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CHAPITRE 1 : BACK FROM HELL

Il faisait nuit cette nuit-là.

Une nuit si noire, si épaisse que Romjex distinguait vaguement les quelques silhouettes qu’il croisait alors qu’il rentrait chez lui.

Il flottait dans l’air comme une odeur de soufre et de crainte mêlée. Cette nuit les démons étaient de sortie, et ça Romjex le sentait parfaitement lui qui était mi-humain, mi-on ne sait pas bien quoi mais en tout cas ça venait des enfers !!

 

Il avait été conçu sur un dock de Rotterdam, fruit de la passion d’une démone et d’un docker. Lequel était le plus maléfique ? Nul ne pouvait l’affirmer mais le résultat de cette union donna en tout cas une créature des plus perverse et viles qu’il me fut été donné de croiser, mis à part l’infâme Bazorax. Ou Bazorax l’infâme, il y’a encore débat sur le sujet…et j’avoue ne pas être totalement certain de mon choix.

 

Lors de l’Apogée avortée de 1920, les démons et les goules avaient été littéralement dégueulés sur terre par Lucifer lui-même qui s’était mis en tête d’envahir le monde. Bon ça avait foiré, et à l’époque les gens n’étaient pas prêts à être dirigés par un type tout rouge de 3 mètres avec une queue fourchue et à l’humour si fin que le peuple ne l’eut de toute façon jamais compris. C’est un peu son problème à Belzébuth, moi je le trouve marrant, mais il est spécial quand même, le nier serait une erreur.

 

La mère de Romjex avait fait partie de l’invasion, et elle était restée pour élever son fils dans les valeurs infernales qui étaient les siennes.

Une bien bonne mère qui pouvait être fière de son fils !

 

Pas comme Fleurytox, le vil valet velu de Bazorax, fruit, lui, d’une goule avec une hyène. Mais reprenons le fil de notre histoire, sinon ça part dans tous les sens. Merci.

 

Romjex l’immonde habitait un F2 au sein d’une barre de HLM dans la cité des 4 vents à Bondy.

En effet depuis que Bazorax avait été renvoyé en enfer, les affaires n’étaient guère florissantes et Romjex avait du chercher un travail honnête, et jamais il n’y parvenu. Il du donc se résoudre à travailler dans une banque.

 

Banques, qui sont, nous le savons tous, les succursales du purgatoire !

 

Les bras chargés de vivre et de bières, il ouvrit maladroitement la porte de son coquet appartement et buta sur une chose molle et malodorante qui se mit à gémir au moment du choc.

Les paquets qu’il tenait l’empêchait de voir dans quoi il avait marché et il pensa immédiatement aux déchets de Fleurytox, qui sans son maître vivait désormais chez Romjex, mais trop laid et trop mal fichu pour travailler ou même sortir faire les courses, il restait toute la journée à la maison à dormir sur le sol ou surfer sur des sites pornographiques.

 

Triste et magistral destin à la fois.

 

-       AHHHHH Fleurytox, t’as encore chié par terre !! Combien de fois devrais-je te le dire ?

-       Oh ça n’est pas une de mes déjections mi-maître, ça n’est que moi…

-       Ah ouais ? C’est marrant t’as la même consistance…fais voir un peu ?

-       Aïe…vous me faites mal mon mi-maître, mais cette douleur est si douce et s’il vous plait de me bastonner, j’en serai ravi, je vous aime mi-maître.

-       Rhaaaa arrête de m’appeler comme ça, c’est soi rien, soi maître, « mi-maître » ça ne veut rien dire. Et puis cesse d’être si…comment dire ? Carpette ! Oui c’est ça…et puis bouge là !!

 

Romjex infligea un magistral coup de tatane dans le visage déjà difforme de l’ignoble domestique qui alla se cacher en courant à quatre pattes derrière le fauteuil club ou il avait installé sa couverture et ses divers jouets en plastique qu’il aimait à mâchonner le soir devant la télévision, aux pieds de son bon, son si bon Romjex.

 

Ah ça chez les goules, l’estime de soi ne signifie pas grand-chose, je dirais même qu’elle est inexistante.

 

Romjex plaça ses vivres dans le réfrigérateur puis revint au salon un pack de bières à la main et une escalope verdâtre qu’il jeta à terre et sur laquelle se jeta Fleurytox avec gourmandise.

Romjex fut attendri par cette image. Que serait devenue cette vilaine créature sans son amour et son affection ? Que serait-il devenu sans son maître à qui il était dévoué jusqu’à la mort et au-delà ?

Il se reprit et jeta sa canette vide sur la goule qui le remercia chaleureusement en épongeant son nez sanguinolent.

Romjex n’était pas homme à se laisser aller aux sentiments ! D’ailleurs il n’était pas vraiment homme…donc techniquement parlant il n’était pas grand-chose.

 

Il s’affala sur le sofa, alluma la télévision et regarda TF1. Peu de gens savent que TF1 est le canal officiel du monde des enfers, et que les messages subliminaux ou codés qui permettent aux agents du mal de recevoir information, et autres messages y étaient légions.

 

La soirée se passait tranquillement, Romjex buvant de l’alcool, Fleurytox à ses pieds mâchonnant un os en plastique qui faisait « pouet » de temps en temps.

 

-       il m’emmerde ce documentaire sur les dauphins, pas toi ?

-       C’est un reportage sur les SDF maître

-       Ah oui ? Ahhhh d’accord tout s’explique.

-       Mais vous êtes si brillants que vous l’auriez découvert tôt ou tard mon maître.

-       Cesse tes flatteries vil valet ! Ou alors qu’elles soient un peu plus « brillantes » comme tu dis. Et d’ailleurs ou t’as appris ça toi ?

-       Dans la boite magique maître.

-       La boite magique ? hé,hé,hé t’es vraiment trop con toi, mais je t’aime bien.

 

Il se mit alors à courir après la créature armé d’une badine afin de lui flageller le visage, jeu auquel ils jouaient souvent, et qui finalement les rapprochaient et mettaient fin aux crises qu’ils pouvaient vivre.

Scène ordinaire d’une famille de banlieue…

 

Au même moment au cœur des enfers…

 

Lucifer s’ennuyait ferme devant son poste de télévision. Depuis que le capitalisme avait formaté les pensées, les économies et les politiques des pays de la terre, les forces du mal régnaient en maître absolu sur la planète bleue et finalement il n’avait plus grand-chose à faire.

Oh bien entendu il lui arrivait de générer une petite guerre par ci, une épidémie par là, mais le cœur n’y était plus.

Pourtant il n’avait pas grand-chose à reprocher à ses ouailles. Il avait trop bien travaillé finalement !

 

Il zappait laconiquement les yeux dans le vague et ne remarquait même plus les hurlements de douleur qui venaient de la cave ou quelque malandrin venait ici régler la note de ses pêchés terrestres. Ces cris qui d’habitude le divertissent tant, n’avaient même plus la même saveur. Il lui fallait reprendre la main, mais pour cela il fallait qu’il refasse un peu de place au bien sur la terre.

S’il n’y a plus que le mal, finalement il n’y plus ni mal, ni bien. Et plus de mal, ça, Belzébuth le refusait catégoriquement !

Il avait toujours été consciencieux dans son boulot et jamais il ne laissait un projet en plan !

 

C’est alors qu’il se leva du canapé et sorti sur le perron du pavillon.

Il est toujours surprenant de constater que le maître des enfers vit dans un pavillon Bouygues en bordure du Styx. J’ai conscience du trouble qu’une telle information peut jeter dans les esprits et soyez bien certains que s’il eut été possible qu’il en fut autrement j’aurais été le premier ravi. Mais en tant que scientifique je me dois de relater les faits objectivement.

Bref, voilà donc notre Satan sur le pas de sa porte plissant les yeux en cherchant ou pouvait bien se trouver son crétin de fils.

 

Bazorax jouait tranquillement avec son chien, Cerbère, auquel il lançait des morceaux de cadavres le plus loin possible, le fougueux animal se faisant une joie de ramener les morceaux de bidoche. Bon, le problème de Cerbère est qu’il n’est jamais d’accord pour savoir laquelle de ses gueules aura le privilège de transporter les projectiles de l’enfant.

 

L’image pleine de tendresse de cet enfant jouant avec un corps humain et ce chien à trois têtes fit monter une vague de satisfaction et d’affection pour Bazorax.

 

Ils s’assirent face à face autour de la table ronde de la salle à manger. Et le patriarche prit la parole.

 

-       Mon fils, j’ai constaté que depuis que tu étais de retour parmi nous le monde des humains ne se porte pas plus mal, et c’est insupportable. On passe pour quoi ?

-       Ben des loosers papa, des loosers

-       Voilà !! Des loosers. Et tu connais ton père, voilà une chose que je ne puis accepter !

-       Je te comprends, et puis j’ai du laisser Fleurytox mon vil valet velu, sur place. Et mon Romjex me manque. Sa longue chevelure d’or qui venait mourir sur ses épaules sensuelles telle les vagues de mon amour sur les rochers de son indifférence m’offrait une excitation que jamais je n’ai retrouvé ici..Jamais !

-       Heu…oui, on parlera de sexualité plus tard quand tu seras plus grand

-       Tu veux dire quand j’aurais au moins mille ans ?

-       C’est ça…minimum !

-       Coooool

 

Bazorax avait toujours été une déception pour ses parents. Oh bien sur il était vil, malhonnête, mauvais et sans aucun scrupule, ce qui dit en passant montre quand même que ses pauvres parents n’avaient pas tout loupé. Néanmoins la sexualité débridée et la sensiblerie du petit étaient des problèmes qui souvent les tourmentaient.

-       Fiston. Je sais qu’entre nous les relations n’ont pas toujours été au beau fixe, je le concède aisément. Néanmoins au fil des siècles j’ai vraiment appris à te respecter. Et le respect, au contraire de l’amour, ne peut pas s’acheter

-       Ohhhhh…merci papa.

-       Ouais, bon allez fi des bons sentiments, tu dois retourner sur terre !

-       Sur terre ? Je vais revoir mon Romjex ?? Je vais pouvoir cogner sur mon Fleurytox ?? Oh papa je t’aime !!

-       Voilà…c’est ça ton problème ! Tu ne dois pas dire ce genre de choses ici, c’est d’une part très grossier et d’autre part tu passes pour une gonzesse, et je n’ai pas fait un fils pour avoir une chochotte merde !!

-       Pardon père…et pour quelle raison je dois remonter ?

 

Belzébuth ne répondit pas et sorti une chemise cartonnée pour en sortir la photo de Barack Obama qu’il posa sous le nez du fiston.

 

-       Tu vois ce type ?

-       Oui, il est plutôt bel homme…

-       C’est vrai…mais ça n’est pas le propos. Ce type a remplacé W.

-       Ah bon ? Ben il est ou W maintenant ?

-       Oh j’en sais rien, je m’en fous un peu, mais l’important est que notre plus fidèle partenaire terrien, notre plus puissant allié sur terre n’est plus. Et c’est un problème. Tu vas voir qu’il va être capable de rendre le monde meilleur, et c’est une grave menace que nous nous devons d’anticiper !!

-       Certes…et comment fait-on ?

-       Et bien voilà mon plan : Ce soir lors du 20 heures de TF1, l’heure ou les portes des enfers s’ouvrent durant 40 minutes et où nos espions viennent s’exprimer, Frédéric Lefèvre viendra parler.

-       Lefèvre ? Un bien grand homme, un fidèle serviteur et en plus il est con comme une tuile, c’est une bonne idée d’avoir pensé à lui.

-       Ah je retrouve mon fils, machiavélique et mesquin comme je l’ai élevé !

 

Ils parlèrent encore quelques heures des modalités et du protocole en buvant quelques vodkas bien senties.

 

Le plan était somme toute assez classique, lorsque Lefèvre dira : « Parce que vous pensez que les socialistes feraient mieux ? », qui était une des nombreuses incantations que les fidèles du démon connaissaient afin de pouvoir faire communiquer les deux mondes, Bazorax se dématérialisera pour se reconstituer sous le bureau de Laurence Ferrari, ce qui en soi n’est pas le pire endroit pour ressurgir !

 

Il était dès lors acquis que le monstre était de retour…Les forces du mal allaient-elles une fois de plus se déchaîner, entraînant l’humanité dans une spirale folle et destructrice ?

 

Ce risque nous ne pouvions le courir, et c’est la raison pour laquelle, au même moment, j’étais en train de frotter le dos du colonel Mac Dumont avec du scotch histoire de lui redonner une apparence presque humaine…

 

Mais surtout quelles turpitudes allaient de nouveau nous infliger le trio maléfique. Ou le duo et demi, il faut dire que Fleurytox ne compte pas vraiment pour un, voire même moins que ça !

 

Au même moment, après avoir chahuté avec plaisir, Romjex s’assit devant sa télévision et c’est lorsqu’il entendit Laurence Ferrari présenter Frédéric Lefèvre, son invité, qu’il comprit.

Un large sourire de satisfaction mêlé de plaisir fourbe se dessina sur son horrible visage…la prophétie était en marche.

 

Le combat pourrait reprendre d’ici peu. Il ouvrit une canette de bière et porta un toast aux malheurs à venir…

 

A SUIVRE



11/10/2009
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