Zone libre

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Irish stew

Ça fait bien une semaine que chaque matin j’essaie de pondre un papier valable. Et je n’y arrive pas. Arrivé à la deuxième, ou troisième page dans les bons jours, je suis happé par l’incroyable rythme de travail qui est le mien depuis quelques mois et puis…impossible de m’y remettre, j’ai plus l’envie, plus d’inspiration.

Les mots, d’habitude, sortent de ma tête sans que j’y prête vraiment attention et viennent se coucher avec habileté sur ce papier numérique que je n’arrive plus à noircir.

Ai-je perdu la sève ? Bah je me rassure en me disant que de toute façon jusqu’à la semaine prochaine je dois composer avec deux jobs contraignants et suis dans l’obligation d’affronter et de gérer au mieux les énormes pressions dont des puissants, ceux qui paient, qui ont le blé donc le pouvoir, se délestent allègrement sur les frêles épaules de votre serviteur.

La pression ne me fait pas peur, d’ailleurs je ne crois pas avoir peur de quelque chose ou de quelqu’un dès que je mets ma casquette de travailleur au service de la Nation !!

 

Ouais j’avais envie de dire ça, même si ça n’a aucun sens et que mon utilité au sein de la communauté est loin d’être évidente, je la considère même comme nulle mais c’est un autre sujet qu’on a d’ailleurs déjà abordé ici…

 

Par contre, eux, semblent rongés par la trouille. En plus de devoir faire mon job (mes jobs !) je me dois d’opérer de réelles séances de câlinothérapies à l’endroit, qui d’un collaborateur, qui d’un prestataire dont je ne connais que la voix et ne verrais jamais le visage, qui d’un client anxieux…j’aurais du faire assistant-social moi, j’aurais été moins emmerdé.

 

Je vous avoue que lorsqu’un dirigeant d’Unilever France me menace de me faire payer les jours de dépassement de son projet foireux sur lequel je trime, et bien…je me marre.

Unilever c’est quoi ? C’est simplement le numéro un mondial de…ben d’à peu près tout en fait. Des gâteaux aux couches-culottes, du dentifrice à la bière, de la soupe aux cotons-tiges…c’est un monstre tentaculaire, symbole évident de ce qui ne tourne plus du tout sur cette planète. La prochaine fois que vous irez au supermarché regardez un peu en bas des emballages, près du code-barres, si vous voyez un petit « U » stylisé avec des petites fleurs à l’intérieur de la lettre (le salopard qui a pondu ce logo mériterait l’échafaud tellement c’est laid) et bien c’est un produit Unilever. Au départ je pensais que c’était Super U mais non, c’est bien le géant de l’agro-alimentairo-cosméto-machin qui vous vend une merde.

 

Donc quand je lis que chaque journée de retard lui coûte de l’argent…je me marre encore plus.

Ce type est pétri d’angoisses, il se chie dessus car totalement incapable d’organiser, de planifier correctement, de comprendre même les tenants et les aboutissants de ce qu’il demande et forcément il a des comptes à rendre.

Insondables crétins qui n’ont pas, et n’auront jamais, les épaules pour supporter la pression hallucinante qu’ils subissent de leurs hiérarchies respectives.

 

Personnellement j’aime le travail bien fait. Je ne supporte pas de bâcler un projet, quel qu’il soit, et je préfère ne rien faire qu’en faire la moitié. Bon, dit comme ça on dirait cette phrase tirée d’un entretien d’embauche suite à la question « et sinon vos défauts, quels sont-ils ? ».

 

Au milieu de mes nombreuses activités, celle-ci, outre le fait qu’elle soit la plus rémunératrice, et de loin la plus compliquée à gérer. Je fais de la politique à longueur de journée finalement, passant plus de temps à expliquer qu’à agir.

Et c’est vrai que lorsque le Tycoon Unilever gronde qu’il perd de l’argent par ma faute, je n’arrive pas à y croire, et…je me marre.

 

Et pourtant je ne jette pas l’éponge. Il faut dire que Constance étant enceinte jusqu’aux yeux, et mes dettes non encore épurées ça ne serait pas le moment. Et puis je ne renonce pas facilement, seulement j’essaie d’expliquer à mes interlocuteurs que nous ne sommes pas tous des voyous qui tentent d’enfumer l’autre, que si retard il y a les raisons sont simples et me voilà à devoir passer une heure à faire un exposé plutôt que de faire avancer le schmillblick…c’est ridicule.

 

Dans la jungle des entreprises privées, quelles qu’elles soient, la méfiance est la règle de base. Chaque action est analysée par l’autre comme une agression, ou une fourberie.

« L’homme est un loup pour l’homme » disait Hobbes, il a certainement raison, néanmoins on atteint désormais des sommets de connerie uniquement dus à une ahurissante méfiance qui sévit partout.

 

Et quand on le vit en direct, je vous assure que c’est usant. Il faut une sacrée dose de recul afin de pouvoir séparer le bon grain de l’ivraie, savoir discerner le bon sens de la peur.

 

La peur régit le monde du travail. Dire ça n’est pas de la démagogie, non, c’est un constat.

Mais la peur ne régirait-elle pas le monde tout court ?

En y regardant de plus près on peut se dire que c’est le cas…Quelle bêtise quand même.

 

Les peurs ne sont évidemment pas les mêmes selon la strate socio-économique dans laquelle on évolue, c’est évident.

Le salarié est régulièrement tenu au courant que dehors le chômage sévit, que la crise est partout et que donc il devrait s’estimer heureux de travailler et ne pas réclamer sans cesse des augmentations que l’on ne peut de toute façon pas accorder, rapport à la dite crise. Quelle merveilleuse idée que de conserver un taux de chômage élevé afin d’exercer une pression inacceptable sur les salariés…quel beau concept !

 

Certes les grands patrons, nommés par des conseils d’administration, n’ont pas grand-chose à craindre vu qu’ils ne sont même pas tenus à des résultats que des retraites chapeaux exorbitantes sont définies contractuellement et que même s’il envoie son entreprise dans le mur, lui aura toujours un ou deux parachute sous le coude. (Cf. Areva, France télécom, Vivendi etc.)

 

La peur est un sentiment que tout le monde connaît, elle exprime son appréhension face à un risque, un danger et parfois une angoisse intime. Le salarié a peur d’être viré, le danger est le chômage. Le patron d’une PME qui a hypothéqué sa maison pour monter sa boîte a peur que son carnet de commandes reste désespérément vierge, le danger étant qu’il perde tout.

Mais le patron d’un grand groupe, le type qui est placé là par le truchement de jeux de pouvoir, d’amitiés politiques et/ou financières, qui est mandaté par un CA pour administrer cette entreprise de quoi a-t-il peur ? Quel danger pour lui ?

Et bien je le dis sans crainte, il ne court aucun danger et donc n’a peur de rien…CQFD.

Ça semble d’une incroyable platitude que de dire ça, néanmoins c’est très révélateur de ce qu’il est désormais acquis de nommer LA CRISE !

Ça fout les jetons quand je l’écris en majuscule hein ?

 

Que des types empochent des millions on peut être d’accord ou non, en être écœuré ou ravi, finalement le problème n’est pas là. Non, le problème est que ces gens fassent subir le risque de leur impéritie et de leurs errances intellectuelles et morales à la société toute entière sans jamais être tenu pour responsable de quoi que ce soit.

Ils gagnent à tous les coups !

 

On a tous des barrières morales qui nous empêche de faire n’importe quoi comme de mettre une bombe dans le hall d’accueil de TF1 ou bien d’aller pisser contre la grille de l’Elysée…on en a envie, mais on se retient.

 

Eux ne se retiennent pas, ils n’ont plus conscience de rien, seule l’avidité les poussent à agir…et les dégâts difficilement réparables.

 

A la fin de la seconde guerre mondiale (je n’écris pas deuxième car j’espère quand même qu’il n’y en aura pas de troisième) le conseil national de la résistance mettait sur pied ce qui allait être les fondements de la république. Un des principes forts était le contrôle étroit des conglomérats et de la finance. Dans le même temps aux USA la loi anti-trust et la régulation farouche des marchés financiers était de mise. Les banques d’investissement et les banques commerciales étaient séparées par une frontière infranchissable.

De fait il existait des garde-fous pour contrer les erreurs de gestion et/ou l’avidité toujours plus grande des patrons et des financiers de manière à ce que les impacts sur la société soient minimes, voire nuls.

Le spectre de 1929 étant toujours bien présent, la prudence et la rationalité était de mise.

 

Et puis Reagan, et puis Thatcher, et puis l’informatisation implacable de la finance…et tout part en couilles !

 

De crises en crises depuis 1973 et le premier choc pétrolier, le capitalisme ultralibéral en sort chaque fois renforcé. Le capitalisme a ça de curieux qu’il se nourrit des propres crises qu’il génère.

 

La situation, aujourd’hui, est complexe et très grave, personne n’en doute même si on ne peut ressentir les ravages de la crise de la même façon les uns et les autres.

 

Néanmoins je reviens sur cette histoire de responsabilités. Lors de la crise des subprimes, celle qui a mis le feu aux poudres et qui est comme la première vaguelette annonciatrice d’un monstrueux tsunami, il y avait qui aux manettes ?

Hank Paulson, Tim Geitner, Ben Bernanke…pour ne citer que 3 acteurs majeurs du côté Américain.

 

Ces gens sont ceux qui prirent les décisions qui ont permis la création puis l’éclatement de cette terrifiante bulle. Ce sont eux qui jusqu’à quelques jours de sa faillite assuraient encore que Goldman & Sachs était une banque sûre et dans laquelle on pouvait investir. Ce sont eux qui soit se sont trompés, ce dont je doute, soit on joué aux apprentis sorciers sans la moindre idée des ravages que cela allait produire.

On parlera un autre jour et en détail de l’historique de cette crise, mais ce que je veux souligner est qu’aujourd’hui le présidant de la FED est Ben Bernanke. Que Tim Geitner vient tout juste d’être remercié par Obama mais faisait malgré tout partie de son administration même après le fiasco de 2008.

Que Hank Paulson vit peinard dans son ranch et compte ses millions, alors qu’il aurait au moins du répondre de ses actes et de ses décisions devant une cour de justice.

 

Tous ces gens ont pris en otage la planète et tant que le système sera tel ils seront là…et comme ils ne connaissent pas la notion de contrôle et de risque, ils recommenceront encore et encore jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien sur les os de la bête.

Après la pluie…le déluge !

 

Les responsables de la crise sont connus, mais restent et resteront impunis. Les contribuables paient pour renflouer les banques qui si elles s’écroulent, soi-disant, entraineraient le monde dans leur chute.

 

Mauvais joueurs…

 

Les USA refusant de reconsidérer leur manière de vivre ont crée cette demande jamais satisfaite de cash. Or sans rien produire il est difficile de gagner de l’argent.

Et c’est le cas.

Car si tous ces mécanismes de titrisation, de dérivées et de subprimes furent mis en place pour répondre à la demande de financement de la société Américaine en premier lieu, bien avant la société Européenne, soyons honnêtes.

 

Un de mes amis me disait il y’a quelques jours « Il faut qu’on reconsidère notre industrie et trouver d’autres choses à produire vu que la majorité de la production se fait désormais en Chine ».

Sa femme lui dit alors « et si on cessait de produire tout simplement ? Ou au moins qu’on cherche à moins produire ? »

 

La voilà la clé ! La mise à bas du capitalisme, une réduction drastique de nos productions, ne plus consommer comme des débiles que nous sommes à coup d’IPhone, de TV Plasma ou de journée à Eurodisney.

 

De toute façon tant que le système ne sera pas drastiquement et radicalement modifié en profondeur, voire détruit pour en reconstruire un autre, les choses ne feront que s’aggraver.

 

Il faut aller voir « Inside Job », outre le fait que DSK et Lagarde passeraient presque pour des communistes, ce film est d’une pédagogie formidable et doit être montré à tous…c’est en salle actuellement, prenez une heure trente de votre journée pour y aller.

 

On en reparle bientôt…

 

C’était plus que décousu ce matin, pas bien écrit, trop de choses à dire et pas assez de temps donc soyez indulgents, mais je me remets en selle.

 

Tout doucement.

 

A bientôt camarades…HASTA SIEMPRE



25/11/2010
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