Zone libre

« Le débat ne sert à rien, je ne crois qu’au spectacle ».

Et bien merci Michel Serres, à la semaine prochaine…

Voilà ce qu’hier soir j’entendis dans mes oreilles alors que j’étais descendu fumer une clope.

Et oui, depuis que la cigarette est proscrite à l’intérieur, je me fade mes 5 étages pour aller m’intoxiquer avec bonheur, et donc souvent j’y écoute la radio dans mon téléphone (pour le coup j’aime cette fonctionnalité, je ne me sers que de celle-ci, et de téléphoner bien sur…mais passons).

J’apprécie grandement ce Michel Serres, homme de lettres, épistémologue, philosophe et j’en passe. Je vous parlais de Boris Cyrulnik il y a quelques jours, ben pour l’apéro avoir lui et Serres ça tape. Et surtout ça augure de conversations pour le moins intéressantes, pour le plus passionnantes.

(Tordue cette phrase, mais j’aime pas trop ce qui est droit et lisse…enfin ça dépend bien sur des circonstances, mais vous m’aurez compris. Sinon, tant pis).

Oui, j’aime bien quand Michel Serres parle, analyse un fait et sait se mettre à niveau d’un profane tel que moi.

Néanmoins je restais quand même sur ma faim ! Diantre, me dis-je, voilà qu’il a passé la journée à fumer la même dope qu’Alain Badiou !! Faut dire que le Baba je l’ai entendu parler, l’autre jour, de son dernier livre sur le cinéma…la vache ! Moi je veux bien que tout soit philosophie. Donc rien ne soit philosophie. Mais là, il a du se droguer c’est pas possible autrement.

Badiou, révolutionnaire, communiste assumé (j’ai failli écrire anarcho-libertaire mais ça ne colle pas avec lui je crois, pas vraiment libertaire le Badiou.), tu te dis « bah évidemment qu’il se drogue. Tu ne crois pas au grand soir sans une bonne dose de Peyotl ou des champignons Boliviens ! ». Mais mon Michel ?? Mon Mimi…non, je ne voulais le croire. Je ne POUVAIS y croire !

Je vais donc sur le site de France-Info histoire de savoir de quoi il parlait avant de conclure par ce cinglant « Le débat ne sert à rien, je ne crois qu’au spectacle ». Parce que je veux bien déconner, je ne suis jamais le dernier pour la gaudriole, certes, mais il existe des limites qu’il serait habile de ne pas dépasser sans réfléchir. Or réfléchir est un peu la seconde nature de monsieur Serres. Un truc qu’il fait régulièrement et plusieurs heures d’affilée.

Un truc que nous, on ne peut pas vraiment comprendre…et oui c’est triste mais c’est comme ça ! On ne pas pleurer sur notre sort non plus ?

Bon, donc, ce sujet qu’était-il ?

Et bien apparemment ils parlaient des anniversaires et des fêtes. Vous savez quand vous vous appelez Gérard et qu’un tas de SMS vous arrivent le jour de la saint Gérard à base de « bonne fête mon Gégé ! » ou bien « A la tienne ma couille ! » voire « SFR vous indique que vous avez dépassé votre forfait, désormais chaque minute vous est comptabilisée 479 $. Bonne fête de la part de toute l’équipe ! ».

Comment le gars en parlant des anniversaires a-t-il pu en arriver à la conclusion que le spectacle primait sur le débat ?

Et ce sans drogue ?

J’ai écouté la chronique ce matin, car j’étais perturbé hier soir. Peut-être a-t-il raison ? Peut-être que le débat ne sert à rien, mais alors j’aurais fondé toute ma philosophie personnelle sur rien…putain merci de me l’apprendre j’ai pas du tout l’impression d’être comme un con là ! Sympa…vive la France !

Je vous fais un rapide résumé de la dite chronique.

Fêter les anniversaires est une pratique qui date de la nuit des temps. Les Grecs anciens eux-mêmes utilisaient déjà des bougies pour célébrer les anniversaires par exemple.

Les fêtes quand à elles sont au départ des célébrations des divinités païennes, ésotériques et fournies que proposait le paganisme.

Jusqu’ici on suit.

Bon, arrive le Christianisme. Le fameux Christianisme (je mets une majuscule ils sont susceptibles ces gens-là) ! Et je ne parle pas de catholiques ou de protestants (pas de majuscule là, faut pas déconner…), non pas encore.

Alors tout d’abord les anniversaires sont proscrits, car d’origines païennes, et donc devant être éliminés implacablement pour ne laisser la place qu’à un seul dieu unique et rédempteur, vengeur mais néanmoins sympathique, bourru mais gentil…non pas le père noël, Dieu on vous dit !

En même temps le Père Noël vengeur ça aurait de la gueule…une nuée de sablés en forme de bonhomme de neige, une pluie de papillotes avec un pétard dedans, bref ça serait jouissif et n’importe quoi.

Mais revenons à nos moutons.

Donc plus d’anniversaires, et les fêtes me direz-vous ? Et bien ce que j’en ai compris c’est que ces filous de Chrétiens ont récupéré les fêtes pour y coller leurs saints, leurs martyrs et autres.

Là on touche un premier paradoxe. Voilà une église Chrétienne qui s’astreint à supprimer toute trace de paganisme en son sein et finalement recycle un culte païen des plus anciens, et des plus marqués « polythéisme » qui soit.

En même temps on n’est pas à une ânerie près avec les religieux…

Arrive le schisme alentour de 1550 je crois, mais là vous pouvez vérifier. Et deux églises bien distinctes se querellent pour savoir qui héritera quand Jésus mourra.

Enfin c’est ce que j’en ai compris.

Les protestants, désireux également de supprimer tout ce qui est païen dans la pratique religieuse décident de supprimer purement et simplement les fêtes.

Nenapu des fêtes, allez hop vous me foutez tous ces calendriers au feu, et on s’appelle tous Calvin. Ou Luther pour les filles…sont pas super déconne les protestants, on ne peut pas leur retirer ça.

Alors là les gens se disent « Bon, ben on est tombé sur une belle bande de salopards quand même. Plus le droit d’écouter du Hard-Rock, plus de droit de rouler bourré, et plus le droit de fêter nos fêtes !!! Sans déconner ils veulent quoi ? Qu’on se fasse super super chier ?? C’est quoi le but ? »

Alors ils décidèrent d’envoyer un émissaire, qui n’avait pas très envie mais il était tout petit alors c’était ça ou prendre des tartes et il en avait marre de se faire cogner, alors il accepta d’aller se plaindre, au nom des autres, aux autorités religieuses.

-       Bonjour monsieur le pasteur en chef

-       Je t’écoute mon enfant

-       Heu…ça va bien ?

-        ?? oui, ça va bien que puis-je pour toi mon bel agneau

-       Hé, hé vil flatteur…z’êtes pas mal installé là quand même ? Confortable, spacieux et vachement lumineux...

-       Peux-tu en venir au fait, j’ai quand même du boulot et ça m’ennuierait de devoir réduire mon temps de sieste tu comprends ?

-       Ah ! oui, oui désolé…heu…bon, comment dire ça ? J’suis emmerdé…

-       Parle avec ton cœur, et non avec ta bouche !

-       Mais comment on fait ça ??? Vous êtes totalement frappés ou quoi ?

-       C’est une image tête de nœud…TU VAS LA CRACHER TA VALDA MERDE !

-       Ouh là ouais…calmos ! Bon avec les copains là, les pleutres qui m’attendent avec des fourches dehors. Oui ceux-là même. On se disait quand même que les fêtes c’était pas mal, ça nous permettait de nous marrer de temps à autre. Et il parait que rire allonge l’espérance de vie.

-       Seul dieu peut rallonger l’espérance de vie !!

-       Hé, hé, hé ouais c’est ça…nan sans déconner, en fait on se demandait si on ne pouvait pas les remettre. Les fêtes. Siouplait !

-       JAMAIS misérable chiure de mouche païenne !! Jamais ! Par contre si vous voulez on peut fêter les anniversaires.

-       Les quoi ?

-       Anniversaire. Tous les ans on te fait ta fête, c’est pareil que les fêtes en fait. Mais ça ne s’appelle pas pareil…tiens regarde la brochure.

-       Hmmm…fais-voir…Mouais. Ça a pas l’air mal, vais en parler aux autres…des bises à votre dame

Vous noterez la précision du dialogue qui est relatée précisément dans d’éminents livres d’histoire agréés. Je ne me serais pas permis d’interpréter ce haut fait historique.

Pas mon genre.

A ce moment là on a donc deux églises, Catholique et Protestante (et ouais je sais j’avais dit non aux majuscules, mais je suis faible que voulez-vous ??) se battant sur un point aberrant.

L’une déclare pour supprimer les réminiscences des rites païens, vouloir instaurer les fêtes.

L’autre déclare, pour exactement la même raison, vouloir instaurer les anniversaires.

Et c’est à ce moment précis que mon Michel (vous ne l’avez pas oublié j’espère sinon vous n’allez rien comprendre, ça serait dommage) déclare que de cette querelle, de ce débat ne sortira au bout du compte qu’un gagnant : Le paganisme contre lequel les églises déclarent lutter !

Intéressant non ?

Si, intéressant ne dites pas non, soyons un peu sérieux, c’est passionnant !

Il se lance dans une analyse du débat et dit qu’il faut toujours chercher à voir à qui profite son issue, quelle qu’elle soit.

Il dit, et là je pense que c’est le philosophe qui parle et non le linguiste, qu’il y a toujours un tiers à qui profitera de toute façon le conflit.

Dans notre exemple d’anniversaires et de fêtes, le grand gagnant est le paganisme. A qui, soit dit en passant, on n’avait rien demandé.

J’ai trouvé ça vachement puissant comme raisonnement, et certainement très vrai concernant ce tiers qui profite du conflit.

Néanmoins je ne suis pas vraiment d’accord avec sa conclusion de nier l’intérêt du débat.

Il me faut fourbir mes arguments et ça sera pour une autre fois, mais je vais m’y atteler car (soyons sérieux un instant) le débat pour moi c’est la vie. C’est simplement l’essence de l’existence…et même si l’une précède l’autre !

Le débat l’échange a pour moi plus d’importance que le spectacle…il faut dire que Serres a une conception de l’Art qui, bien qu’intéressante, n’est pas exactement celle à laquelle j’adhèrerais volontiers.

Mais on en parlera un autre jour car j’ai du taf les amis !

Enfin voilà, outre l’anecdote sur l’histoire des anniversaires, j’ai trouvé intéressant de se poser cette question : A qui profite le crime ?

On peut se la poser à chaque instant de nos vies, on trouvera toujours une réponse.

De là à dire que le débat est inutile ou vain, je ne suis pas d’accord. Par contre ça n’est pas toujours celui que l’on imagine qui en tirera le plus grand bénéfice.

A méditer…

Sur ce, une excellente journée en ce lundi aux faux airs de Dimanche.

HASTA SIEMPRE CAMARADES !!!