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A qui profite le crime ?

Pas plus brillant ni stupide que la grande majorité des terriens, du moins c’est ce que j’aime à penser, je reste néanmoins plus que perplexe face à cette énigme que constitue la volatilité des marchés financiers en ce moment. Et ça m’agace de ne rien y comprendre….ça m’agace terriblement mais je dois bien me rendre à l’évidence : je dois être réfractaire aux concepts de la haute finance, intellectuellement  totalement bloqué sur des valeurs aussi peu rentables que l’humanité, la solidarité voire….le pragmatisme. Et oui j’ose, et pourtant je sais bien que les acteurs principaux des marchés se définissent eux-mêmes comme pragmatiques. Sauf qu’ils sont également froids, calculateurs, cyniques, sans états d’âmes etc.
Depuis 2008 on entend à peu près tout et son contraire, et surtout on nous bassine avec ce mur qui se rapprocherait de notre nez à une vitesse effrayante et dans lequel nous finirons un jour ou l’autre par nous encastrer tous autant que nous sommes. J’emploie le terme « bassiner » à dessein car les admonestations des gourous de la finance, tels des prêtres païens en appelant à des forces supérieures, me lassent. Et encore je reste poli.
Aujourd’hui, 3 ans après la jubilatoire dégringolade de Lehmann Brothers on en est où au fait ? Si je dis jubilatoire c’est qu’à chaque fois qu’un capitaliste peut se retrouver le nez dans le gazon je lève mon verre à la santé de la justice….toutefois c’est stupide de faire ça car au-delà du simple crétin qui perd son fric c’est tout un pan de la société qui en pâti et ça j’avoue que ça ne me fait pas jubiler. Mais alors pas du tout…
Jusqu’en 1981 l’équilibre financier des états était plus ou moins bon. En gros les recettes équilibraient les dépenses et la dette de chaque pays était contrôlée avec attention. A cette époque l’écart de salaire entre les plus riches et les moins riches était, dans les pays occidentaux, de l’ordre de 1 à 30. Acceptable on dira. Et puis…et puis un certain monsieur Reagan, très copain d’une sacrée salope nommée Thatcher, a décidé que tout cet équilibre était préjudiciable pour la bonne marche du monde et qu’il fallait donc ouvrir les vannes. Pourquoi ? Pour quelle raison exacte a-t-il été décidé de changer les règles du jeu et mettre en péril l’équilibre du monde ? Je n’en sais rien, vraiment rien…La dérégulation de la dette des états a-t-elle permis que des investissements stratégiques soient faits ? Les défenseurs du libéralisme économique sauvage me diront que c’est effectivement le cas, mais ces gens vendraient leur mère en prétextant le contraire si c’était dans leur intérêt.  Non la dette n’a pas permis d’investir dans la recherche et le développement, en tout cas ces investissements auraient très bien pu se faire tout en conservant une séparation forte entre les circuits au sein desquels circulent les flux financiers étatiques et les marchés traditionnels, qu’ils soient boursiers ou obligataires. Cette barrière, étanche, n’était pas une vue de l’esprit ni une lubie de communiste mangeur d’enfants. Elle est la conséquence de deux traumatismes qu’a subie l’humanité au cours du XXème siècle, à savoir la crise de 1929 et la seconde guerre mondiale. Roosevelt et De Gaulle, qui n’étaient d’accord sur pas grand-chose, l’étaient au moins sur ce point.  Et finalement le principe était clair : les financiers peuvent jouer à quoi bon leur semble sur les marchés mais on ne spécule pas contre les monnaies, on ne joue pas avec les états, et on ne permet pas au privé de s’enrichir sur le dos du public. Je la fais courte mais sinon on ne s’en sort pas croyez-moi…
Evidemment que ça n’était pas parfait mais au moins les choses étaient plus ou moins bordées ce qui permettait quand même de conserver un état fort et une certaine rationalité des comportements des marchés dont les soubresauts traumatisants de 29 étaient la hantise de tous. Voyant que ça fonctionnait pas si mal, que durant plus de 30 ans la croissance était au rendez-vous, que les pays occidentaux s’enrichissaient de plus en plus et que même le choc pétrolier de 1973, qui nous semblait à l’époque un véritable cataclysme, a été absorbé.  Le système fonctionnait. Certes le capitalisme triomphait mais à l’inverse du communisme il ne relevait pas encore totalement de l’idéologie.
Et puis tout est parti en vrille….Parallèlement aux décisions politiques d’éradiquer toute forme de régulation et de brasser indifféremment l’argent public et l’argent privé, l’informatisation des marchés a permis d’accroitre de manière exponentielle les revenus des opérateurs. Ça semble être une porte ouverte que j’enfonce sans vergogne que de dire ça, néanmoins, à partir du moment où il a été possible de vendre et d’acheter à la seconde, puis au dixième de seconde pour enfin atteindre des temps de traitement proche de la nanoseconde il est aisé de comprendre que la multiplication des ordres  permet invariablement la multiplication des gains. C’est mathématique…
Et c’est ici que se pose ma première (et certainement majeure) interrogation : si quelqu’un gagne c’est que quelqu’un perd non ? Je n’ai pas fait de longues études, je n’ai certainement pas l’érudition nécessaire pour saisir toutes les subtilités du système néanmoins il me semble que l’on n’a jamais rien sans rien et encore moins de l’argent….s’il y a des gagnants il y a inévitablement des perdants. C’est logique !
Donc on peut marquer le début de la fin alentour de l’année 1981. C’est un repère comme un autre mais il me semble judicieux, en tout cas dans le contexte de cette réflexion que j’ai bien du mal à mener pour tout vous avouer…27 ans après, en 2008, nous voilà donc au début d’une crise qui semble bien être la plus destructrice que le monde moderne ait connu. Le principe du « too big too fail », vieil adage capitaliste qui rassurait tout le monde et assurait aux mastodontes de la finance et de l’industrie d’être toujours sur pied quelles que furent leurs conneries commises par avidité, et bien ce principe a tout bonnement volé en éclat ! Est-ce que l’état Américain aurait pu renflouer Lehmann Brothers et ainsi peut-être évité ce qui allait suivre ? C’est possible, mais ils ne l’a pas fait. Les raisons m’échappent mais peut-être que simplement ils n’avaient pas l’argent pour le faire ? En tout cas ils ont laissé la banque faire faillite et le cataclysme était enclenché.
A cette époque un certain Nicolas Sarkozy, nabot en chef du pays du fromage, déclarait d’un ton martial que la finance allait être régulée, restructurée et surtout…moralisée ! Quelle idée !!?? Moraliser le capitalisme n’a aucun sens, et surtout aucun intérêt. Le capitalisme débridé que l’on subit depuis 30 ans n’a que faire de quelconques valeurs morales. Il est structurellement antisocial, inhumain et sans la moindre notion de ce qu’est l’intérêt général. En même temps on ne lui demande pas de nous réciter des poèmes au clair de lune, on ne lui demande rien en fait…si ce n’est disparaitre. A cette époque j’ai cru que ce séisme  que constituait la faillite de Lehmann Brothers allait sonner le glas du libéralisme économique dans sa forme la plus violente et qui sévit aujourd’hui et depuis 3 décennies. Elle était belle l’occasion de remettre les banques dans le rang, les états avaient la main et les banques étaient à poil. Nous étions nombreux à espérer que les fondations mêmes du capitalisme allaient être bouleversées, nous étions bien moins nombreux à y croire. J’avoue en avoir fait partie. Oh pas longtemps c’est certain, mais j’y ai cru. Du moins jusqu’à ce que je réalise ce qu’ils étaient en train de faire…Paul Jorion, économiste de son état, avait à l’époque prédit précisément ce qui allait se passer. Les dettes des banques étaient transférées aux états qui pour couvrir les dites dettes ont creusé  les déficits les rendant encore un peu plus abyssaux. Tout cela sans prendre une quelconque participation dans les établissements financiers et de fait se mettre en position de vulnérabilité face aux spéculateurs. Jorion avait dit clairement qu’en procédant de la sorte ce seraient les états qui, demain, seraient la proie des marchés. Fulgurante lucidité qui s’est apparenté à un pathétique prêche dans le désert. Il est moralement insupportable de constater qu’après avoir sauvé le système financier de la banqueroute les états se voient attaqués par ceux qu’ils ont sauvés hier.
La morale n’a pourtant rien à voir là-dedans. Les spéculateurs agissent en fonction de modèles mathématiques et de rien d’autre, or l’économie est une science sociale avant tout. Si certains pans de cette discipline sont régis par des règles mathématiques abstraites, la majeure partie répond à une conjoncture globale constituée d’humains. Pas de variables d’ajustement, ce que nous sommes tous devenus au final. Nier la dimension sociale et sociétale de l’économie est une tragique et monstrueuse erreur. Aujourd’hui on nous parle de l’euro qui est attaqué. Mais ça veut dire quoi que l’euro soit attaqué ? En soi ça ne veut rien dire. On nous explique que la City à Londres et Wall Street à New-York, les deux principales places financières du monde, spéculent contre l’euro. Vu d’ici, de la zone euro, on peut avoir tendance à imaginer les traders aux yeux vicieux rire sournoisement de leurs méfaits qui consisterait à affaiblir l’euro pour leur plus grand plaisir…la belle image d’Epinal qui, là aussi, n’a, à mon avis, pas d’autre sens que de cristalliser la colère des peuples sur quelques opérateurs boucs émissaires. En effet les traders à NY ou à Londres n’en ont pas grand-chose à battre des conséquences de leurs actes. Si les conséquences de leurs opérations étaient que le monde aille mieux et que les gens avaient du boulot ils continueraient à faire ce qu’ils font. A l’inverse si les conséquences sont le chaos, la désolation, la misère ils continuent également à le faire. On pourrait les en blâmer mais ça serait un peu facile de leur faire porter seuls le chapeau. Personnellement j’ai un profond mépris pour ces gens, mais ils sont une des composante du système, ils n’en sont ni les instigateurs, ni les décideurs.
En 2008, à la veille de sa faillite, Lehmann Brothers était encore noté triple A par les 3 agences de notations (Fitch, Moody’s et Standard and Poor’s). Comment est-ce possible ? Quelle crédibilité ces agences peuvent encore avoir après ça ? Je ne comprends absolument pas qu’il en soit encore ainsi !!! Aujourd’hui des voix s’élèvent pour dire qu’on cesse de noter des pays qui sont aidés par le FMI. C’est un premier pas. Supprimer ces agences est une priorité, les dégâts qu’elles provoquent sont considérables. Comme me disait un ami il y a 2 jours en parlant des dirigeants des agences de notation « Mais ces gars-là vivent hors sol ou quoi ? Ils n’ont pas de famille dans la vie réelle ? N’ont pas un cousin ou une tante au chômage ??? ». Je partage son interrogation : qui sont ces gens ? Payés par les états qu’ils notent leur position hautement schizophrénique est tout simplement incompréhensible, absurde. Décider du taux auquel on va pouvoir prêter à un état a des conséquences sur la vie de cet état. L’économie d’un état ça n’est certainement pas que des chiffres, loin de là.
Un connard gouvernemental parlait des allocataires du RSA comme d’un cancer de la société, il n’est évidemment pas trop fort de parler des agences de notation comme des métastases de l’humanité. Elles sont trois, centralisées, les fermer n’entrainera pas un flot ininterrompu de chômeurs sur les routes car le nombre de salariés y travaillant reste limité. Il est donc assez simple de s’en débarrasser. La métaphore oncologue fonctionne à plein ! Les tumeurs sont localisées et peu nombreuses…c’est maintenant qu’il faut soigner si on veut avoir une chance de s’en sortir.

A qui profite alors le crime ? Il profite aux spéculateurs, aux créanciers privés et de manière paradoxale à certains états. Quand la France emprunte à la BCE à un taux de 1% et qu’elle prête cet argent aux Grecs à un taux de 5%, elle gagne du blé….que les grecs perdent. C’est une situation incroyable que d’être à la fois victime et bourreau. Victime car aujourd’hui c’est la Grèce qui est en fâcheuse posture, demain ça sera la France au regard de notre monstrueux déficit.
D’ailleurs je parle de 5% en Grèce mais aujourd’hui on a atteint des taux vertigineux. 10 , 15, 20…25% de taux d’intérêts ! C’est plus cher que Cofidis ! Le gouvernement Grec ferait mieux de prendre 1 million de carte Cofinoga il paierait moins cher…c’est aberrant.
A mon avis le système financier tel qu’il est aujourd’hui ne peut pas aller beaucoup plus loin. Les peuples vont commencer à en avoir vraiment ras-le-bol d’être étranglés de la sorte. Le frémissement des indignés grecs et espagnols n’est rien à côté de la fureur qui peut d’un moment à l’autre se déclencher. Au milieu des potentielles solutions qui s’offrent à nous il en est une qui me semble être simplement frappée au coin du bon sens. Elle consiste en gros à redéfinir une barrière étanche entre les économies des états et les marchés financiers. Cela reviendrait à interdire aux états d’emprunter sur les marchés, et donc de le faire auprès des banques centrales. Faire ça remettrait les choses dans le bon sens car la spéculation sur les monnaies deviendrait impossible. Ensuite concernant l’euro il est vital désormais qu’un fédéralisme fort voit le jour…mais ça tant que les allemands la joueront aussi perso ça ne sera pas possible.
D’ailleurs je ne crois pas plus au fait de sortir les économies d’état du jeu de dupes que sont les marchés financiers. La solution est trop simple pour être acceptée. Elle est trop compréhensible pour le peuple or une des caractéristiques de la discipline économique est de complexifier à loisir des concepts simples pour les rendre opaques et incompréhensibles au plus grand nombre. Seuls quelques initiés et experts peuvent s’y retrouver, ce qui est tellement plus confortable pour continuer à faire n’importe quoi avec l’argent public et, de facto, la vie des peuples.

La crise de la dette européenne risque de déboucher sur une partition de la zone euro, un éclatement des principes fondateurs de l’Europe et ainsi augmenter le risque d’instabilité, de conflits etc.
S’il est désormais assez simple de démonter le mécanisme de tout ce merdier, ce qui était loin d’être le cas avant 2008, mais le temps s’accélère de manière incroyable, je reste frustré de ne pouvoir identifier les réels bénéficiaires de cette crise et de cette spéculation criminelle. Les gagnants je ne sais pas exactement qui ils sont, par contre les perdants on sait pertinemment que ce sont  nous tous. Tout simplement…mais jusqu’à quand ?

Bonne journée et bonnes vacances pour les veinards au soleil

HASTA SIEMPRE CAMARADES !!!
 



15/07/2011
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