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La justice et la plèbe

Qu'est-ce que la justice ?
Ouais je sais c'est violent comme question comme ça, à même le lundi matin où, l'œil torve, un minable filet de bave s'échappant de la lèvre inférieure pour aller s'échouer lamentablement sur un menton criblé de poils de barbes, on tente laborieusement de trouver les raisons suffisantes pour se lever et aller bosser alors que la couche tiède et fort bien fréquentée dans laquelle le weekend pris fin n'a jamais été aussi accueillante !
Le lundi c'est pourri on est à peu près tous d'accord sur ce point. Bon en même temps certains sont mieux lotis que d'autres et je crois bien que j'en fais partie…passons.

Donc ce matin je me pose la question de la justice. Cette tentative de réflexion m'est venue non pas depuis que l'on a supprimé un certain Oussamah Ben L (par respect de son intimité et celle de sa famille je ne dévoilerai pas le nom de cette individu), et pourtant je dois bien admettre que la dite réflexion fut, si ce n'est boostée par cet évènement, au moins enrichie par ce que j'ai lu et entendu ici ou là. Non ce questionnement à attrait un sujet qui pour bien des raisons me tient à cœur, à savoir le parcours de Bertrand Cantat.
Si l'on prend son dictionnaire, selon l'ouvrage, on trouve une multitude de définition et surtout de sens pour le terme JUSTICE.  Par exemple une « capacité à rendre le droit ». Ou bien encore « caractère de ce qui est juste ». On peut également trouver une définition plus philosophique du mot : « La justice est un principe philosophique et moral fondamental signifiant que les actions humaines doivent être sanctionnées ou récompensées en fonction de leur mérite au regard du droit, de la morale et autres sources prescriptives de comportements ». Pour terminer une des phrases qui me plait le plus concernant ce vaste concept de justice est : « La justice est un fondement de la vie sociale et de la civilisation ».
Avec ça on est paré !!
Je ne suis pas juriste, je n'ai aucune connaissance technique de la justice et c'est donc en tant que citoyen lambda que je me pose cette question. Depuis une semaine on entend à tout va que « Justice est faite » suite à la neutralisation (comment ça je pratique la langue de bois ?? ») du monsieur cité plus haut. Pas Cantat, l'autre...Je persiste à dire que l'expression est fausse et qu'il ne fut en aucun cas question de justice dans cette affaire. Attention, je ne m'en plains pas, du moins pas sur le principe, mais par contre je réfute totalement l'idée qu'une exécution soit juste. La vengeance oui, la justice non. Que les américains puissent penser ainsi est peut être choquant mais plutôt compréhensible. En effet si la justice est un fondement de la société, la vengeance est une composante importante de la société américaine. Au 19ème siècle on pendait les hors-la-loi haut et court en arguant de rendre la justice. Bon, on pourrait débattre du bien-fondé ou de la monstruosité de la chose mais ça n'est pas ce qui nous intéresse aujourd'hui, donc nous nous arrêterons là sur l'analyse du système de valeur en vigueur aux USA.
Ce qui est vraiment choquant dans cette histoire est que les dirigeants français reprennent à leur compte l'expression « Justice est faite » ! Ou pire, qu'il faille se réjouir de la mort du salopard…étrange conception de la justice et du droit. J'entends fréquemment que sous prétexte que Ben Laden ne respectait pas le droit il n'y a aucune raison de ne pas faire de même. L'argument est fallacieux et irrecevable. La justice n'est pas la loi du talion, et l'apanage des sociétés civilisées est justement de ne jamais oublier ceci. Al Quaida a déclaré la guerre à l'occident, ce qui soit dit en passant est assez con et ne veut pas dire grand-chose, et de fait les victimes de part et d'autres peuvent être considérées comme des dommages collatéraux. Les GI'S ont trouvé Ben Laden et l'ont abattu, c'est un acte de guerre, personne n'a grand-chose à y redire à ça mais de justice il n'y a point !

En France la peine de mort est abolie depuis 30 ans, ce fut une avancée majeure de notre civilisation, c'est pourquoi entendre les garants de notre constitution jouer avec les mots de manière aussi inconséquente et irresponsable est dangereuse.
En effet ce type de comportements va concourir à un glissement des esprits dont personne ne peut aujourd'hui mesurer les conséquences. Un récent sondage indiquait qu'environ 67% des français étaient pour la peine de mort. C'est effroyable quand on y pense, et surtout bien triste. C'est-à-dire que la pédagogie nécessaire pour expliquer les raisons de cette abolition en 1981 ne fut pas à la hauteur. Ou bien insuffisante, quoi qu'il en soit que tant de gens ne réalisent pas en quoi ne plus tuer des gens par décision de justice est une réelle et solide avancée du droit, de la démocratie et de la civilisation me navre autant que m'afflige.
L'autre jour dans le métro alors que je lisais « La destruction des juifs d'Europe Volume 1 », je fus pris à partie par deux lascars qui me lançaient haineusement des « sale youpin » et autre « on va les fumer les juifs ! ». Une fois la colère passée, je fus saisi d'une profonde tristesse. Et j'en ai conclu qu'on ne peut pas agiter sans cesse les pires sentiments, les plus vils et abjects instincts à des fins électorales sans qu'il y ait des conséquences sur la vie de tous les jours. C'est en cela que je les trouve dangereusement irresponsables. D'ailleurs les commentaires qui fleurissent sur la toile et consécutifs de l'énorme boulette de Strauss-Kahn qui se fait photographier sortant d'une Porsche, énoncent en majorité l'axiome suivant « Juif=Argent ». L'histoire est un éternel recommencement…
Lorsque Guaino déclare, suite à un drame atroce dans lequel un chauffard ivre faucha la vie d'une jeune mère de famille et de sa fille de 4 ans, que le coupable ne doit jamais sortir de prison, on s'enfonce encore un peu plus dans une logique de vengeance totalement opposée à celle de justice.
Le code pénal prévoit des peines pour ce genre de délits (crimes ? J'en sais rien je vous l'ai dit je ne suis pas juriste…), il est fondamental de s'appuyer là-dessus, ça n'est pas à la discrétion d'un seul homme que se décident les peines de prison ou les sanctions à appliquer et fort heureusement !
Toutefois déclarer ça revient à flatter les cons qui ne croient plus en la justice. Ou bien qui n'y croient pas tout simplement.
Que le droit soit défaillant, qu'il faille le réformer, pourquoi pas. Mais ça n'est pas le sujet en fait. Et se permettre de dire de telles choses a des conséquences directes sur les comportements populaires.

Une fois que ce chauffard aura purgé sa peine il sortira, hors si un dirigeant déclare que cette peine n'est pas suffisante n'est-ce pas donner un blanc-seing à quiconque désire se faire justice lui-même ? Ben monsieur le président je l'ai tué car il n'avait pas fait assez de prison, il devait payer plus, c'est Guaino qui l'a dit !! Je suis couvert !
Inconséquence malsaine quand tu nous tiens.
La justice est un concept complexe qui demande de garder la tête froide et d'avoir du recul, un certain détachement vis-à-vis des faits. Et ça n'est pas un manque d'empathie, non, simplement une manière de sanctionner justement. De rendre justice.

Comment sont définies les durées d'emprisonnement à mettre en face d'un crime ou d'un délit ? J'ignore le processus de création, par contre j'ai ma définition de ce qu'est une peine de prison. Tout d'abord elle est bien entendu une sanction. Jusque-là on est d'accord. Mais ça n'est pas que ça. La durée d'une peine de prison correspond au temps défini par la société pour que celui qui la purge soit théoriquement apte à se réinsérer. Elle exprime le temps nécessaire pour que d'une part le coupable paie pour sa faute et d'autre part le temps qu'il faut à la société pour accepter de nouveau de compter cette personne parmi elle.
Parler de Bertrand Cantat n'est pas chose aisée pour moi. En effet il fut celui qui me donna envie de gribouiller des poèmes pour en faire des chansons, Noir Désir a été LE groupe de mon adolescence. J'ai de fait une estime particulière pour le talent de Cantat. Néanmoins si j'en parle ce matin c'est pour exprimer des faits que je trouve problématique dans une société soi-disant évoluée et humaniste.
On connait tous l'histoire de Vilnius, pas besoin d'y revenir. Donc Cantat a été condamné à 8 ans de prison. Certains argueront que c'est trop peu, d'autres que c'est trop, mais jusqu'à présent cela correspond au prix qu'estime la société nécessaire de payer pour le crime commis.
Ma première question est : s'il avait été plus lourdement condamné les choses seraient-elles identiques aujourd'hui ? Quelles sont ces choses ?
Je vais tenter de faire court : depuis sa sortie de prison il s'est produit une fois sur scène, près de Bordeaux en compagnie d'un groupe ami (Eiffel), et a travaillé sur un certain nombre de projets musicaux. Toutefois le voilà personæ non grata où qu'il aille. Canada, Avignon et désormais Barcelone ont mis une telle pression au créateur du spectacle auquel participe Cantat qu'il lui est impossible de se produire.
Il faut savoir que depuis qu'il est adolescent Cantat ne fait que de la musique. C'est sa vie, c'est là où il s'exprime et plus prosaïquement encore, c'est son métier ! Or le voilà interdit de faire son métier…c'est gênant.
Que l'on soit scandalisé par le fait qu'il se produise sur scène peut se comprendre, et chacun est libre de penser ce qu'il veut, mais ce qui se passe actuellement s'apparente à une sorte de lynchage. La vindicte populaire plus forte que la justice.
Bertrand Cantat a payé. D'aucuns diront qu'il n'a pas assez payé, c'est leur opinion, néanmoins si l'on se base sur le droit il a payé. Il a purgé sa peine et selon les principes philosophiques de la justice il a le droit de se réinsérer, la société se doit de lui faire une place. Toutefois le voilà condamné à une double-peine, à un exil d'un nouveau genre.
Il faut libérer Bertrand Cantat, que l'on soit d'accord ou non avec la décision de justice, nous devons nous y conformer. Il n'est pas à l'honneur d'un pays qui se veut de droit de laisser la plèbe revenir sur la justice.  Or c'est ce qui se passe à l'heure actuelle. Ce type qui ne sait probablement gagner sa vie qu'en exerçant son métier ne peut pas le faire, il en est empêché par la pression de la rue.
Qu'il agace, qu'il choque, qu'il écœure, qu'il génère quelque sentiment que ça soit il est en droit désormais d'exercer son métier.
J'entends déjà les « Mais musicien c'est pas un métier ! ». Et bien si, c'en est un. C'est aussi un art, une passion, une obsession et bien d'autres choses encore, mais c'est un métier.
Sans porter de jugement de valeur sur l'homme, son œuvre, ses choix il me semble qu'il est temps désormais que l'on se conforme à la décision de la justice, qu'on respecte la justice tout simplement !
Pour ma part je trouve que la reprise de Baschung par Noir Désir, « Aucun express », est une merveille bien que je ne trouve pas très malin qu'ils aient choisi un texte dans lequel il est répété « Je me suis emporté » en référence à une femme…mais bon, on peut en débattre sainement sans empêcher ce garçon de se reconstruire.
Il est normal que quiconque ait payé son dû à la société puisse se reconstruire, il est temps qu'on laisse cette possibilité à Cantat.
On peut d'ailleurs se poser la question suivante : Si Bertrand Cantat avait été plombier, serait-il aujourd'hui empêché d'exercer son activité ?
La réponse est bien évidemment non. Alors j'admets que si c'est un métier que de se produire sur scène, il est particulier. Et les avantages comme les inconvénients sont bien différents d'un tas de jobs qu'on peut qualifier de « classiques ».
Il est plus que temps de laisser cet homme pratiquer son art et exercer son métier. Au-delà même des amateurs qui apprécient ce qu'il fait et dont je fais partie, il serait bon pour tout le monde qu'on respecte la justice autant que l'homme Bertrand Cantat.

Hasta Siempre camarades !!!



09/05/2011
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