Zone libre

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Le prix à payer

Qu’il fleure bon le parfum de la liberté. Je ne sais pas si nous, occidentaux ultra-privilégiés, enfants de l’Europe en paix, issus de plusieurs générations de culture démocratique et d’une tradition républicaine fondamentale, sommes en état de savourer cette fragrance ?

Je pense que la liberté sent bon, d’où l’utilisation du terme « fragrance », alors que par exemple la corruption sent mauvais, on parlerait alors de « puanteur »…logique.

Donc sommes-nous capable de savourer la liberté ? Serions-nous capable de mourir pour elle ? Ces questions nos grands-parents ont pu avoir l’occasion d’y répondre. Certaines de ces réponses furent d’ailleurs sinon choquantes, au moins décevantes. Néanmoins il y eut des ressortissants français qui lors de la période d’occupation nazie se sont sacrifiés pour la liberté. Qui ont payé de leur vie ce qui nous semble si fortement ancré dans notre société.

En ce moment se passent des choses formidables dans le monde Arabe. La révolution Tunisienne, du « Jasmin », est un modèle du genre. Je crois bien que c’est même la première à avoir été entreprise selon ce protocole. En effet, point de combats, points de violence de la part des contestataires. Quel courage faut-il pour aller à la boucherie dans l’espoir que de cadavres en cadavres le pouvoir prendra peur et s’en ira, laissant la place aux forces démocratiques ? Je n’en sais rien…j’espère sincèrement ne jamais avoir à répondre à cette question.

En même temps, si une résistance active et violente s’était mise en place, il y a fort à parier que Ben Ali serait encore en place. L’argument massue du maintien de l’ordre aurait alors été, presque légitimement, avancé à l’opinion publique tunisienne ainsi qu’au monde entier.

Je suis incroyablement admiratif de ce qu’on fait les Tunisiens. Et puis je ne sais pas pour vous, mais j’ai trouvé que les tunisiens de la rue, ceux que les journalistes français interrogeaient, s’exprime bien mieux que les français dans ce qui est pourtant leur langue maternelle.

S’ils ont crié et chanté leur révolution, leur victoire sur l’oppresseur. Ils n’ont à aucun moment exprimé une rage incontrôlée, n’ont pas laissé transparaitre de panique, ou la peur du lendemain. C’était assez fascinant de constater à quel point cette révolution est la victoire de la civilisation sur la barbarie et la cruauté. L’humain vient à bout de la bête sans jamais jouer son jeu, c’est assez rare pour être signalé.

Il est évident que des lynchages eurent lieux, qu’une « chasse aux sorcières » traquant implacablement les membres du RCD est en marche, et qu’il va falloir composer avec l’armée afin d’assurer la transition.

Toutefois les exactions furent, semble-t-il, mineures. La colère fut vite submergée par la joie de la liberté. La simple liberté de dire, d’écrire, de parler…même pas de faire, non, simplement de penser.

Quel est donc ce fruit si enivrant qu’est la liberté ? Avons-nous digéré le nôtre au point d’en être rassasié ?

Vive la Tunisie, libre, démocratique et indépendante ! Lorsqu’en j’entends Rached Rannouchi, opposant historique et chef de file du parti islamiste tunisien déclarer qu’il n’est ni « Khomeiny ni Ben Laden », qu’il se définit lui-même comme proche de l’AKP Turque, j’avoue être rassuré. Oh je ne porte pas ces gens dans mon cœur, loin s’en faut, néanmoins il serait stupide de nier un droit fondamental qui est celui de pratiquer librement sa religion. La liberté n’est pas à géométrie variable, mais pour qu’elle soit viable il est indispensable que chacun joue le jeu.

Il semble que les islamistes tunisiens fassent partie des « modérés », soient des gens éclairés et qu’ils disent qu’ils ne reviendront en aucun cas sur la condition de la femme est un gage de bonne foi. La condition de la femme tunisienne est certainement ce qui se fait de plus avancé dans tout le monde musulman. Ces acquis doivent servir de socle à une constitution nouvelle, à une société nouvelle.

Ce qui se passe en Egypte est autrement plus complexe. Enfin complexe…compliqué plutôt, nuance.

En effet ça n’est pas si tortueux que ça, le monde entier retient son souffle les yeux rivés sur les militaires dans l’attente de leur choix. Autant l’armée Tunisienne était, de fait, structurellement un opposant naturel potentiel au régime policier de Ben Ali, autant l’armée Égyptienne fait partie du système en place en Égypte. Autre point important, la force des « frères musulmans », seul véritable parti d’opposition structuré et puissamment implanté à travers le pays. On ne parlera pas de l’influence de ce groupuscule salafiste sur l’ensemble des minables combattants de droits pseudo-divins qui grossissent les rangs des AQMI, Al-Qaïda ou autre Hezbollah, mais elle est importante.

Les islamistes égyptiens me foutent un peu plus les jetons que les tunisiens, vigilance est le maître-mot.  Néanmoins, comme en Tunisie, la tête des cortèges ne comporte pas de barbus, la rue n’est pas demandeuse d’une alternance vers un rigorisme religieux, je ne dis pas qu’ils ne tenteront pas de s’incruster ni de manipuler l’opinion, mais pour le moment le peuple ne semble pas être demandeur. Là aussi leur demande est « la liberté ». Au point où on en est d’ailleurs, on peut dire qu’ils exigent la liberté plus qu’ils ne la demandent. Et ils ont tellement raison…

Il suffit que l’armée lâche Moubarak pour qu’il s’en aille. Alors pourquoi ne le ferait-elle pas ?

La première raison que je vois est que depuis les accords de Camp David et la paix Israélo-Égyptienne, les USA versent chaque année un milliard de $ à l’armée Égyptienne afin qu’elle ne…se batte pas ! A fortiori contre Israël. Donc l’armée Égyptienne, dont l’image est très vertueuse au sein du peuple lui-même, est quelque part officiellement corrompue…mais au-delà de ça, quel est alors leur intérêt à vouloir un changement de régime ?

Il faut leur assurer un statut au moins équivalent si l’on veut qu’ils soient du bon côté du manche. Rien qu’à ce niveau les deux situations dans ces pays sont différentes, l’une étant bien plus compliquée à gérer que l’autre.

Hier soir on dinait chez les parents de Constance, sa mère revenait d’une mission de 3 semaines au Tchad. Lorsque je lui ai demandé comment ils ressentaient la révolution du Jasmin, elle m’a dit qu’ils étaient très excités par cela, que forcément ça leur donnait des idées et que leurs regards étaient focalisés sur la Libye. En effet Kadhafi est le grand soutien d’Idriss Deby et joue un rôle de stabilisateur régional qui n’est pas à nier, même s’il est à déplorer qu’une ordure pareille puisse le tenir….ce rôle !

Je crois que la situation Tunisienne est finalement celle qui était la plus propice à cette révolution « propre ». Il est excellent pour la suite qu’il fût le premier pays à renverser ainsi son régime.

Les autres pays de la région, vivants sous le joug d’infâmes potentats et autocraties inhumaines et hautement liberticides, se sentent pousser des ailes dans le dos. Et, fait nouveau, n’appelle pas à l’aide les pays occidentaux. Pas plus qu’elle ne les honnit dans les cortèges. Il semble qu’il a fallu 50 ans pour que les pays anciennement colonisés ne le soient vraiment plus du tout…

Ici, chez nous en Europe,  on ne sait plus vraiment ce que la liberté signifie. Et finalement c’est heureux qu’elle soit naturellement entrée dans nos mœurs, nos esprits et qu’il nous parait impossible de vivre sans elle. Néanmoins lorsque je lis que 25% de la population française se dit en accord avec les idées de Marine Le Pen. Lorsque je constate que nous sommes prêts à renoncer à certaines libertés individuelles pour parer à une hypothétique menace qui viendrait d’on ne sait où mais qui porterait vraisemblablement une barbe, et bien je me pose la question de savoir quel avenir pour nos libertés fondamentales ?

Avons-nous conscience du trésor que l’on a entre les mains et qu’il nous faut chaque jour défendre ardemment et sans état d’âme ? J’en doute.

Mais j’ai bon espoir que d’assister aux évènements magnifiques qui sont en train de se dérouler aux portes de l’Europe nous fera prendre conscience que la liberté a un prix. Ne le laissons pas monter trop haut, il arrivera un moment où nous n’aurons plus les moyens de nous l’offrir.

HASTA SIEMPRE

Bonne journée



31/01/2011
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