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La colère, cette encombrante amie...

D'aussi loin que me portent mes souvenirs la colère est une sensation qui a une part prépondérante dans ma psyché….et par voie de conséquence, dans ma vie !
Il semblerait que je ne sois pas né en colère, du moins d'après ce que certains peuvent en dire.

Depuis qu'Alexis est né il nous arrive, sa maman et moi, de questionner nos géniteurs respectifs afin de comparer une action, un comportement, une attitude entre notre petit bonhomme et nous-mêmes.
Constance obtient souvent des réponses, ce qui semble finalement être assez normal. Quant à moi il n'est personne pour être capable de me fournir les fameuses réponses. Celui qui devrait savoir, mon père, répond invariablement « Je ne sais plus » lorsqu'on lui pose des questions sur ma petite enfance.
Je dis « On » car je ne demande jamais rien me concernant. Je n'ose pas. Comme si je n'avais pas la légitimité pour connaitre mon histoire….je sais que c'est con mais que voulez-vous, on vit chacun avec nos nœuds plus ou moins serrés au fond du bide et cela n'a que rarement à voir avec la raison ou quoi que ce soit de rationnel !
Je sais que j'ai le droit de savoir qui était ma mère et qui je suis finalement, mais je n'ose le demander de peur de déranger, de gêner….comme si j'allais leur voler leurs souvenirs eux qui en ont vraiment ! Eux qui ont vécu avec elle, qui l'ont connu, qui l'ont aimé. Ils ont des souvenirs que je n'ai pas, souvent je les envie.

J'ai bien l'impression que cette colère démarre à partir du moment où j'ai la sensation qu'on me met de côté de ma propre vie. Et cette colère atteint son paroxysme lorsqu'on m'accuse d'être responsable de la mort de ma mère par le truchement de ma propre naissance !

Ce jour-là l'absurdité et la méchanceté des hommes m'ont éclatés au visage et sont restés gravés à jamais dans ma mémoire. J'avais 3 ans.
De cette colère j'en ai fait des dessins. Noirs, glauques, terrifiants, ils étaient autant de cris silencieux…ils ne furent jamais compris.
Une fois de plus mes sentiments étaient niés, une fois de plus mes actions étaient maladroites, une fois de plus je me sentais coupable d'avoir tenté de dire mais de l'avoir si mal fait que la souffrance de l'acte créatif l'emportait sur le soulagement du résultat.
Alors un jour j'ai cessé de montrer ce que je faisais durant ces heures, ces jours, enfermé dans ma chambre qui n'avait d'enfant que le nom et les jouets qui la remplissaient.
Avoir été confronté à la maladie, à la mort, à la bassesse des adultes en étant si jeune a détruit à jamais mon innocence.
Dès le départ quelque chose a merdé, la suite ne fut que la continuité de ce traumatisme…et j'en ressens toujours les répliques régulièrement.

J'avais cru que l'arrivée de Constance puis celle d'Alexis allait enfin apaiser cette rage destructrice, assécher cet océan de violence et être enfin serein….

Cela fut le cas, indéniablement. Durant la grossesse de Constance et les premiers mois de vie d'Alexis je me suis oublié, je me suis moi aussi nié comme ils l'ont fait si souvent.
Je n'en mesurais pas les conséquences….et je paie l'addition aujourd'hui.

La volonté d'être meilleur, d'être irréprochable, d'être infaillible doit être un sentiment que beaucoup d'entre nous partageons. Certes rien d’infamant à se vouloir meilleur, si ce n'est que c'est une utopie impossible à tenir.

Lorsque j'ai eu l'obligation d'arrêter l'héroïne j'ai dû faire montre d'une montagne de volonté dont j'ignorais totalement l'existence. Je me suis alors mis à croire que j'avais enfin réussi à canaliser cette colère perpétuelle pour la transformer en énergie suffisante pour vaincre mes démons.

Et ça a fonctionné jusqu'à présent…..

Aujourd'hui j'ai une femme que j'aime, un fils que j'adore, un foyer aimant et chaleureux, une position sociale inespérée au regard de mon parcours chaotique, et tout ça j'ai la douce sensation, sinon de l'avoir mérité, au moins de ne pas l'avoir volé !

Et pourtant elle est revenue, en plein, comme une ex étouffante qui surgit de nouveau pour saccager le bonheur que tu as osé construire sans elle !! Cette putain de colère, cette incompréhensible rage est de retour…et je ne la laisserai pas faire.

Ça avait commencé voilà quelques mois, lorsque épuisé par ces longues semaines sans sommeil, sans pauses, sans recul sur rien, je m'étais étonné de me sentir si seul. Moi qui avait toujours eu l'habitude de mordre la main qu'on me tendait je n'avais plus rien à mordre…et je regrettais alors cette main amie que je finissais malgré tout à prendre dès lors que son propriétaire acceptait les morsures préalables.

Je suis alors redevenu ce petit garçon haï, celui qui ne se sentait bien que seul, perché dans sa tour d'ivoire à noircir des pages de son malheur. Et je me suis isolé…mais je ne voulais pas fuir alors que faire ?

Oh et bien je suis passé d'un altruisme exagéré à un égoïsme forcené, comme ça d'un coup, sans prévenir, sans rien expliquer.
Chacune de mes actions désormais était conditionnée au fait qu'il me fallait être seul et avoir la prétention, si ce n'est l'arrogance, de dessiner cette colère au feutre noir.

D'un côté je culpabilise lorsque je me mets à dessiner les démons qui, heureusement, ne dansent plus mais qui parfois peuvent me manquer. De l'autre je culpabilise de m'empêcher de le faire, comme si je m'entravais volontairement.

Aujourd'hui j'ai si bien saccagé tout ce que j'aime que la situation est critique. Constance me fuit de peur de subir mes foudre, de lassitude également même si elle ne me l'avouera pas ainsi. Alexis continue de m'exprimer son amour, mais un jour il comprendra. Il saura qui est son père, et alors que se passera-t-il ?

Le monde entier me met en colère, c'est certain. A moins que ça ne soit ma colère que je retourne contre le monde entier…je n'ai pas la réponse.

Il serait malhonnête de nier que le travail actuel de notre soi-disant gouvernement de gauche ne m'affecte pas. C'est une évidence que je me sens trahi par ces gens. Au moins je n'attendais rien de la droite, alors que j'avais une réelle espérance en la capacité de Hollande de donner une autre orientation à la construction Européenne (on en est toujours au stade de la construction…j'ai l'impression que ça sera toujours le cas). Donc oui c'est un sujet qui m'affecte profondément, c'est une chose que je ne comprends pas et j'aimerais que tous ces gens cessent de se revendiquer de gauche pour épouser un titre plus en adéquation avec leurs politiques et leurs convictions comme social-libéralisme, social-démocratie….Ne  pas se dire de gauche lorsque le ministre du redressement productif, chantre de la démondialisation quand ça l'arrange et des salons feutrés quand ça lui plait, ose dire que nationaliser une entreprise n'est pas une si bonne idée car la gauche ne s'est jamais montrée très bonne gestionnaire !! Ne pas se dire de gauche et encourager la concurrence des biens, des personnes et surtout des services normalement publics. Ne pas se dire de gauche lorsque la politique qu'on mène trahit invariablement les vrais idéaux de la gauche.

La gauche n'est peut-être plus qu'une utopie, mais laissez-là nous au moins, laissez-nous rêver à un monde sans bourses, un monde sans traders, un monde sans TF1, un monde sans propriété privée, un monde sans un type qui meurt de froid dans la rue alors que certains ne savent plus quoi faire de leurs millions, de leurs milliards !!

Alors oui tout ça c'est vrai, ça concourt à accroître ma colère encore et encore. Mais c'est un mensonge que de dire que c'est la raison de cet état lamentable dans lequel je me traine depuis des semaines.

Je n'ose même plus dire à Constance que je vais faire des efforts, je l'ai tellement dit….

Pourtant j'aimerais qu'elle puisse me dire à nouveau qu'elle m'aime, me dire qu'elle est rassurée et sereine dans mes bras….mais ce n'est pas gagné, loin de là.

A chercher ailleurs des explications dont la clé se trouve au fond de mon cerveau malade je risque de perdre tout ce que j'ai, tout ce que j'aime.

Depuis toujours j'ai la sensation d'être en colère, finalement cette colère n'est jamais partie…..et elle m'épuise.

C'est terrible de voir se déliter sa vie, de se savoir le seul responsable de ça et de n'y pouvoir rien ! Mais je ne me rendrais pas sans me battre, si jamais il doit me rester une chose positive de cet état de rage permanent, c'est bien cela : la volonté et la force de me battre !

Je voudrais juste lui dire que je l'aime et que ses yeux s'allument à nouveau….



01/10/2012
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