoi, du point de vue des nouveaux groupes, qui étaient sur le point de s'emparer du pouvoir, l'égalité humaine n'était plus un idéal à poursuivre, mais un danger à éviter »

….sur ce bonne journée camarades !



01/02/2011
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